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Les Clefs pour Comprendre: Chypre, la vraie « currency war » est déclarée par Bruno Bertez

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Les Clefs pour Comprendre:  Chypre, la vraie « currency war » est déclarée par Bruno Bertez

Voici un texte que nous avons publié dans la presse étrangère la semaine dernière, mais ce texte n’est pas passé dans la presse française. Il est vrai qu’il était à la fois trop en avance, voire… Lisez ce texte attentivement. Vous comprendrez à sa lecture que le problème de Chypre n’est absolument pas un problème de faillite. Ce n’est pas un problème de banques, en revanche, c’est un problème qui concerne l’euro et le système monétaire international vu sous l’angle, d’abord de l’impérialisme américain, ensuite du contrôle américain des mouvements de capitaux mondiaux, enfin un problème d’indépendance et de sécurité nationale pour certains pays.

Ayez présent à l’esprit que l’arme suprême des Américains est le contrôle des mouvements de capitaux mondiaux. Le contrôle des réserves mondiales… le contrôle de leurs créanciers.

Ce n’est pas un hasard si la Chine s’est dotée d’une place financière que l’on peut qualifier de place forte avec Hong Kong. Avec toutes les installations, non seulement de banques et de finance, mais les installations prêtes à accueillir des réserves d’or considérables.

Ce n’est pas un hasard si les pays de l’OPEP devenus méfiants développent Dubaï comme place financière alternative et place de stockage de l’or.

Ce n’est pas un hasard non plus si les Russes réfléchissent et s’équipent pour échapper au monopole financier américain. Ils ont compris avec les embargos successifs, en particulier ceux qui visent l’Iran, qu’être créanciers des Etats-Unis –et maintenant créanciers de la zone euro- était quelque chose de fragile et vulnérable.

   Chypre était, il est vrai, une place financière qui accueillait quelques fonds d’oligarques et, surtout, des fonds secrets russes. Mais là n’est pas l’essentiel. Chypre est la plaque tournante de beaucoup de capitaux commerciaux tout à fait licites et clairs de la part de la Russie. La Russie se sert de Chypre pour des mouvements de capitaux commerciaux que l’on peut estimer de 300 à 400 milliards par an. Il est évident que les Russes ont besoin d’une telle place. C’est une question de souveraineté et d’indépendance nationale.  Le coup qui a été porté à la place financière chypriote au cours du week-end, la restructuration sous contrôle européen des banques chypriotes, tout cela va à l’encontre non seulement des intérêts, mais également de la souveraineté russe. Le prélèvement qui sera peut-être de 30% sur les dépôts de plus de 100.000 euros est quasi anecdotique en regard des autres problèmes que cette situation pose aux Russes.

Nous avons noté un tournant dans la position russe avec le coup de force de la BCE. La BCE a en effet déclaré une guerre monétaire à Chypre et donc à la Russie. C’est le vrai sens que l’on peut donner à l’expression « Currency Wars ». La vraie « currency wars », le premier épisode, celui qui a une connotation géopolitique, a été déclaré par la BCE,  c’est-à-dire par la succursale de la Fed et du pouvoir américain. On notera que ce blocus n’a pas été décrété par les autorités politiques européennes, mais par la BCE, ce qui est proprement incroyable. Le changement de ton russe montre que l’on entre dans un problème non plus d’intérêts particuliers, mais dans un problème d’intérêts d’Etats. Les Russes ne sont pas fous, ils savent prendre une déclaration de guerre pour ce qu’elle est. Une claque n’est pas une caresse.

Nous entrons donc maintenant dans ce que nous n’hésitons pas à qualifier de « currency war ». Le langage diplomatique se substitue aux réflexions personnelles de Medvedev et Poutine. Etant entendu, si vous nous suivez bien, que la diplomatie est la « poursuite de la guerre par d’autres moyens ». En changeant de ton, nous avançons l’hypothèse que nous changeons de régime et de registre.

Ce n’est pas un hasard si les Russes ont retrouvé leur calme et leur sérénité. Ce sont, comme le fait remarquer le commentateur d’une grande banque, d’exceptionnels joueurs d’échecs. On reste calme. On réfléchit avant de bouger les pions.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT:

Première escarmouche : Medvedev a menacé de transformer la partie des réserves russes libellées en euros en dollars. Cela représente la bagatelle de 425 milliards d’euros, si on tient compte de l’officiel et du non-officiel. Ce que l’Europe a misérablement gagné, à peine quelques petits milliards, peut être reperdu en quelques clics électroniques. Pour être sûr que le message est bien compris, Igor Shuvalov a déclaré : « que les green shoots en Europe sont fragiles. La Russie est inquiète car la crise peut affecter l’euro ». Si cela n’est pas un avertissement codé, on se demande ce que cela peut bien être. Mais, nous l’avons dit, les Russes sont d’admirables joueurs d’échecs et le jeu d’un pion cache souvent une stratégie bien plus complexe que l’on ne découvre que quelques tours suivants. L’avertissement direct, c’est-à-dire à l’euro, l’Europe et les Européens, est en réalité un avertissement indirect destiné… aux Américains. Le seul fait d’évoquer un remploi éventuel en dollars conduit tout joueur d’échecs à penser qu’en réalité, dans un temps ultérieur, l’avertissement est destiné aux Américains. En disant que l’on peut choisir le dollar contre l’euro, on distille diplomatiquement l’idée que ce que l’on fait sur l’euro, on pourra le faire plus tard sur le dollar.  Les Russes savent ce que c’est qu’une relation de force. Ils savent, comme le savait Ben Laden, que le point faible des Etats-Unis, c’est la monnaie et singulièrement, d’une part le taux d’intérêt et, d’autre part, le rapport du dollar à l’or.

De deux choses l’une, ou il va y avoir des négociations souterraines qui vont préserver les intérêts russes aussi bien en termes de souveraineté qu’en termes financiers ou en termes commerciaux, ou bien on va évoluer vers un durcissement qui va s’étaler sur de nombreux mois. Ce qui nous met la puce à l’oreille, c’est d’une part les informations en provenance de Russie et, d’autre part, l’utilisation par les Russes du vocabulaire même qu’utilisent les Américains pour qualifier leur tentative de reprise : les « green shoots ». L’expression « green shoots » était en quelque sorte la clé qui permet de décoder le message russe.

L’une des possibilités de rattrapage de la gaffe européenne réside dans les gisements de gaz qui se situent au large de Chypre. Le gaz est stratégique à plusieurs titres pour les Russes, on le sait. C’est ce qui leur permet en particulier de mettre l’Europe en position d’infériorité. Un protectorat russe sur les gisements de gaz chypriotes pourrait fort bien être l’une des victoires cachées que souhaitent nos joueurs d’échecs.

Voici notre texte initial :

« Il faut bien comprendre que la situation de Chypre est tout à fait, tout à fait particulière, et pour la comprendre, il faut faire un détour… du côté de la Russie.

Medvedev a déclaré : « la taxe sur les dépôts bancaires à Chypre s’apparente à une confiscation des comptes étrangers. Cette confiscation est injuste et dangereuse ».

Poutine a déclaré quelques heures après : « Cette mesure est injuste, non professionnelle et dangereuse ».

Ces deux déclarations montrent que nous sommes dans une situation spéciale. Déjà, il y a huit jours, comme nous l’avons dit, les Russes anticipaient une catastrophe à Chypre. Ils sont intéressés. On dit pudiquement le mot « oligarques » pour désigner les intérêts russes  qui composent l’essentiel des dépôts chypriotes. Ce ne sont pas les oligarques, c’est le Pouvoir russe. C’est son argent. Nous sommes donc devant un problème géopolitique : l’Europe, sciemment, renie ses engagements à l’égard des déposants pour délibérément spolier les Russes. Nous estimons à plus de 20 milliards les dépôts russes à Chypre. C’est une question essentielle. Le plan européen montre l’incurie des gouvernements incapables de prendre en compte une donnée aussi essentielle. Le plan européen est une véritable déclaration de guerre au Pouvoir russe. Mais il y a plus grave. Le problème de la Russie comme celui de tous les pays non-alignés, non-vassaux des Américains, est de savoir où leurs avoirs sont en sécurité.

La multiplication des contrôles américains, des embargos, crée pour tous les pays non-alignés et leurs dirigeants une redoutable insécurité. L’œil américain est partout, contrôle tout, il peut tout confisquer, tout dénoncer. Les Russes ont déjà dû quitter la Suisse, laquelle s’est inclinée devant les exigences de Washington. L’essentiel des avoirs russes est allé à Chypre, une autre partie à Dubaï, une autre partie à Singapour. Il est évident qu’il y a de moins en moins de place pour se cacher, no place to hide. Les Chinois, en tant que gouvernement et en tant que dirigeants ont le même problème. Attendez-vous à ce que la délitation et la contestation du Système Monétaire International accélère. Attendez-vous à ce que l’accumulation d’or se poursuive. Attendez-vous à ce que la lutte contre le monopole bancaire américain et son contrôle du système des paiements mondial s’amplifie. Chypre n’est “ni too big”, ni “too small to fail”. Chypre est secondaire dans l’affaire en cours, ce qui compte, ce sont les Russes. Les petits déposants chypriotes sont victimes d’un combat géopolitique dont ils ne sont pas responsables et qui les dépasse. »

BRUNO BERTEZ Le Lundi 25 Mars 2013

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EN BANDE SON:  

EN COMPLEMENT QUELQUES INFOS EN VRAC:

Moscou se dit prêt à contribuer au sauvetage de Chypre Vladimir Poutine «estime possible de soutenir les efforts du président de Chypre et de la Commission européenne pour résoudre la crise

Moscou s’est dit prêt lundi à apporter sa contribution au nouveau plan de sauvetage de Chypre, qui risque de ponctionner lourdement les grandes fortunes russes placées sur l’île mais épargne les filiales locales des établissements financiers russes. Cette réaction tranche avec la colère exprimée par le chef de l’Etat russe la semaine dernière après un premier accord conclu entre Bruxelles et Nicosie, élaboré sans concertation avec Moscou.

Vladimir Poutine «estime possible de soutenir les efforts du président de Chypre et de la Commission européenne pour résoudre la crise», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par les agences russes. Le président, a-t-il ajouté, a chargé son gouvernement d’élaborer «les conditions d’une restructuration du crédit» de 2,5 milliards de dollars, accordé par Moscou à Nicosie en 2011, comme le demande Chypre.

Les autorités russes se sont dites à plusieurs reprises ces derniers mois prêtes à assouplir les conditions de leur prêt, en repoussant son échéance, actuellement fixée à 2016, ou en abaissant les taux d’intérêts. Mais le ministre des Finance chypriote Michalis Sarris, venu la semaine dernière à Moscou dans cette optique, était reparti bredouille, le gouvernement russe affirmant qu’il ne se déciderait sur la question qu’une fois un accord définitif trouvé avec Bruxelles.

Le ministre russe des Finances Anton Silouanov a jugé que les négociations pourraient reprendre dès que le Parlement chypriote aurait adopté le plan conclu lundi à Bruxelles.

Ce projet, pourtant, «place une charge plus lourde sur les gros déposants, pour la plupart russes», relèvent les analystes d’Alfa Bank. L’accord abandonne l’idée d’une taxe exceptionnelle sur les comptes de l’île, jugée confiscatoire par les Russes, dont les avoirs à Chypre atteignent selon l’agence Moody’s 31 milliards de dollars. Mais les gros clients des deux premières banques du pays, la Bank of Cyprus, recapitalisée avec les dépôts importants, et la Laiki, mise en faillite, vont payer cher.

Les banques russes épargnées

Le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, Alexeï Pouchkov, a tempêté sur Twitter contre un «sauvetage» qui se fait «en volant les déposants». Ce «plan B est plutôt pire pour les entreprises russes présentes à Chypre, qui vont subir des pertes plus lourdes», reconnaît Mark Rubinstein, de la société d’investissement Metropol. Pour autant, «il ne reste que peu de comptes (russes) à Chypre, parce que les banques chypriotes se trouvent au bord de l’infarctus depuis un an», a affirmé l’analyste.

Le Premier vice-Premier ministre, Igor Chouvalov, a souligné que le plan européen épargnait la filiale à Chypre de la banque semi-publique russe VTB . Les banques russes présentes à Chypre «sont épargnées» et «ne vont subir que le contrôle des capitaux et la crise de confiance» qui touche la finance chypriote, commente Ivan Tchakarov, économiste chez Renaissance Capital.

La Grande-Bretagne et l’Allemagne, dont des ressortissants détiennent aussi d’importants avoir sur l’île, «n’ont pas réagi de manière aussi vive» que Moscou, relève de son côté le politologue Iouri Nisnevitch. «C’est aussi une question de réputation».

De nombreuses sociétés russes sont enregistrées à Chypre en raison de son régime fiscal favorable et les autorités russes ont fait officiellement de la lutte contre ces fuites de capitaux une priorité. Le Premier ministre Dmitri Medvedev a émis la semaine dernière l’idée de créer en Russie, par exemple dans l’Extrême-Orient, une zone présentant des avantages fiscaux suffisants pour attirer les actifs russes actuellement enregistrés à l’étranger.

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