Commentaire de Marché

Un autre signe indiquant que le marché aurifère est manipulé Par Eric Sprott

Un autre signe indiquant que le marché aurifère est manipulé Par Eric Sprott  

Introduction  

Comme nous le savons très bien, l’année 2013 a été tant éprouvante qu’insolite pour les investisseurs dans les métaux précieux. Le prix de l’or, de l’argent et des actions liées à ces secteurs a considérablement chuté, alors que la demande de lingots physiques en provenance des marchés émergents et de leurs banques centrales était exceptionnellement élevée. 

Plusieurs soutiennent que la dégringolade du prix des métaux précieux survenue en 2013 découle du désenchantement des investisseurs à leur égard, ceux-ci ayant cumulé des placements dans des produits échangés sur les marchés boursiers pour accroître leur participation à ces métaux. Selon les adeptes de cette théorie, l’importante baisse des participations totales de ces fonds négociés en bourse signale que les investisseurs fuient cette catégorie d’actif. Comme le démontre la Figure 1 de la page 2, le prix de l’or et de l’argent a considérablement chuté en 2013. Donc, si cette explication était juste, l’on pourrait s’attendre à ce que les participations totales des FNB dans les deux métaux soient inférieures.  

Or, ce n’est pas le cas. Comme le démontre la Figure 2 de la page 2, les FNB axés sur l’or ont été aux prises avec des rachats importants, alors que les FNB axés sur l’argent sont restés relativement stables au cours de l’année. De plus, aucun changement important n’a été observé dans les habitudes de négociation au sein des deux plus importants FNB, soit le GLD et le SLV (la Figure 3 de la page 3 présente le ratio de la valeur négociée au sein des FNB au fil du temps). Si les rachats représentaient un symptôme du désenchantement des investisseurs à l’égard des placements dans les métaux précieux, l’argent n’aurait-il pas subi le même sort que l’or? En effet, il aurait dû, mais nous sommes d’avis que les FNB axés sur l’argent n’ont pas été pris d’assaut comme ceux axés sur l’or en raison du fait que les banques centrales sont bien pourvues en argent, mais moins bien en or. Comme nous l’avons fait valoir auparavant, l’offensive lancée contre les FNB axés sur l’or est favorable à ce métal puisqu’elle témoigne d’un déséquilibre au sein du marché physique1.

 FIGURE 1 : LE PRIX DE L’OR ET DE L’ARGENT A CONSIDÉRABLEMENT CHUTÉ EN 2013  

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Source : Bloomberg. 

 FIGURE 2 : PARTICIPATIONS DES FNB – OZ TROY (EN MILLIONS)  maag-01-2014-2-fr.gif

Source : Bloomberg, symboles au téléscripteur ETSITOTL & ETFGTOTL

Dans cet article, nous avançons que la prise d’assaut de l’or et des FNB axés sur l’or, qui est survenue en avril dernier, a quasiment eu un effet de boomerang puisqu’elle a créé un tsunami d’achats en Inde et porté la demande à des niveaux non viables. Au cours du mois de mai 2013 seulement, les Indiens ont importé 162 tonnes2 d’or, et ce, dans un marché où la production minière mondiale s’élève à environ 182 tonnes par mois. Si cette tendance s’était maintenue, jumelée à la vigueur des achats d’autres marchés émergents et de leurs banques centrales, la situation aurait été exorbitante. Mais la réponse fut rapide. Nous soupçonnons que, à la demande des banques centrales de l’Occident, la Reserve Bank of India a réagi en adoptant, de façon progressive, des mesures restrictives visant à empêcher les importations d’or (se reporter à la Figure 4 de la page 3 pour consulter un tableau chronologique des principaux changements apportés par le gouvernement indien)3.  

FIGURE 3 : VALEUR NÉGOCIÉE – RATIO DU SLV PAR RAPPORT AU GLD  maag-01-2014-3-fr.gif

Source : Bloomberg. La valeur négociée est calculée en multipliant le volume total des opérations de négociation pendant un trimestre par le prix moyen au cours de cette même période. Un ratio de 1 indique que le SLV s’est négocié autant que le GLD (en dollars). 

 FIGURE 4 : EFFORTS DÉPLOYÉS POUR METTRE UN FREIN AUX IMPORTATIONS INDIENNES D’OR  maag-01-2014-4-fr.gifSources : Bloomberg, Economic Times, http://www.commoditytrademantra.com/gold-trading-news/a-timeline-of-indias-efforts-to-curb-gold-imports/ 

 Déséquilibre entre l’offre et la demande : les répercussions de l’Inde

 Nous avons discuté en profondeur du déséquilibre entre l’offre et la demande dans la publication intitulée Lettre ouverte au World Gold Council, où nous demandions à cet organisme de réviser sa méthodologie puisque celle-ci sous-évaluait fortement la demande provenant des marchés émergents4. Notre tableau de la page 4 portant sur l’offre et la demande d’or fait état des plus récentes données disponibles, soit au T3 2013, dans la plupart des cas. La production minière mondiale, à l’exclusion de celle de la Chine et de la Russie, s’établit toujours à environ 2 100 tonnes par année. Pour 2013, les importations nettes de la Chine ont probablement dépassé les 1 700 tonnes (soit 81 % de la production minière mondiale) et la demande provenant du reste du monde est plutôt stable5.  

La situation n’a guère changé depuis notre dernière publication, à l’exception des importations indiennes. Au deuxième trimestre de 2013, l’Inde cumulait des importations nettes d’or de 551 tonnes, ce qui, sur une base annualisée, correspond à 1 102 tonnes6. Cela dit, les données du troisième trimestre présentent des importations nettes de seulement 31 tonnes (pour un total de 582 tonnes à ce jour), ce qui équivaut à 776 tonnes sur une base annualisée. Ce ralentissement incroyable des importations « officielles » d’or découle des mesures concertées de la Reserve Bank of India et du gouvernement indien. Bien que ces restrictions aient été « officiellement » justifiées par l’important déficit du compte courant de l’Inde, cet argument n’a peu de sens. Selon les représentants du gouvernement, l’appétit des Indiens pour l’or et les importations correspondantes nuit à la balance commerciale du pays, augmente le déficit de son compte courant et exerce des pressions baissières sur sa devise, la roupie.

 TABLEAU 1 : OFFRE ET DEMANDE MONDIALES D’OR POUR 2013, EN TONNES  maag-01-2014-5-fr.gif

Sources : Les données de GFMS sont tirées des publications du WGC intitulées « Gold Demand Trends » et portent sur les trois premiers trimestres de 2013. La production minière de la Chine provient de la China Gold Association et couvre la période allant jusqu’au mois d’octobre 2013; le montant annualisé représente une estimation de Sprott8. La production minière de la Russie provient de Union of Gold Producers et couvre la période allant jusqu’au troisième trimestre de 2013. Les données afférentes à la Chine sont tirées du Census and Statistics Department de Hong Kong; elles portent sur la période allant de janvier à novembre 2013 et ont été annualisées pour tenir compte du mois manquant pour terminer l’année. Les variations des réserves d’or des banques centrales ont été tirées des statistiques financières internationales du FMI, qui sont publiées sur le site Web du World Gold Council et portent sur les trois premiers trimestres de 2013; ces statistiques comprennent tous les organismes internationaux et toutes les banques centrales. Les importations nettes de la Thaïlande, de la Turquie et de l’Inde ont été tirées de la base de données Comtrade de l’ONU et incluent les pièces d’or, les débris d’or, la poudre d’or, les bijoux et d’autres articles en or. Les données portent sur les trois premiers trimestres de 2013. Les données afférentes aux FNB proviennent aussi de GFMS.  

Mais, sans trop entrer dans les détails, la classification de l’or à titre de « bien » dans la balance commerciale est, au mieux, trompeuse. Comme l’or représente plutôt un véhicule de placement qu’un produit de consommation, il devrait être comptabilisé dans le compte de capital de la balance des paiements, plutôt que dans le compte courant. En fait, la Suisse, qui est un important importateur net d’or, présente sa balance commerciale comme suit : « à l’exclusion des métaux précieux, des pierres précieuses, des objets d’art et des antiquités », afin de refléter le fait que ces items sont des « placements » plutôt que des biens de consommation9. Dans ce cas, pourquoi l’Inde devrait-elle faire exception à la règle et tenir compte de l’or dans la présentation de ses données commerciales. Pour nous, toutes ces histoires concernant les importations d’or par le gouvernement indien ne sont que des manoeuvres de diversion. 

Donc, sans l’intervention du marché aurifère de l’Inde, une pénurie d’or aurait causé des ravages au sein du marché, situation que les banques centrales de l’Occident ne pourraient tolérer. 

Conclusion et perspectives pour 2014 

Comme nous l’avons expliqué dans notre publication intitulée Lettre ouverte au World Gold Council, il y a eu un important déséquilibre entre l’offre et la demande d’or en 2013. Les preuves présentées ici semblent indiquer que la baisse du prix de l’or survenue au milieu de 2013 et l’assaut sur les FNB axés sur l’or (mais non sur ceux axés sur l’argent) qui a suivi ont été orchestrés par les banques centrales de l’Occident pour les aider à résoudre leur problème d’approvisionnement d’or physique. Cependant, l’augmentation de la demande d’or qui en a découlé en Inde a exacerbé le problème. En guise de solution, des restrictions ont été imposées à l’égard des importations d’or de l’Inde, et ce, par tous les moyens possibles, pour aider les banques centrales de l’Occident à reprendre le contrôle sur le marché aurifère. 

Toutefois, les FNB axés sur l’or ne peuvent faire l’objet de rachats à ce rythme ad vitam aeternam; à la cadence actuelle de 930 tonnes par année, l’or des FNB ne durera pas deux ans. De plus, les Indiens ont fait preuve d’une grande créativité pour contourner les restrictions imposées sur les importations10. La contrebande est en hausse et s’intensifiera probablement davantage à mesure que les passeurs deviendront plus sophistiqués. De façon générale, nous estimons que l’intérêt des marchés émergents pour l’or physique demeurera une force motrice. 

De plus, comme le démontre la baisse importante prévue des dépenses en immobilisations des principaux producteurs aurifères, il est peu probable que la production minière s’accroisse (Figure 5). 

Par conséquent, comme nous l’avons démontré dans l’analyse ci-dessus, nous sommes d’avis que les banques centrales ne pourront continuer de manipuler le prix de l’or en 2014. Ainsi, à mesure que la pénurie réelle deviendra évidente, nous nous attendons à une importante hausse du prix des métaux précieux.

 FIGURE 5 : DÉPENSES EN IMMOBILISATIONS (EN MILLIONS DE $) – SOCIÉTÉS INSCRITES À L’INDICE XAU maag-01-2014-6-fr.gif

Source : Bloomberg. Les estimations du consensus ont été utilisées pour les années 2013 à 2015.  

P.-S. En raison d’événements récents, nous aimerions aussi porter votre attention sur quelques histoires qui ont fait les manchettes. 

Articles d’intérêt 

17 janv. 2014 : La plus importante autorité de réglementation financière de l’Allemagne a précisé que la manipulation potentielle des taux de change et du prix des métaux précieux est pire que le scandale du Libor. 

17 janv. 2014 : Deutsche se retire du processus d’établissement des prix de l’or pendant que les organismes de réglementation mènent une enquête (les organismes de réglementation lui ont-elle demandé de le faire?) 

13 déc. 2013 : M. Bafin a déclaré qu’il interrogera les employés de la Deutsche Bank dans le cadre de son enquête sur l’or 

26 nov. 2013 : Les organismes de réglementation du Royaume-Uni et de l’Allemagne analysent les prix de l’or et de l’argent 

9 sept. 2013 : Sprott Thoughts : Une solution imparfaite  

1 Veuillez consulter, par exemple, la publication intitulée « Curieusement, les rachats effectués auprès du GLD sont de bon augure pour l’or ».  

2 http://in.reuters.com/article/2013/06/03/gold-india-imports-idINDEE95207H20130603

3 Veuillez consulter la publication intitulée « Les banques centrales de l’Occident ont-elles épuisé leurs réserves d’or? ». Sprott Asset Management LP, Coup d’oeil sur les marchés, mai 2013.  

Consulter l’article complet à http://www.sprott.com/markets-at-a-glance/open-letter-to-the-world-gold-council/

 À titre de rappel, comme notre méthodologie utilise le montant des importations nettes à titre de mesure représentative du total de la demande des pays qui ne réexportent pas l’or, nous devons exclure les estimations de GFMS afférentes à la « demande industrielle totale » afin d’éviter une double comptabilisation. Par conséquent, nous sousestimons le total de la demande d’or parce que la demande industrielle des pays autres que la Chine, l’Inde, la Turquie et la Thaïlande n’est pas considérée.  

Selon les rapports des Statistiques Comtrade de l’ONU. Nous avons utilisé le montant total déclaré et les prix trimestriels moyens pour estimer le montant total d’or importé et exporté.

 Ce calcul est basé sur le total de la demande des consommateurs à l’égard des bijoux, des pièces d’or et des lingots pour les deux premiers trimestres de 2013 selon le Tableau 10 de la publication du WGC intitulée « Gold Demand Trends », déduction faite de la demande provenant des pays individuels présentés dans la liste de ce tableau (Chine/Hong Kong, Inde, Turquie, Russie et Thaïlande).  

http://www.cngold.org.cn/newsinfo.aspx?ID=942  

Veuillez consulter le site Web de l’Administration fédérale des douanes : http://www.ezv.admin.ch/themen/04096/04101/index.html?lang=en 

10 Veuillez consulter, par exemple : http://www.thestar.com/business/economy/2013/12/27/insatiable_appetite_for_gold_fuels_indias_smuggling_industry.html

 http://in.reuters.com/article/2013/12/03/india-gold-smuggling-idINDEE9B20HY20131203

 http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2013-12-29/chennai/45674552_1_airline-staff-gold-smuggling-flight-attendant


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1 réponse »

  1. on pourrait penser que notre avenir économique est assez important pour ne pas être laissé à la discrétion d’un quarteron de politiciens véreux et de banquiers ,centraux ou non,incapables et déraisonnables .JAC

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