L’Inde au secours de la Russie : une coopération énergétique et militaire
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Qui a dit que la Russie était « encerclée » par l’OTAN ? Un simple coup d’œil sur la carte la montre bordée à l’Est de pays amis : la Chine (et sa succursale, la Mongolie), le Kazakhstan, l’Iran, et l’Inde. L’Inde, avec son quasi milliard et demi de personnes, vient selon l’ONU de dépasser la Chine pour devenir la nation la plus populeuse du monde, et elle s’inscrit de plus en plus clairement dans la sphère d’influence de Poutine, aussi bien dans le domaine énergétique que pour la coopération militaire. Le pétrole russe à prix d’ami vient d’ailleurs récompenser un soutien qui alimente notamment l’effort de guerre en Ukraine. La « multipolarité » prêchée par Poutine et les siens est avant tout la constitution d’un bloc de puissance contre un autre, où chacun est prêt à mettre le prix.
Le prix, justement, est celui du brut russe. L’Inde est aujourd’hui le plus gros acheteur de pétrole russe – et aussi d’armes et d’équipements militaires russes – à des tarifs qui l’avantagent fortement : selon Karan Mehrishi, journaliste économique en Inde, le fait de s’être tournée vers Moscou a permis à cette dernière d’économiser quelque 3 milliards de dollars en 2022 sur une facture de d’importations de pétrole qui avoisine les 120 milliards annuels. Pourcentage modeste mais économie de taille, la Russie ayant consenti des rabais suffisants pour que l’Inde la préfère aux pays de l’OPEP.
L’Inde dépendante de la Russie sur le plan énergétique
Un lien de dépendance se crée fatalement. Qu’elle le veuille ou non (et il n’y a pas de raison de croire qu’elle n’accepte pas la situation), l’Inde de Narendra Modi se trouve toujours plus liée par les désirs de Vladimir Poutine.
La croissance de l’économie indienne, aujourd’hui la plus forte au monde, ne fait qu’augmenter ses besoins énergétiques : ainsi, entre mars 2022 et mars 2023, le niveau quotidien de ses importations de pétrole a progressé de 5 % pour atteindre 4,83 barils par jour. Cela veut dire que sa dépendance ne fait que grandir, vu qu’elle importe déjà 85 % de son pétrole. La Russie, pendant ce temps, tire près de 50 % de sa richesse des ventes de gaz et de pétrole.
La réussite de l’économie indienne, avantagée par sa démographie et sa compétitivité face aux pays occidentaux, permet par ces échanges de protéger la Russie des effets des sanctions occidentales mises en place à la suite de l’invasion de l’Ukraine, et lui ont même évité la banqueroute, selon une analyste du Telegraph de Londres.
Inde et Russie, une coopération historique
Celle-ci fait observer que les liens amicaux entre la Russie et l’Inde remontent au XVIIIe siècle, même s’ils se sont distendus au temps de l’Empire britannique : l’indépendance en 1947 fut rapidement suivie du rétablissement des liens diplomatiques avec l’URSS. Cela s’est vu de manière particulièrement évidente dans le domaine militaire lorsque l’Union soviétique a commencé à fournir l’Inde en armes sophistiquées au début des années 1960 ; la « chute du communisme » russe n’y a d’ailleurs rien changé puisque les ventes d’armes se sont poursuivies.
Les agences d’informations russes contrôlées par le Kremlin assuraient ainsi en février que Moscou a vendu pour 13 milliards de dollars d’armes à New Delhi au cours des cinq années précédentes ; les commandes en cours avoisinent les 10 milliards.
Les relations vont d’ailleurs se renforcer sur tous les plans puisque les négociations entre l’Inde et la Russie en vue d’un traité de libre-échange progressent sans encombre.
Il n’est guère étonnant, dès lors, que Modi n’ait à aucun moment condamné l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Sa préoccupation principale, selon le Telegraph, demeure la maîtrise des coûts de l’énergie, et c’est la seule raison, ajoute le quotidien, pour laquelle l’Inde continue de fermer les yeux et de favoriser la Russie par rapport aux « démocraties occidentales ».
L’Inde de Narendra Modi, modèle de la lutte « pour le climat » ?
Voire. L’Inde, comme la Chine, ne néglige pas ses débouchés industriels et commerciaux dans les pays développés, mais cela fait bien longtemps qu’elle navigue en bonne place parmi les BRICS dans le bloc des pays sous influence communiste, et qu’elle prêche la religion écologique tout en cherchant à repousser au plus loin les exigences de décarbonation qui pèsent déjà si lourdement sur l’Occident.
Modi reste l’enfant chéri de l’ONU, dont le secrétaire général, Antonio Guterres, ne tarit pas de louanges sur ses homélies faisant l’éloge du concept Lifestyle for the environment (LIFE) que lui-même pratique en vivant seul, en pratiquant une heure de yoga par jour ; il ne fume ni ne boit, et ne mangue jamais de viande.
Pas plus tard qu’en janvier, le président fondateur du Forum économique mondial de Davos, Klaus Schwab, rendait un hommage appuyé à Modi et qualifiait l’Inde de « lueur d’espoir au milieu de la crise mondiale ». Cette admiration n’est pas nouvelle.
Et que l’Inde soit bras dessus, bras dessous avec la Russie de Poutine ne gêne décidément personne.
L’Europe achète des quantités record de carburants russes raffinés par l’intermédiaire de l’Inde et paie une marge énorme
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· PUBLIÉ · MIS À JOUREn août dernier, nous avons été les premiers à montrer comment la Russie contournait l’embargo européen sur les matières premières : elle vendait du gaz naturel liquéfié (GNL) à la Chine, qui le revendait ensuite à l’Europe avec une majoration substantielle. Et bien que nous ayons également fréquemmentrapporté que la Russieutilisait un contournement similaire des sanctions pour le pétrole, cette fois en utilisant l’Inde au lieu de la Chine, peu de gens étaient prêts à le confirmer : après tout, il semblerait très peu perspicace que les consommateurs européens paient un supplément à l’Inde, alors que la Russie ne subit aucune conséquence négative des « sanctions » dérisoires de l’Europe.
Ce n’est plus le cas : vendredi, Bloomberg a rapporté qu’en dépit du feu et de la colère de l’Europe au sujet d’un embargo (qui s’est nettement calmé au cours des derniers mois), « le pétrole russe alimente toujours l’Europe avec l’aide de l’Inde ».
Comme nous l’avions indiqué à l’époque, l’UE a interdit en décembre dernier la quasi-totalité des importations de pétrole brut par voie maritime en provenance de Russie. Deux mois plus tard, elle a étendu cette interdiction aux carburants raffinés. Toutefois, ces règles n’ont pas empêché des pays comme l’Inde de s’emparer du brut russe bon marché, de le transformer en carburants tels que le diesel et de le réexpédier en Europe avec une forte majoration : comme le montre le graphique ci-dessous, le différentiel de prix entre le Brent et l’Oural, un sous-produit des sanctions russes, est d’environ 25 dollars par baril, soit près d’un tiers du prix d’un baril de brut. Les marges sur les produits russes sont encore plus importantes lorsqu’il s’agit de produits raffinés tels que l’essence ou le diesel.
En fait, l’Inde est devenue si douée dans la revente du pétrole russe aux mêmes Européens qui refusent de l’acheter directement à Moscou pour un prix bien inférieur, que le pays asiatique est en passe de devenir le plus grand fournisseur de carburants raffinés de l’Europe ce mois-ci, tout en achetant des quantités record de brut russe, selon les données de l’entreprise d’analyse Kpler.
En d’autres termes, l’Europe continue d’acheter du pétrole russe, ce qui permet à la machine militaire de Poutine d’être bien financée, mais en raison de l’exercice de signal de vertu consistant à acheter du pétrole russe par l’intermédiaire d’un médiateur, la transaction finit par coûter aux Européens des milliards de dollars de plus que s’ils avaient simplement acheté le pétrole directement.
« Le pétrole russe revient en Europe malgré toutes les sanctions et l’Inde qui augmente ses exportations de carburant vers l’Ouest en est un bon exemple », a déclaré Viktor Katona, analyste principal du pétrole brut au sein de la société. « L’Inde absorbant tant de barils russes, c’est inévitable. »
Comme le note Bloomberg, « l’évolution est à double tranchant pour l’UE. D’une part, le bloc a besoin d’autres sources de diesel maintenant qu’il a coupé les flux directs de la Russie, qui était auparavant son principal fournisseur. D’autre part, la demande de barils moscovites augmente, ce qui entraîne des coûts de transport supplémentaires. En d’autres termes, l’Europe n’atteint aucun des objectifs qu’elle s’était fixés dans le cadre de l’embargo (empêcher le pétrole russe d’entrer sur le marché, empêcher Poutine d’utiliser le pétrole pour financer la guerre en Ukraine), tout en étant frappée par des prix de l’énergie beaucoup plus élevés.
Cela signifie également une concurrence accrue pour les raffineurs européens qui n’ont pas accès au brut russe bon marché, et cela intervient dans un contexte de surveillance accrue du marché quant à l’origine des importations de diesel de la région.
Josu Jon Imaz, PDG de Repsol SA, a déclaré jeudi que le diesel russe entrait illégalement en Europe et a appelé les autorités à mettre un terme à cette activité. Il ne parlait pas du commerce via l’Inde, mais des flux de diesel provenant de Russie… ce qui est bien sûr la même chose.
Il est hilarant de constater qu’une enquête préliminaire menée par les autorités espagnoles n’a pas permis de prouver que du diesel russe entrait dans le pays, a déclaré vendredi un représentant du gouvernement, ajoutant qu’une enquête était en cours. Bien entendu, personne en Europe ne veut admettre qu’il finance indirectement Poutine. Il faut donc s’attendre à de nombreuses autres « découvertes » de ce genre, car tous les autres pays essaient de savoir s’ils importent du pétrole russe pour découvrir que tout le monde l’utilise, sauf eux.
Entre-temps, les importations européennes de carburant raffiné en provenance de l’Inde devraient dépasser les 360 000 barils par jour, devançant de peu celles du titan exportateur de pétrole qu’est l’Arabie saoudite, selon les données de Kpler.
La cerise sur le gâteau : Les arrivées de pétrole brut russe en Inde devraient dépasser les 2 millions de barils par jour en avril, ce qui représente près de 44 % des importations totales de pétrole du pays, selon les données de Kpler. L’Inde réexporte ensuite rapidement le pétrole ou le transforme d’abord en diesel et en essence, avant de le vendre à des clients européens.
Plus de la moitié des expéditions maritimes de pétrole de la Russie étaient destinées à l’Union européenne et aux pays du Groupe des Sept avant que le bloc ne commence à réduire ses achats en réponse à l’invasion de l’Ukraine par le pays au début de 2022.
Enfin, la question de l’utilité de la poursuite des « sanctions » contre la Russie se pose, comme l’explique Robin Brooks, de l’IIF, dans le fil de discussion suivant sur Twitter, qui montre une fois de plus que les sanctions occidentales contre la Russie ont été un échec catastrophique… peut-être comme cela avait été prévu depuis le début.
Évaluation de notre politique de sanctions
1. Seules deux questions sont importantes. Premièrement, nos sanctions ont-elles réduit de manière significative la capacité de la Russie à faire la guerre ? Deuxièmement, nos sanctions ont-elles un effet dissuasif sur les pays susceptibles de faire la guerre à l’avenir ? Malheureusement, la réponse à ces deux questions est : « Non ! « Non ! »
2. Le problème fondamental est l’engouement pour les sanctions financières. Celles-ci peuvent être efficaces lorsqu’elles sont appliquées à des pays dont les comptes courants sont déficitaires – la Turquie en 2018 en est un exemple – mais elles ne fonctionnent pas avec des pays dont les comptes courants sont excédentaires. Il s’agit là d’un point essentiel sur lequel on n’insistera jamais assez.
3. La Russie montre l’échec de nos sanctions financières. Nous avons sanctionné certaines banques, dont la banque centrale (en rouge), mais pas toutes. Cela signifie que toutes les liquidités provenant de l’excédent de la balance courante de la Russie ont été acheminées par des banques russes non sanctionnées (en bleu). Poutine a quand même reçu tout son cash…
4. Nos sanctions financières n’ont donc pas empêché Poutine d’obtenir tout son argent en échange des exportations d’énergie. Tout cet argent a simplement été acheminé par des banques différentes de celles d’avant. En conséquence, les conditions financières en Russie se sont assouplies pour revenir aux niveaux d’avant-guerre, ce qui est un grand avantage pour l’économie de guerre russe.
5. On aurait pu éviter cela, mais il aurait fallu sanctionner TOUTES les banques russes. C’est la même chose qu’un embargo commercial, puisque Poutine n’est plus payé et cesse d’exporter. Cela montre ce qu’il faut faire pour nuire aux pays excédentaires en c/a : un embargo commercial ! Pas des sanctions financières…
6. La première leçon à tirer de la Russie est que notre engouement pour les sanctions financières doit cesser. Elles ne fonctionnent pas sur les pays en excédent de capacité de production, à moins que nous ne sanctionnions toutes les banques, auquel cas nous ne ferions qu’imposer un embargo commercial. Nous devons mettre en place des embargos commerciaux plutôt que des sanctions financières…
7. Si nous avions imposé un embargo sur l’énergie à la Russie, cela aurait coûté cher à l’Occident, mais la Russie aurait connu une crise financière, ce qui aurait rendu la guerre plus difficile à mener pour Poutine. Un embargo aurait également effrayé d’autres pays potentiellement hostiles ayant une balance courante excédentaire.
8. Il n’est pas trop tard. Premièrement, l’Occident doit cesser de se focaliser sur les sanctions financières. Deuxièmement, nous devons commencer à parler des compromis difficiles qui sont nécessaires pour affronter les pays à excédent de la balance des paiements courants. Nous devons cesser de leur donner de l’argent, ce qui signifie que nous devons cesser d’acheter leurs produits…
9. Une note de bas de page sur le plafonnement des prix du pétrole par le G7. Ce plafond est la reconnaissance du fait que l’excédent de la balance courante de la Russie doit être réduit. Mais, grâce aux oligarques grecs du transport maritime, le plafond a été fixé à 60 dollars et n’était pas contraignant. Une erreur qui peut être réparée maintenant en abaissant le plafond…
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