Les investisseurs délaissent l’industrie photovoltaïque
Les perspectives de sortie du nucléaire n’ont pas créé l’engouement prévu. Le secteur à nouveau fortement shorté.

Le destin de l’industrie solaire est-il comparable à celui de Sisyphe? A l’image du rocher sans cesse poussé par le fils d’Eole, le secteur du photovoltaïque semble contraint à convaincre constamment les investisseurs pendant que les prix ne cessent de baisser et les performances boursières déçoivent sur les marchés actions.
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L’industrie solaire a globalement bien traversé la dernière crise conjoncturelle. Sa résistance doit naturellement beaucoup à sa phase de démarrage (croissance de 87% des nouvelles installations l’an dernier). Les coûts de production se réduisent jour après jour, les gains en efficience augmentent et les fondamentaux sont bons pour de nombreux opérateurs. A cela s’ajoutait l’effet Fukushima. Les investisseurs avaient bouclé leurs positions shorts il y a trois mois et l’accident nucléaire japonais devait renforcer le soutien aux alternatives énergétiques.
Plusieurs mauvaises nouvelles ont fait retomber l’optimisme récemment retrouvé. Fin avril déjà, les ventes de panneaux solaires s’avéraient relativement faibles pour le premier trimestre. L’inversement de tendance n’a donc pas eu lieu. A partir de mi-mai, ce sont les prix des cellules et des modules qui ont sévèrement chuté (de 20 à 30%) en raison d’une faible demande et de la formation de stocks. La baisse des prix pressurise les résultats et les valorisations de nombreuses entreprises.
Une situation très paradoxale qui accentue la volatilité du secteur. A long terme, rien ne justifie pourtant l’héliotropie intermittente des hedge funds. Cette stratégie semble déconnectée d’une tendance qui donnera raison à une énergie toujours moins coûteuse, proche de la validation économique si l’on en croit un grid parity bientôt atteignable sur certains marchés.
Quête de stabilité post-Fukushima
Ce n’est de loin pas un signe favorable pour une proche stabilisation du secteur: les hedge funds ont rapidement repris leurs positions short dans les producteurs de photovoltaïque, après le revirement qu’avait entraîné Fukushima. L’accident nucléaire avait en effet mis fin à la défiance des investisseurs et leurs paris à la baisse sur un marché extrêmement volatil. Fin mars, la communauté financière semblait apercevoir une hypothétique inflexion durable de tendance en direction d’une validation économique de ce type d’énergie. Aujourd’hui, tout est à recommencer. Le prudent espoir d’un «printemps» du renouvelable a été vite douché par les marchés. Le Bloomberg Global Leader Solar Index, qui regroupe 37 sociétés du secteur, a plongé de 22% au cours du trimestre actuel. A l’image de Q-Cells, dont 54% de capital est shorté (et le titre a perdu 6% sur les trois derniers mois).
Que s’est-il passé en si peu de temps?
L’effet positif de Fukushima sur les énergies renouvelables en général, et le solaire en particulier, ne se ressentira qu’à long terme. En attendant, le gaz naturel en plus grand gagnant d’un changement de paradigme énergétique. Les dynamiques de court terme sur le marché photovoltaïque restent elles marquées par de fortes variations. Une série de mauvaises nouvelles est apparue dans un secteur qui semble toujours plus morne.
La focalisation des investisseurs sur les opérateurs asiatiques, en raison de leur profil low cost et d’une compétitivité mieux appréciée s’ajoute à une réduction progressive des aides publiques en Europe.
Ce qui a attiré les positions short sur les deux principaux marchés du solaire que sont l’Allemagne et l’Italie (entre 60 et 70% de la production mondiale). Les marchés sont globalement marqués par les préoccupations croissantes des investisseurs concernant une réduction du capex dans le secteur du photovoltaïque due à une tendance faible en termes de nouvelles installations.
En raison de facteurs saisonniers, la consommation a été en effet très faible en début d’année en Allemagne. En Italie, ce sont des incertitudes politiques qui ont provoqué le ralentissement. Pourtant, beaucoup de nouvelles capacités de production continuent d’arriver sur le marché et les sociétés continuent de produire à plein régime. D’où l’apparition de stocks dans la chaîne de valeur. Un phénomène qui contribue à la baisse des prix et fait pression sur les résultats des entreprises. A partir de mi-mai, les prix des cellules et modules ont lourdement chuté. «Il y a un effet boule de neige similaire à ce qui se passait pendant la crise financière, explique Xavier Chollet, de Pictet&Cie. Voyant les prix chuter, les consommateurs attendent de meilleurs prix encore avant d’acheter.»
La situation dure jusqu’à ce que les prix se stabilisent. L’Allemagne est précisément un cas intéressant: le niveau de prix actuel est inférieur de 20% à la moyenne du premier trimestre et les subventions ne vont pas bouger dans la deuxième moitié de l’année, ce qui devrait favoriser une reprise de la demande. «Les taux de rendement sur les projets solaires sont attrayants et le resteront dans la deuxième partie de l’année», selon Xavier Chollet.
L’évolution en dent de scie contraste avec des perspectives de long terme attrayantes, en raison de fortes croissances de volume qui s’amélioreront avec le temps. Mais tant que le secteur dépendra des subventions, la volatilité restera grande. Globalement, la baisse de prix devrait toutefois rendre le solaire toujours plus compétitif. En Italie, par exemple, Le coût de l’électricité sur le marché retail italien est très élevé et l’ensoleillement optimal. Ces conditions pourraient permettre au solaire d’atteindre le grid parity dès l’an prochain. Selon un scénario toutefois optimiste. D’ici là, le secteur s’épure et les lendemains de Fukushima ont représenté un dur retour à la réalité pour des entreprises qui n’étaient structurellement pas compétitives.
Frédéric Mamaïs/Agefi juin11
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