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L’Edito : Du cycle boursier au cycle de crédibilité par Bruno Bertez

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 L’Edito : Du cycle boursier au cycle de crédibilité par Bruno Bertez

  L’indécision continue de prévaloir sur les marchés. Les haussiers sont sur la défensive; les baissiers attendent l’arme au pied qu’un signal clair de cassure soit donné.

  Nous nous garderons bien de tenter une anticipation. Tout est possible. Aussi bien la poursuite du petit rebond constaté en fin de semaine dernière, que la chute franche si ce rebond venait à avorter, enhardissant les attaquants.

La conjoncture boursière mérite que l’on s’y attarde car ici, elle s’articule étroitement au fondamental.

 

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

D’abord, le court terme, le très court terme.

La semaine au 27 mai a été positive. Positive pour tous les assets, ce qui est assez rare. On a monté sur le complexe du risque-on; on a monté sur le complexe du risque-off. Reprise sur les actions en cours de période, ce qui permet finalement aux indices de terminer quasi étal. La rotation du mois de mai en faveur des défensives semble stoppée. Les acheteurs se sont quelque peu rassérénés; ils sont revenus sur les valeurs moyennes, comme en témoigne la belle performance sur le Russell-2000 et les Mid-caps. A noter que les banques se sont stabilisées, ce qui a certainement favorisé la bonne tenue d’ensemble.

Tout le complexe du risque, avons-nous dit, a rebondi. Les commodities ont gagné en moyenne 1,4 à 1,5% selon les indices sous  la conduite de l’argent-métal, de l’or et de l’énergie. Les émergents ont été globalement bien orientés, même si la Chine a fait exception avec un recul sévère. Les spreads de risques ont varié dans d’étroites limites.

source Bespoke

Si le risque-on, si la prise de risque a connu un regain, le risque-off, la fuite devant le risque, a fait de même! Les taux d’intérêt ont baissé un peu partout, sous la conduite su 10 ans US (-7 points de base à 3,08%) et surtout allemand (-7 points de base à 2,98%). Le bund allemand repasse sous les 3% au plus bas de 4 mois.

http://www.gecodia.fr �Niveau fin de periode� Variation
Taux obligations d’Etat 2008 2009 2010 sept. mars 13/05 20/05 27/05 1er jan. Mars Hebdo
Etats-Unis %     %   %     En pb (100 pb = 1%)
Taux directeur (Fed Funds) 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.0 0.0 0.0
Taux 3 mois (Libor) 1.43 0.25 0.30 0.29 0.30 0.26 0.26 0.25 -4.9 -4.9 -0.4
Taux 2 ans 0.76 1.14 0.61 0.42 0.80 0.57 0.55 0.48 -13.0 -32.0 -7.0
Taux 10 ans 2.25 3.85 3.30 2.53 3.47 3.18 3.15 3.07 -23.0 -40.0 -8.0
Zone euro %         %     En pb (100 pb = 1%)
Taux directeur (Refi) 2.50 1.00 1.00 1.00 1.00 1.25 1.25 1.25 25.0 25.0 0.0
Taux 3 mois (Euribor) 2.89 0.70 1.01 0.89 1.24 1.43 1.44 1.43 42.4 19.1 -0.5
Taux 2 ans (Allemagne) 1.85 1.38 0.86 0.84 1.79 1.74 1.73 1.56 69.5 -22.8 -17.2
Taux 10 ans (Allemagne) 2.96 3.39 2.94 2.28 3.39 3.08 3.05 2.98 3.5 -41.5 -7.5
Royaume-Uni %         %     En pb (100 pb = 1%)
Taux directeur (Base rate) 2.00 0.50 0.50 0.50 0.50 0.50 0.50 0.50 0.0 0.0 0.0
Taux 3 mois (Libor) 2.77 0.61 0.76 0.73 0.82 0.82 0.82 0.83 6.9 0.8 0.2
Taux 2 ans 1.36 1.39 1.05 0.79 1.35 1.00 0.98 0.93 -11.9 -42.2 -4.9
Taux 10 ans 3.25 4.13 3.50 3.06 3.68 3.33 3.31 3.26 -24.2 -41.6 -5.1
Japon %         %     En pb (100 pb = 1%)
Taux directeur (Overnight call rate) 0.10 0.10 0.10 0.10 0.10 0.10 0.10 0.10 0.0 0.0 0.0
Taux 3 mois (Tibor) 0.74 0.46 0.34 0.36 0.34 0.34 0.34 0.34 0.0 0.0 0.0
Taux 2 ans 0.37 0.15 0.18 0.17 0.20 0.18 0.19 0.19 1.2 -0.9 0.2
Taux 10 ans 1.17 1.30 1.05 0.96 1.09 0.89 0.93 0.96 -9.0 -13.3 2.7
                       

Notre interprétation est la suivante. Les marchés sont traversés par des courants contraires qui traduisent

1) l’incertitude réelle propre à la situation

2) le caractère partagé des perceptions des opérateurs.

On a remonté sur le complexe du risque car on était survendu et on approchait de seuils critiques de soutien. On a progressé sur le complexe défensif parce que les signes de ralentissement de la croissance se multiplient, parce que les anticipations inflationnistes marquent une pause, parce que la rechute grecque et les maladresses européennes inquiètent.

  
Tout se passe comme si les marchés étaient dissociés, ne faisaient pas de synthèse, chaque camp,  bull ou bear, fait ses affaires dans son coin.

Sans prendre position, nous avons noté que les corrélations habituelles ont bien joué: la reprise du S&P500 et du complexe du risque a coïncidé avec un coup d’arrêt à la fermeté du dollar. Le Dollar Index a cessé de progressé. Il a perdu 1%, il est revenu sous les 75. Après un plus haut à mi-mai à 76, une tendance au repli se dessine, elle constitue un soutien pour le complexe du risque, lequel est, nous vous le rappelons, considéré comme véhicule anti-dollar.

Nous vous rappelons que notre position de neutralité positive sur le marché serait certainement modifiée, voire bousculée, en cas de confirmation de retour à une tendance baissière sur le dollar. Un test positif (à la baisse bien sûr) des 72,50-72 au Dollar Index nous rendrait très optimiste sur les actions.

Nous avons commencé par le court terme, voyons maintenant le plus long terme.

Notre manière de voir les choses est la suivante. Le cycle haussier dans lequel nous nous trouvons a débuté en juillet 2010. Le mois de juillet a été marqué par les achats d’initiés, par les achats de la grande communauté spéculative sur la rumeur souterraine d’un nouveau Quantitative Easing. Le QE2 a effectivement été officialisé par Bernanke en août. Sur le fait accompli de l’annonce, la communauté spéculative a pris partiellement ses profits: sur les 100 points gagnés par le S&P, 75 ont été reperdus. Le vrai décollage semble donc, donne l’apparence, de s’être produit en septembre. Le mouvement a duré près de cinq mois; cinq mois de hausse tranquille, rassurante, sans volatilité, cinq mois qui ont fait passer le S&P500 de 1.050 à 1.350. Niveau atteint dans la deuxième quinzaine de février. Nous pensons que le vrai top de ce cycle initié par le QE2 se trouve là, à 1.350 en février. Depuis cette date, on ne fait que des sommets marginaux, peu rémunérateurs, avec de la volatilité et des dents de scie difficiles à travailler.


 

Entre février et fin mai, on a en quelque sorte, dirons-nous, joué les prolongations. Des prolongations pour clôturer ce que nous appellerons le cycle de QE2. Nous étions à 1.350 en février, nous sommes à 1.330 maintenant, le top s’est donc construit sur trois mois. Notre analyse sera confirmée si l’on fait 1.280 ces prochaines semaines; elle sera évidente pour tout le monde a fortiori si l’on fait 1.250.

Pour nous, en tous les cas, la cause est entendue: le cycle provoqué par QE2 est terminé.

Ce n’est pas contradictoire avec l’idée qu’un nouveau cycle téléguidé, téléonomique, piloté, peut lui succéder. Simplement, ce cycle doit être préparé. Les conditions de ce nouveau cycle ne sont peut-être pas encore en place.

A moins que, à moins que, le nouveau cycle n’ait subrepticement débuté à la mi-avril. Car à la mi-avril, il s’est passé quelque chose: le rendement du 10 ans américain a atteint son top cyclique à 3,60%; depuis, la baisse a été forte et continue. On est revenu juste au-dessus des 3%! Dès la mi-avril, les plus doués parmi la communauté spéculative ont fait l’arbitrage, ils ont changé de monture, exit les actions, retour sur les bonds.

 

Source: Societe Generale

Dans l’anticipation de quoi?

D’un échec de la reprise auto-entretenue, d’un nouveau pourrissement des green-shoots, d’une menace de double ou triple-dip?Ou de nouvelles initiatives monétaires équivalentes à un Quantitative Easing? Ou d’une baisse appuyée du change?

Vous savez que c’est cette dernière hypothèse que nous privilégions et ceci mérite digression. Il nous faut en effet ajouter que notre thèse est confortée par la chute récente des rendements des valeurs du Trésor américain. La baisse du rendement des Treasuries préfigure la dépréciation du dollar.

Selon les travaux de Rudiger Dornbusch, connus, bien sûr, et commentés par Bernanke, l’équilibre des marchés de capitaux globaux requiert que le dollar se déprécie quand les taux d’intérêt réels US baissent relativement à ceux du reste du monde. Ceci afin de préparer une future appréciation du change qui compensera l’insuffisance de rendement. C’est la thèse de la parité des taux d’intérêt. Fermons cette parenthèse.

Vue de Sirius, la photo nous parait donc être la suivante

1) fin d’un cycle de hausse sur les actions et les anti-dollars

2) détente des anticipations inflationnistes, regain haussier sur les bonds et les Treasuries

 3) tassement des indicateurs économiques, ralentissement de la croissance

4) recrudescence de craintes sur le subprime souverain européen

 

5) conclusion: le financement américain n’est pas menacé, le statut de refuge du dollar étant conforté, les dirigeants américains, Fed en tête, ont à nouveau la situation en mains pour de nouvelles initiatives et un nouveau round de stimulation.

Nous en convenons, notre analyse et nos interprétations sont audacieuses. Elles équivalent à considérer

1) qu’il n’y a pas de vraie sortie de crise

2) que l’on a sans cesse besoin de « taper dans la boîte », « kick the can »

3) que toute la problématique américaine est de trouver les moyens de créer du crédit additionnel  et, et nous disons bien « et », en même temps de baisser le change, le tout sans créer de mouvement désordonné et sans déclencher de phénomène de boule de neige

4) que le cycle de crédibilité de la Fed est l’élément déterminant pour aller plus loin dans les stimulations. Pour créer du crédit, il faut de la crédibilité.

Le cycle de crédibilité est balisé par les anticipations inflationnistes, par les taux d’intérêt du 10 ans, et bien sûr par la propagande et la connivence du système financier et médiatique. Le cycle de crédibilité est vital, c’est lui qui redonne les marges de manœuvre et les possibilités d’action. Nous sommes, selon nous, dans cette phase de reconstitution.

Nous parlions de propagande, de manipulations et donc de climat. Les grandes manœuvres ont commencé. Dans le New York Times du 25 mai, le billet-phare du prix Nobel Paul Krugman est intitulé « Third depression watch ». Krugman se replace dans le cadre des longues dépressions du 19ème siècle et de la Grande Dépression du 20ème siècle. C’est un choix, vous en conviendrez. Et il nous dit: « nous sommes, je le crains, dans les premiers stades d’une troisième dépression. Cela ressemblera probablement plus à la Longue Dépression (du 19ème) qu’à la très sévère Grande Dépression (du 20ème). Et le coût pour l’économie mondiale et surtout pour les millions de vies gâchées par l’absence d’emplois sera cependant énorme ».

BRUNO BERTEZ le 29 mai 2011

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