Les sanctions de l’Union européenne sont vouées à l’échec Par Emmanuel Garessus
Les intimidations des dirigeants européens s’accumulent. Mais pas de quoi céder à la panique. «Les deux tiers des sanctions économiques échouent», a déclaré récemment Hosuk Lee-Makiyama, directeur d’un think tank spécialisé sur le commerce international, le European Centre for International Political Economiy (ECIPE)

L’expert, comme son nom ne l’indique pas, a représenté la Suède et l’UE auprès de l’OMC. Cette évaluation du taux d’échec des sanctions se fonde sur les travaux de Gary Hufbauer* qui évoque notamment les effets de la mondialisation sur ce type d’interventions. Le directeur de l’ECIPE en témoigne. «Je n’ai jamais vu autant de voitures et téléphones chinois que lors de mon récent voyage en Syrie», a-t-il ajouté lors d’une conférence de la Progress Foundation, à Zurich.
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Pourtant les menaces s’accumulent à l’égard des pays qui ne partagent pas l’agenda des «grandes puissances» superendettées. Le récent G20 en a été la preuve. «Heureusement» ce nouveau cartel fonctionne mal, comme l’explique l’éditorial de la NZZ. La crise ne ferait que s’aggraver «si la moitié du monde devait participer à un plan de sauvetage» solidaire, écrit Beat Gigy. Il appartient à l’Union européenne de gérer ses déficits, une UE antidémocratique, car construite par des «élites» qui paniquent à l’idée de consulter les électeurs – l’histoire du référendum grec en témoigne, aussi opportuniste soit-il – et anti-économique puisqu’elle refuse la concurrence monétaire et fiscale. Mais une Union européenne blessée et appauvrie peut causer du tort à la Suisse.
La source des sanctions économiques remonte aux débuts de la Guerre froide lors des restrictions aux échanges technologiques avec les pays du Pacte de Varsovie. Les premières sanctions multilatérales décrétées par les Nations unies visaient elles des régimes d’apartheid, la Rhodésie (1966) puis l’Afrique du Sud (1969). Mais ces sanctions n’ont conduit qu’à consolider les régimes en place. La chute du mur de Berlin a ensuite coïncidé avec une véritable prolifération des sanctions économiques à des fins diverses et multiples.
Le contexte économique n’a pas facilité leur mise en œuvre, notamment le développement des échanges internationaux et de la mondialisation qui ont accru l’interdépendance entre les pays. Parallèlement, le monde est devenu multipolaire.
Aujourd’hui, les 12 pays soumis à des sanctions des Nations Unis sont des Etats autoritaires et leurs économies sont largement isolées du commerce international. Les Etats-Unis ont leur propre liste et l’Union européenne également, mais les deux ne se recoupent pas. La Suisse aussi pratique des sanctions. Elle suit fidèlement Bruxelles, ainsi que l’a confirmé Marie-Gabrielle Ineichen, directrice du Seco.
Plusieurs enseignements sont à tirer de l’échec fréquent des sanctions économiques depuis un demi-siècle. Premièrement, selon le directeur de l’ECIPE, les sanctions sont plus efficaces lorsqu’elles sont dirigées contre un pays «ami», à l’image des mesures prises par les Etats-Unis contre le Royaume Uni durant la crise de Suez. Deuxièmement, les mesures sont plus efficaces contre des petits pays économiquement dépendants (à l’exception de Cuba). Troisièmement, les sanctions ont tendance à fonctionner si elles constituent un prélude à l’emploi de la violence militaire (Kosovo). Et finalement la réussite dépend beaucoup du contexte et du degré du soutien international. Dans le cas de la Syrie, la Russie et la Chine ont apposé leur veto.
Mais non seulement les régimes soumis à des sanctions profitent de ces attaques pour consolider leur pouvoir, si bien que ce sont les plus pauvres du pays qui sont affectés. Mais les sanctions sont coûteuses pour le pays qui définit la sanction.
Pour pallier ces difficultés, depuis le milieu des années 1990, on assiste à une multiplication de sanctions ciblées, appelées «smart sanctions», allant des matières premières (diamant, bois), au gel d’actifs financiers, en passant par des suppressions d’aides financières et la suspension de négociations d’adhésion. L’Union européenne a multiplié ce genre de sanctions. Elle a également sanctionné les violations des droits de l’homme en retirant divers avantages à la Birmanie, la Biélorussie et le Sri Lanka. Mais sans grand impact.
Le succès des sanctions économiques européennes laisse à désirer, selon le directeur de l’ECIPE: «Les pays autoritaires ont d’autres préoccupations que de se soumettre aux pressions économiques ou aux valeurs européennes». La stratégie de la carotte et du bâton produit de meilleurs résultats avec la Turquie et la Serbie. Mais cela n’a pas mené au succès espéré avec la Guinée, le Liberia, le Togo et le Zimbabwe. Un haut degré de dépendance économique ne garantit donc pas le succès, selon Hosuk Lee-Makiyama.
Le problème de base des sanctions «soft» de l’Union européenne est lié à ses faiblesses militaires, selon l’expert. «L’Europe n’est pas une puissance géopolitique», selon le directeur de l’ECIPE. Or sans risque d’intervention militaire, la sanction économique n’est qu’un bluff. D’ailleurs aux Etats-Unis, l’administration qui gère les sanctions économiques est placée sous la responsabilité du Département de la défense.
Enfin, le coût des sanctions économiques se répartit souvent inégalement et provoque des tensions entre les pays qui participent à ces mesures. Les sanctions commerciales contre la Biélorussie ont ainsi été suspendues en 2006 lorsqu’il est apparu que le commerce se contractait de 33% avec la Lettonie et de 26% avec la Pologne alors qu’il augmentait avec l’Allemagne.
La seule arme de l’Europe dans sa politique de sanction, c’est sa stratégie d’intégration. Mais les sanctions ne sont finalement efficaces que pour accroître la popularité du gouvernement qui les décide.
* Gary Hufbauer, Jeffrey Schott, Kimberly Elliott and Barbara Oegg, Economic Sanctions Reconsidered (3rd edition), Peterson Institute for International Economics (2007).
Source Le Temps nov11
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