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Google fait le pari de l’immortalité

Google fait le pari de l’immortalité

Transcender l’être humain grâce aux machines et aux technologies. Telle est la philosophie d’un colosse qui rêver d’engendrer le cyborg de demain

Vaincre la mort grâce à la technologie, voilà la mission ambitieuse et provocante dont se sent investi Google. Pas tout de suite bien sûr, mais bientôt. Ce qui était au départ le rêve un peu fou de Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie de la firme et gourou du transhumanisme, est en train de devenir une stratégie de développement palpable. Grâce aux récentes acquisitions de huit entreprises de robotique et du fabricant de thermostats intelligents Nest, le géant d’Internet a fait quelques pas vers ses rêves de cyborgs.

Nest n’était pas très connu de ce côté de l’Atlantique avant de tomber dans l’escarcelle du moteur de recherche le 13 janvier pour la bagatelle de 3,2 milliards de dollars. Basée à Palo Alto, en Californie, la firme produit des thermostats et des détecteurs de fumée intelligents. Mais plus qu’une question de chauffage, l’entreprise a posé les bases technologiques de la maison connectée. Réglables à distance, les appareils s’adaptent aux exigences des usagers par un phénomène d’apprentissage. En mémorisant les habitudes de la maisonnée et en repérant quand le logement est inoccupé, ils économisent de l’énergie.

Produit typique de la Silicon Valley, Nest a été fondé par deux anciens ingénieurs d’Apple et collabore avec un portefeuille de brevets géré par l’ancien responsable du développement de Microsoft. Grâce à cet achat, Google investit dans un cocktail de savoir-faire et de propriété intellectuelle. Les objets connectés devraient créer entre 2700 et 6200 milliards de dollars de valeur ajoutée à l’économie mondiale d’ici à 2025, selon le cabinet de conseil américain McKinsey. Google avait déjà mis un pied sur ce continent prometteur avec le développement de ses célèbres lunettes. Commercialiser ces nouvelles interfaces permet également d’amasser des données, le nerf de la guerre sur Internet.

Un des brevets de Nest, par exemple, permet aux usagers d’automatiser un signal indiquant sur les réseaux sociaux qu’ils sont à la maison grâce à l’analyse de leur environnement, comme l’allumage des lumières ou la désactivation de l’alarme. Et voilà qu’un thermostat devient la tour de contrôle de notre quotidien. Et peut-être un mouchard pour Google, qui connaît la température de notre appartement connecté et nos horaires de bureau. En profitera-t-il pour nous proposer sous son onglet «Shopping» le pyjama en laine plutôt que la nuisette en dentelle? Ou un système de covoiturage en phase avec notre emploi du temps?

«Il ne faut pas voir tous les services de Google comme forcément connectés les uns aux autres», nuance David Sadigh, directeur du cabinet de conseil basé à Genève Digital Luxury Group. «Je comparerais plutôt la firme à General Electric, qui s’est beaucoup diversifié. Aujourd’hui, Google gagne sa vie avec la publicité, mais dans 10 ans, il sera actif dans cinq à dix pôles d’activité différents.» Ces nouveaux terrains de jeu, ce seront sans doute les transports terrestres – grâce à la Google car –, la téléphonie mobile et des logiciels d’entreprise pour lesquels Google entrera en concurrence directe avec Microsoft. David Sadigh évoque aussi la télémédecine. Le laboratoire secret Google X a annoncé le 16 janvier la mise au point de lentilles de contact qui mesurent la glycémie dans les larmes des diabétiques. Et n’oublions pas la robotique.

En décembre, Google a acquis huit entreprises de robotique américaines et japonaises pour des montants demeurés secrets. Certaines sont des spécialistes de la mobilité, de la vision artificielle ou des membres articulés. Bot & Dolly fabrique des supports de caméra extrêmement mobiles qui ont servi au tournage du film Gravity. Il y a aussi Meka, le robot mignon aux grands yeux dessiné pour interagir avec l’homme. Mais ceux qui alimentent le plus les fantasmes sont les êtres conquérants de Boston Dynamics. Ces machines bipèdes ou quadrupèdes sont conçues pour se déplacer avec une habilité et une vitesse inégalées, même dans des terrains accidentés. La firme collabore avec le Pentagone et la Defense Advanced Research Projects Agency.

Les robots n’auraient pas intégré Google X mais une nouvelle division, dont la gestion a été confiée à Andy Rubin, le père d’Android. La firme a également débauché de l’Université de Toronto un spécialiste de l’apprentissage des machines, Geoffrey Hinton, et ses meilleurs étudiants. Malgré ces investissements, les robots ne seront sans doute pas commercialisables avant une petite dizaine d’années. Et ensuite, à quoi vont-ils servir?

Selon Andrew McAfee, un scientifique du MIT cité par le New York Times , Google pourrait vouloir automatiser à terme certaines tâches de stockage et de livraison. Les robots seraient amenés à faire du transport d’objets, dans un premier temps dans un espace contrôlé comme un entrepôt. Selon le scientifique, il s’agirait d’une excellente opportunité. Des robots livreurs, c’est un peu moins sexy que des soldats cybernétiques, mais plus proche de la mentalité de Google, qui cherche à substituer les machines à l’homme dans un nombre croissant de domaines.

Pour le géant du Net, l’humain du futur sera assisté, remplacé dans toutes ses tâches les plus simples par des machines. Véritable cyborg, il se libérera peu à peu du travail physique le plus ingrat et des tâches les moins intéressantes. On ne peut s’empêcher de penser au transhumanisme, ce courant de pensée qui voit dans la technologie et les machines un moyen de transcender l’être humain. Un de ses gourous les plus célèbres est Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie de Google.

Ray Kurzweil estime que la machine va non seulement décharger l’homme de nombreuses tâches, mais surtout le soigner grâce aux nanotechnologies, à la télémédecine et à la biotechnologie. Des sauvegardes pourraient même le rendre immortel. Google a lancé un projet en ce sens en septembre 2013. Dirigé par un pionnier de la biotechnologie, Calico a pour mission de combattre les effets du vieillissement et les maladies qui lui sont associées. «La médecine est sur le point de devenir une science de l’information: les médecins et les chercheurs sont désormais capables de récolter et d’analyser de gigantesques quantités de données auprès de leurs patients. Et Google est très, très bon avec les grandes bases de données», remarque le magazine Time dans un article sobrement intitulé «Google peut-il vaincre la mort?».

Au-delà de la dimension individuelle, Google prépare dans son laboratoire des inventions destinées à résoudre les «grands problèmes» de l’humanité, comme l’a déclaré la firme dans un film promotionnel présenté lors des Journées de l’Union des agences médias le 5 septembre à Paris. Murissent déjà dans les entrailles de Google X les ballons gonflables Loon, destinés à fournir une connexion internet à l’ensemble de la planète, ou les turbines aériennes Makani.

«Le directeur général de Google, Larry Page, est un visionnaire et souhaite avoir un maximum d’impact sur nos vies», conclut ­David Sadigh. «Ce n’est pas uniquement une question d’argent, mais parce qu’il veut faire évoluer et progresser la société. Il se considère comme un pionnier. Il se sent investi d’une mission et a l’argent, les compétences et la technologie nécessaires pour avoir un rôle à jouer.»

Apple sur d’autres territoires

La firme de feu Steve Jobs poursuit une stratégie plus conservatrice

La stratégie de diversification de Google diverge de celle de ses concurrents Apple et Facebook. Le réseau social ne s’aventure pas vraiment au-delà de son domaine de prédilection. Son achat le plus marquant est le service de partage de photos Instagram.

Apple a acquis en novembre 2013 PrimeSense, une société israélienne spécialisée dans la reconnaissance des mouvements à l’origine du système Kinect de la Xbox. Cette technologie pourrait être intégrée dans son futur boîtier de télévision. Les firmes que rachète Apple trouvent souvent une application assez directe dans son matériel. L’acquisition d’AuthenTec pour 356 millions de dollars à l’été 2012 a par exemple mené à l’intégration d’un lecteur d’empreintes digitales dans l’iPhone 5S.

«Apple est très conservateur et reste dans son domaine avec la télévision et les loisirs, alors que Google sort des sentiers battus», commente David ­Sadigh, directeur de Digital Luxury Group. «C’est vraiment une question de culture d’entreprise car Apple dispose de tout autant de cash. Il ne faut pas oublier que Steve Jobs est mort, alors que Google est toujours dirigé par un de ses fondateurs, Larry Page, qui est un visionnaire. C’est important.»

Par  Julie Conti

Source Le Temps 25/1/2014

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/382e39e2-8513-11e3-aa72-770c65db20cb/Google_fait_le_pari_de_limmortalit


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3 réponses »

  1. « Transcender l’être humain grâce aux machines et aux technologies »
    Un de leurs projets est de nous implanter une puce dans le cerveau, nous transformer en robot obéissant à tous les ordres des illuminés de Bavière ou de d’ailleurs.
    Bien que ce projet soit peu développé sur le Net il est pourtant en cours d’étude, je n’envie pas les générations futures avec de tels abrutis, quand tous leurs actes seront soit sous contrôle, ce qui est déjà en grande partie réalisé par le Net, soit aux ordres, ce qui est en partie aussi réalisé par le biais d’infos truquées, de lavage de cerveau permanent, mais pas encore par une puce reliée aux neurones, ça va venir.

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    • Il faut lire « les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau » de Norman Doidge. C’est tellement bien présenté qu’ont les encourage à continuer leur recherche. Jusqu’à la puce implantée bien profondément:) 🙂

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