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L’Edito du Mercredi 18 Avril 2012 : Le décor du grand happening français est planté par Bruno Bertez

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L’Edito du Mercredi 18 Avril 2012 :  Le décor du grand happening français est planté par Bruno Bertez (actualisé au 19 avril)

 Après la dette espagnole, comme on pouvait s’y attendre c’est au tour de la dette française d’etre chahutée. Pour la premiere fois depuis le debut Janvier, les CDS souverains francais, les Credit Default Swaps qui protegent contre les defaillances de débiteurs, viennent de repasser au dessus des 200!

Source: Bloomberg.

Confirmant que c’est l’Allemagne et toute la politique européenne qui est attaquée, le financier Paulson qui s’est attaqué avec succès aux subprimes annonce publiquement qu’il « shorte « , vend a decouvert l’Europe. et les Bunds Allemands.

 Pourquoi pas ! S’il s’agit d’une santion d’ une gestion calamiteuse , il n’y a rien a dire, elle est méritée. S’il s’agit d’une appréciation plus fondamentale de la situation Européenne, Paulson a peut ètre tort, on verra.

   Notre idée est qu’au travers des erreurs, des tatonnements , malgré la bétise et la couardise généralisées, le Systéme se fraie son chemin.

Nous ne résistons pas au plaisir de commenter au passage une petite citation de Merkel rapportée par Reuters le 18 avril 2012. Angela Merkel “is not happy that financial markets have not made any contribution to resolving the financial crisis ». Si, Madame Merkel, les marchés ont apporté une contribution énorme et irremplaçable à la résolution de la crise.

Premièrement, ils ont signalé la crise de surendettement, ce qui a permis de la traiter avant qu’elle ne devienne irréparable. Nous vous rappelons, Madame Merkel, que la crise a été diagnostiquée en 2006 dans toute son ampleur, c’est Juncker qui nous l’a révélé il y a quelques semaines et que les gouvernements ont préféré faire l’autruche, faire comme si de rien n’était, espérant que personne ne s’en apercevrait. Le premier scandale du comportement européen est là, dans cette dissimulation, de ce qui était connu. Les marchés ont fait leur travail de révélation, de découverte des vrais prix.

Deuxièmement, c’est vous Madame Merkel, qui avez commis une erreur colossale qui a donné à la crise une dimension systémique lorsque vous avez voulu la PSI, participation du secteur privé. Vous avez détruit le caractère sacré de la dette des souverains, vous avez torpillé le bilan des banques et créé le lien, dans la déconfiture, entre les banques et les souverains.

Troisièmement, Madame Merkel, dans la restructuration grecque, vous avez exigé que la BCE reste à l’écart, créant ainsi, d’une part un précédent juridique, et d’autre part, vous avez créé deux catégories de porteurs de dettes souveraines, ceux dont les marchés se souviendront. Les marchés ont compris qu’ils étaient juniors face aux porteurs séniors qu’étaient la BCE et autres.

Quatrièmement, l’Histoire montre que l’on ne peut jamais construire sur le mensonge, la reconnaissance de la vraie valeur des dettes des pays surendettés par les marchés est un apport, une contribution, à la solution de la crise. Faute de cette reconnaissance, on aurait continué de s’enfoncer dans les subterfuges, lesquels subterfuges auraient encore plus fragilisé le système. Fin de digression.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Ne soyons pas pessimistes. Bien sûr, il serait fou d’attendre des élus qu’ils fassent le bon diagnostic, élaborent des  réponses cohérentes. Les hommes ont l’illusion de conduire leur destin, ils ne se rendent pas compte que c’est le cours des choses qui les produits, qui les gouvernent . D’où notre mépris pour les constructivistes, apprentis sorciers de tous poils et de toute tendance politique.

Le problème n’est même pas la sélection des élites, c’est bien plus grave. Le probléme est culturel , les élites et leurs médias pensent faux. Et tout cela fait vivre nos sociétés dans une gigantesque névrose au vrai sens , psychanalytique du terme. Il y a une expression populaire qui a un certain succès pour désigner cela : ils marchent a coté de leurs pompes .Nous y reviendrons. Ce qui est sûr, c’est que le problème actuel de surendettement du couple maudit govies/banques produit des idées et des « solutions » qui permettent au système fondé sur cette alliance de tenter de durer. Normal, c’est lui qui tient le Pouvoir, la machine à décerveler, etc.

Mais le système global, historique, dans lequel le sous-système de la kleptocratie s’insère, ce système n’est pas inactif, il se régule. Contrairement aux illusions naïves de nos pseudo élites, il fait ses mutations pas vraiment silencieusement, mais de façon inaperçue.

Le vote en faveur de Hollande, produit, voire suscité par les erreurs de la kleptocratie a, à la fois un aspect de défense et un aspect de progrès. Hé oui !!!! ,  c’est cela la vie, le bien est inséparable du mal, les arbres ont deux branches!

De défense  parce que bien sûr, Hollande va poursuivre la politique de tonte et de spoliation des citoyens au profit du couple Etat/banques, ce qui va renforcer temporairement le système ploutocratique

Mais…..

De progrès  car en raison du déplacement à gauche du centre de gravité, il va falloir élargir le cercle des bénéficiaires; le vote Hollande s’analyse comme un gigantesque « et moi, et moi » de la part de la clientèle de la social-démocratie. La clientèle de la social-démocratie veut,  elle aussi profiter des largesses, en particulier,  la classe bureaucratique. Elle va se voter ou se faire voter des largesses. Le résultat sera à l’échelle du système, une progression, une accélération de la délitation, une aggravation des déséquilibres. Or, vous le savez, on n’avance pas dans l’immobilisme de l’équilibre, on avance dans la dynamique des déséquilibres. Donc le mouvement va s’accélérer, se précipiter. Souvenez-vous de 1981 en France , qui a été suivi du grand Aggiornamento de 82, 83,84. Pour parler vulgairement et résumer le progrès de l’élection de Hollande, disons que cela va coûter plus cher mais que cela va durer moins longtemps.

Quand une société est en situation de crise, de rupture, il est évident que le corps social, dans son inconscient, utilise toute la gamme des idioties à sa disposition. Quand la social-démocratie de gauche gouverne, on la fait tomber et on met en place la social-démocratie de droite et après?

Le bon vieux Marx nous le dit, c’est le tour du fameux homme providentiel, soi-disant technicien, soi-disant homme de l’unité nationale etc.Et puis,  bien sur,  lui aussi échoue et la société se réinvente, se régénère. Les forces vives se libèrent et le neuf se reconstruit , libéré du poids des scories du passé.

Il y a tout un cycle et il faut l’épuiser, c’est cela l’histoire! Et elle ne s’arrête jamais contrairement aux rêves modernistes du fameux  « oh temps suspends ton vol ».

Pour revenir à notre analyse et proposition, qui ne représente qu’un aiguillon pour la réflexion, nous insistons sur la nécessaire cohérence de l’ensemble, car une chose positive dans un cadre, peut devenir négative dans un autre cadre. C’est ce que les soi-disant responsables se refusent à admettre, il n’y a pas de recette ponctuelle, de mesure miracle, mais des voies, des orientations, faites de mesures complémentaires qui trouvent leur efficacité dans et uniquement dans leur cohérence.

Quel est cet ensemble qui peut tracer les voies d’une sortie plus satisfaisante de la crise, permettre une mue plus rapide et moins douloureuse?

La remontée de la part des salaires dans la valeur ajoutée est centrale car c’est ce qui produit le déséquilibre majeur, on ne peut croitre, produire, employer et vendre sans pouvoir d’achat gagné. C’est ce que Ford avait découvert il y a bien longtemps. La leçon n’a pas été oubliée, mais on a cru pouvoir tricher, remplacer le pouvoir d’achat gagné par le pouvoir d’achat octroyé, le crédit.

Partage de la valeur ajoutée (USA)

source Zerohedge

Figure 1 – Adjusted wage shares*, index value (1960=100)

source LSE

La chute de la part des salaires dans la valeur ajoutée de tous les grands pays, depuis le début de ce que nous appelons la financiarisation,  est l’éléphant dans la pièce que personne ne veut voir. Quand on en parle, on en parle par son revers, la hausse fantastique de la part des profits , on fait comme si cela etait juste une incidente, quelquefois à déplorer ou a saluer , tout dépend du coté ou l’on penche .La chute de la part des salaires , laquelle coincide avec la chute historique tendancielle de l’inflation est le phénomene le plus important, la pierre angulaire dela financiarisation et maintenant de la crise du système . Ensuite?

Mais il faut réduire le poids du stock de dettes dans le système par la restructuration/moratoire/rééchelonnement.Le stock de dettes c’est le mur qui empèche d’avancer. La réduction du poids des dettes, qui a été très souvent pratiquée dans l’Histoire et même institutionnalisé sous le nom de Debt Jubilee, est la condition indispensable de la libération du boulet qui empêche la reprise des économies.

Mais il faut réduire le poids des prélèvements publics d’au moins cinq points dans le Produit National  pour retrouver une société de liberté, d’initiative et cette réduction du poids ne peut être faite que par baisse des dépenses.

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Mais il faut annoncer la couleur, faire un choc, qui fait prendre conscience du changement de cap et insister sur le fait que ce changement de cap n’est pas au profit d’une caste privilégiée, mais au profit de la croissance, au profit du retour à la prospérité. Ceci est crédible en raison de l’objectif annoncé de remontée de la part des salaires dans la valeur ajoutée nationale.

Mais il faut une opération vérité européenne, casser le mythe de l’arrimage magique à l’Allemagne, la discipline monétaire et fiscale ne conduit pas à la convergence comme les irresponsables promoteurs de l’euro ont voulu le faire croire et pire, ont peut-être cru. La convergence ne viendra pas. Ce qui gouverne les sociétés est enraciné, embedded, dans leur  histoire, dans le tissus  social, dans les structures visibles et cachées, dans son appareil productif, ses mentalités. Faisons justice au passage de l’argument des faux-esprits qui tentent de nous faire croire que les choses se passent au niveau de la compétitivité. Sous-entendu, il suffit de pratiquer des dévaluations internes pour les uns (les PIIGS) et de l’inflation pour les autres (l’Allemagne). La non-convergence n’est pas causée fondamentalement par la divergence de compétitivité, même si celle-ci est importante, elle est causée structurellement par la différence de position sur le marché international des biens et services, par la différence de spécialisation internationale, par la différence d’atouts issus de la nature et de l’histoire. Le rouleau compresseur de la compétitivité résoudrait une partie des problèmes, mais laisserait le fond, les irréductibles différences intactes.

On ne fait pas un Pays du Nord avec un Pays Latin en un cycle économique, fut-il de Juglar ou de Kondratieff. Pour que l’Europe existe, il faut qu’elle reconnaisse que le modèle allemand n’est pas transposable. Ce fut l’erreur colossale du français Sarkozy que de s’arrimer aux positions de Merkel. A vouloir ètre trop ambitieux, on déchoie.

Et il y avait, il y a encore, moyen de le faire. La situation bancaire allemande n’est guère meilleure que la française. On comprend que l’Allemagne se batte becs et ongles pour défendre une position laxiste sur les ratios de Bâle, en particulier en cherchant à intégrer, dans les ratios de fonds propres, des ressources qui n’en sont pas. Cette situation est connue et dénoncée par les Anglo-saxons. Un whistleblower, récemment congédié, a expliqué comment la hiérarchie manipulait l’appréciation des risques. Certains bureaux indépendants soutiennent que le leverage réel de la Deutsche Bank est non pas de 62, comme il ressort des chiffres publics, mais de près de 100. En cas de défaillance de la Deutsche Bank, le GDP allemand serait englouti et au-delà. Cela n’est pas à négliger quand on se souvient de ce qui est arrivé à Dexia. L’Allemagne n’est pas, absolument pas, en position de force. C’est un colosse aux pieds d’argile, son actif est bon, mais c’est du côté de son passif qu’il faut regarder, pourquoi croyez-vous que Merkel a fait autant de concessions ?

  

Source Der Spiegel

 Les pays du sud se laissent détruire et avilir parce qu’ils sont à la solde des banquiers, mais le jeu de la carte n’est pas en faveur de l’Allemagne. C’est le dirty  secret. Au lieu de lutter pour l’avilissement suicidaire de la monnaie, au lieu de vouloir faire entrer la BCE dans la logique de l’inflationnisme anglo-saxon, les pays du sud, et surtout la France, doivent affronter la partie de poker face à l’Allemagne et proposer, imposer des réformes fondamentales, économiques réelles, pas des réformes scandaleuses des conditions de l’émission monétaire. Mais il est vrai que l’Europe est gouvernée au profit des banquiers…

Dernier point que nous n’avons pas abordé dans la nécessaire cohérence, il est évident que la position de l’Europe et de la France au niveau international doit être conforme aux intérêts des populations européennes et non d’une classe sociale, ce qui veut dire que l’Europe doit s’allier aux émergents pour obtenir, pousser à une refonte du système monétaire au lieu de se coucher en rase campagne devant les Anglo-saxons comme elle le fait.

En ce moment, compte tenu de la dérive, il y a de bons commentateurs qui remettent en avant des exemples historiques, des écrits du passé. Nous-mêmes avons été très intéressés à la lecture de l’histoire du règne de Dioclétien, jetez-y un coup d’œil. On ressort aussi les travaux d’Alexander Fraser Tytler, c’est un pseudo, cet auteur qui était peut-être un Lord, a écrit « Why Democracies Fail ».  Nous vous incitons à relire ce qui été écrit en France sur l’épisode du Poujadisme.

BRUNO BERTEZ Le 18 Avril 2012

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