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Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 30 Mai 2013: Jean qui pleure et Jean qui rit Par Bruno Bertez

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Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 30Mai 2013: Jean qui pleure et Jean qui rit Par Bruno Bertez

   Faisons, si vous le voulez bien, un peu de bourse. Ce n’est pas que l’on puisse y gagner de l’argent, mais c’est tout simplement parce que ce qui se passe au plan boursier éclaire, illustre, le désordre économique global.

Tout d’abord, nous vous renvoyons à notre précédent article sur ce sujet ; il est intitulé « Cent fois sur le métier… ».

Si nous l’avions écrit  mardi 28, nous aurions commencé par traiter de l’euphorie boursière. Mais comme nous commençons le lendemain mercredi 29, il nous faut logiquement traiter de la chute des cours quasi symétrique de la hausse de la veille.

Hausse et baisse dans des proportions importantes, cela s’appelle la volatilité. Si vous avez lu soigneusement notre article boursier référencé ci-dessus,  vous savez que la volatilité boursière, c’est votre ennemie. Cela crée de l’incertitude, cela provoque de la peur ; il est impossible de prendre des décisions rationnelles dans un environnement dominé par l’émotionnel.

Il y a quelques jours encore, on n’entendait que des commentaires haussiers.  Commentaires articulés autour de la certitude de l’injection de 165 milliards de liquidités par mois par la Fed et la BoJ, de la probabilité de maintien de taux bas pendant encore longtemps et par l’espoir d’une amélioration économique aux Etats-Unis et au Japon. Tout cela permettait de faire passer les inquiétudes sur l’Europe et la Chine au second plan.

La volatilité n’est pas le fait du hasard : c’est un produit. Nous ajouterions même un produit humain. C’est la politique de Bernanke, de Kuroda et de Draghi qui instillent jour après jour la volatilité et le désordre sur les marchés. Le paradoxe est que la politique de ces gens-là consiste à essayer de contenir l’instabilité monétaire et financière et que, ce faisant, ils injectent jour après jour de plus en plus de fragilité et de déséquilibre qui conduisent au résultat inverse : plus d’instabilité.

Nous prendrons un exemple. Kuroda est lancé dans une opération quantitative historique. Il entend acheter tout volume d’actifs financiers, doubler la masse monétaire, porter l’inflation à 2% et, en même temps, le mot important est « en même temps », contrôler les taux d’intérêt. Du jamais vu, de l’inénarrable. Un étudiant de 1ère année d’économie sait que l’on ne peut à la fois contrôler le volume d’une chose et contrôler son prix. Si on prend le contrôle du volume, on perd le contrôle du prix ; si on prend le contrôle du prix, on perd celui du volume. Résultat de cette absurdité, le marché des taux d’intérêt au Japon est totalement déstabilisé. Les taux à 10 ans montent en flèche et dans le plus grand désordre. Le contrôle des taux est non seulement impossible dès lors que l’on veut contrôler les volumes, mais, en plus, comment, dans une économie de marché ouverte sur l’international,  peut-on espérer que l’on va porter l’inflation à 2% et, en même temps, maintenir les taux à 10 ans des emprunts de l’Etat  à 0,6%. Dans les années 30, quand le Japon s’est lancé dans une politique semblable, il s’est aperçu très vite qu’il fallait tout boucler, introduire contrôles généralisés, interdire les mouvements de capitaux. Bref, pour réussir la quadrature du cercle, il faudrait faire du Japon une prison financière. Les autorités japonaises viennent de réunir les opérateurs sur le marché des bonds. On suppose qu’il les a appelés au civisme, qu’il les as menacés. On peut tout supposer s’agissant du Japon. Mais une chose est sûre, cela ne marchera pas. Un système financier clos permettrait tout cela. Un système ouvert l’interdit.

Le fait nouveau, c’est la hausse des taux souverains à long terme partout dans le monde. Le phénomène est absolument général.

Nous vous avons parlé ci-dessus de la situation japonaise, elle a peut-être été le facteur déclenchant, facteur complexe, nous le soulignons, car il y a des mouvements de capitaux dans tous les sens actuellement. Ainsi, on dit que certains gros investisseurs japonais vendent des actifs obligataires ailleurs dans le monde parce qu’ils se disent que si le taux du 10 ans domestique continue de monter alors que le yen est faible, c’est à dire que les bénéfices de change sont important, il y aura peut-être un moment où il faudra saisir les opportunités.

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La Chine détient 20 000 milliards de yens de dette japonaise 

L’an dernier, les autorités chinoises ont accéléré leurs achats de dette publique japonaise. Selon les dernières estimations de la banque centrale du Japon, la Chine détiendrait aujourd’hui 20 000 milliards de yens (153 milliards d’euros) d’obligations nippones et conforterait, avec cette hausse de 14% sur un an de son portefeuille, son titre de premier créancier étranger de l’Archipel. 

Pékin avait commencé à accélérer ses achats en 2011 en pleine crise de la zone euro. A l’inverse, les Etats-Unis ont, eux, réduit l’an dernier de 15% leurs investissements dans la dette publique de l’Archipel. Ils ne détiendraient plus que 8600 milliards de yens de titres. La Grande-Bretagne a elle aussi vu ses investissements dans la dette nippone reculer de 23% à 8900 milliards de yens. 

Au total, la part des étrangers sur le marché de la dette japonaise n’a que peu évolué. Les obligations souveraines du pays restent détenues à plus de 90% par des investisseurs domestiques, qui ne semblent aucunement perturbés par le spectaculaire gonflement de la dette publique japonaise. Selon le FMI, elle équivaudra bientôt à 240% du PIB.

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PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT:

Aux Etats-Unis, le 10 ans est passé nettement au-dessus des 2% à 2,23%. C’est une hausse de 60 points de base en quelques mois. Le swapp du 10 ans, lui, est passé à 2,41%, ce n’est pas rien. Le 5 ans, lui, et c’est à notre avis peut-être le plus significatif, a passé la barre des 1%, on est à l’heure où nous écrivons à 1,08%.

On this news, the 10 year US Treasury yield rose 16 basis points.

And the US Treasury yield curve has risen since May 2nd (the last trough in the 10 year yield).

Ce qui a mis le feu aux poudres aux Etats-Unis, c’est d’abord et avant tout, la confusion provoquée par les déclarations contradictoires des gouverneurs de la Fed. On a retenu que l’on pouvait aussi bien continuer indéfiniment les QE, que les stopper ou les réduire progressivement. Bernanke, lui, continue de peser dans le sens de la poursuite indéterminée. Pas vraiment indéterminée puisque théoriquement dépendante du flux des nouvelles économiques. Mais il n’y a pas que l’incertitude sur la poursuite des QE, il y a l’incertitude sur les conséquences éventuelles d’un arrêt. On s’interroge sur la question de savoir si ce qui est important pour les taux d’intérêt mondiaux, c’est l’effet de stock de valeurs du Trésor détenues par la Fed ou si c’est l’effet de flux provoqué par les achats mensuels.  Les spécialistes ne s’accordent pas.

Pour notre part, nous faisons confiance à ceux qui pensent que ce qui est primordial, c’est l’effet de flux. Sur un marché, c’est le marginal qui fait le prix, telle est notre conviction, ce n’est pas le grand équilibre des stocks détenus. Par ailleurs, il faut savoir que la question des conséquences d’un éventuel arrêt des QE est impossible à trancher. Pourquoi ? Tout simplement parce que la politique de la Fed n’est pas seule déterminante. Ce qui compte, et ce qui comptera, c’est l’articulation avec la politique fiscale du gouvernement. Or celle-ci n’est guère connue. Par ailleurs, nous ajoutons que les éléments internationaux doivent être pris en compte, ainsi, selon que l’on se trouve en risk-on ou en risk-off, les capitaux affluent ou non aux Etats-Unis.

L’autre élément important pour le comportement des taux US est constitué par le flux des nouvelles économiques. Ces dernières ont plutôt jeté de l’huile sur le feu de l’euphorie.  Ainsi, du côté du housing, la spéculation s’enflamme. Du côté de la confiance des consommateurs, on enregistre des bonds tout à fait exceptionnels. Il y a une sorte d’embellie qui s’accélère dans certains secteurs de l’économie. L’OCDE va dans cette direction, elle donne une croissance du GDP de 1,9% pour 2013 et de 2,8% pour 2014. A ce rythme, le fameux objectif de 6,5% de chômage que s’est fixé la Fed pourrait être atteint à la mi-2014. Il suffit que le taux de la participation de la main d’œuvre au marché de l’emploi reste constant pour qu’on y arrive rapidement.

Here is the Case-Shiller price (green) consumer confidence (white) and Fed Funds Target Rate (yellow) charts.

Nous avons expliqué  que les poches de déflation existaient. On les trouve évidemment en Europe où la croissance devrait être négative en 2013. On les trouve également en Allemagne où les prix de gros ont été étonnamment faibles ces derniers mois. Toujours en Europe, on vient de connaître le douzième mois consécutif de baisse des prêts au secteur privé.

L’autre poche de déflation est en Asie autour de la Chine. Les institutions internationales révisent en baisse les perspectives. Les chiffres des uns et des autres ne veulent pas dire grand-chose, nous préférons faire confiance à des indicateurs en volume ; eux, ils ne trompent pas. La consommation d’énergie est extrêmement molle. Les importations de matières premières et singulièrement de minerais de fer sont en chute libre.

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En Chine, la hausse des salaires s’assagit

D’après des chiffres publiés par le Bureau national des statistiques, le salaire moyen des travailleurs migrants a augmenté de 11,8% l’année dernière en Chine, pour s’établir à 2290 yuans (près de 300 euros) mensuels. Un taux de croissance faible quand on se souvient qu’en 2011, la hausse avait été de 21,2%. Cette évolution semble résulter de la dégradation de la conjoncture chinoise. Les industriels, confrontés à des surcapacités de production et à la chute de leurs prix de vente, ne semblent pas en mesure d’augmenter les salaires au même rythme qu’auparavant.

Les autorités souhaitent que d’ici à 2015, dans chaque province, le salaire moyen des travailleurs migrants atteigne 40% du salaire moyen de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique une hausse annuelle de 13% entre 2010 et 2015. Pour autant, l’objectif pourrait être atteint, car les salaires ont augmenté, en moyenne, de 17,6% au cours des trois premières années de cette période. C’est dans la région de Shenzhen, où les salaires des ouvriers sont les plus élevés, que la hausse a été la plus faible l’an dernier, à 6,7%. Un soulagement pour les industriels hongkongais, qui disent avoir réduit leurs effectifs sur le continent à cause de la hausse des coûts.

Selon Stanley Lau Chin-ho, le vice-président de la Fédération des entreprises de Hongkong, cité par le «South China Morning Post», le nombre de travailleurs chinois employés par des sociétés hongkongaises sur le continent devrait se situer, en 2015, à 60% ou 70% du niveau de 2010.

Le FMI réduit sa prévision de croissance chinoise

L’économie chinoise ne devrait pas croître de 8% cette année, contrairement à ce qu’avait estimé le Fonds monétaire international (FMI) en avril, mais de 7,75%, juge David Lipton, le premier secrétaire général adjoint de l’institution internationale, de passage à Pékin ce mercredi matin. Selon David Lipton, il est nécessaire que la Chine engage des politiques «décisives» afin de remettre la Chine sur de bons rails.

Le numéro deux du FMI juge que la maîtrise du crédit est devenue une priorité pour la deuxième économie mondiale, car la croissance rapide des financements jette un doute sur la qualité des investissements et sur la capacité des entreprises et des gouvernements locaux à payer leurs dettes. Limiter l’emballement du crédit pourrait ralentir la croissance chinoise à court terme, mais s’avérer bénéfique à long terme, estime donc David Lipton. L’explosion du crédit au début 2013, devenue particulièrement nette en avril, place tous les économistes devant la question de la solidité financière du pays.

Tous ne sont pas alarmistes, à l’image de Moody’s qui, hier, lors d’un colloque financier, a jugé qu’en dépit de risques réels, la Chine avait largement les moyens de retomber sur ses pieds financièrement. Mais tous jugent que le problème est sérieux, et qu’il implique des réformes de nature à ralentir l’activité économique.

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BRUNO BERTEZ Le Jeudi 30 Mai 2013

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