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L’Edito du Lundi 13 Octobre 2014 : Déroute sur les marchés, le boomerang de la liquidité Par Bruno Bertez

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L’Edito  du Lundi 13 Octobre  2014 : Déroute sur les marchés, le boomerang de la liquidité Par Bruno Bertez

Méfiez-vous des fausses interprétations, méfiez-vous des faussaires de l’interprétation. Tel est le sens de cet article. Nous voulons persuader que ce qui se passe sur les différents marchés n’est pas une péripétie, mais une véritable alerte sur quelque chose, sinon de systémique, du moins de fondamental. Avertissement, ceci n’est pas une prévision, mais une tentative d’interprétation de ce qui se passe. Vous connaissez notre position à cet égard, prévoir l’avenir est impossible, tout au plus peut-on voir le présent avec le regard de demain.

Nous voulons démontrer que la logique profonde, cachée, de la dislocation de ces derniers jours est la chaîne suivante: risk-off, deleveraging, besoin de liquidités, pertes substantielles sur des stratégies qui dépendent d’un seul et même élément, la foi dans la toute-puissance des Banques Centrales, la confiance dans leur connaissance du Système. Nous affirmons que, de la même manière que la crise de 2007/2008 s’est déclenchée sur la rupture d’un invariant -la croyance en la hausse continue du prix des logements- la crise qui peut survenir  repose sur un invariant: la croyance dans les capacités de banquiers centraux à contrôler le monde réel.

Dans notre optique, il n’y a aucune diversification des assets, c’est une illusion car tous ont le même sous-jacent, à savoir la capacité de la Fed à tenir ses promesses. En particulier, celles de liquidités et d’assurances. La diversification est un mythe.

Les marchés ont chuté au cours de la semaine écoulée, avec un bel ensemble. Le mot important, c’est «ensemble». Rien n’a été épargné. Les capitaux n’ont pas fui, délaissé un endroit pour aller vers un autre, non, ils se sont évanouis. Il y a eu destruction. Beaucoup de mouvements, que l’on fait passer pour des flux de capitaux qui se déplaceraient, n’en sont pas, ils recouvrent des destructions pures et simples.

Le second élément est que, pour une fois, il y a eu transmission au cœur du Système, c’est à dire aux USA. Ce n’est pas simplement la périphérie exposée, volatile et de seconde qualité, qui a été sous pression, c’est également ce que nous appelons, le Centre.

Les actions US ont diminué notamment avec une très haute volatilité intraday, et la paire USDJPY s’est effondré …

US Sector ETF Performance – October 10

Les actions ont chuté, le S&P 500 a perdu plus de 3%. Les Transports ont dégringolé de 7%. Le Nasdaq en a été pour 4%, les semi-conducteurs pour près de 10% et le Russell pour 5%. Plus le risque est élevé et plus on a baissé. Le VIX s’est envolé, on est au plus haut de 8 mois; il nous revient que l’achat de la volatilité est, avec un conseil baissier sur le pétrole, notre seule recommandation de ces derniers mois. 

Les spreads Corporate se sont élargis au plus haut de 7 mois; les protections sur les Junks sont au plus haut de 12 mois; le prix du risque sur les émergents est à un plus haut de 7 mois. Les marchés européens ont subi une dégelée sous la conduite du DAX qui a dû abandonner près de 4,5 % et se retrouve en recul de plus de 8% sur le début d’année. Les matières premières ont plus que reflué sous la conduite de l’énergie: le pétrole a chuté de plus de 4%, les pertes sur l’année sont de plus de 13%.

Les pertes sur le risk-on sont colossales, amplifiées par les recours à l’effet de levier. Il ne faut pas oublier que tout, absolument tout, est «leveragé». Plus les autorités ont baissé les taux sans risque, plus elles ont prolongé la diète et plus l’appétit pour le risque a été stimulé. On a compensé par l’élargissement du levier, la réduction de la rémunération de base. Les stratégies sur les actions, technos en particulier, sur les devises, sur les commodities, sur la dette corporate, tout est en levier. De combien? Personne ne le sait car tout ceci passe en plus par le «leverage» que constituent les dérivés, rigoureusement non chiffrable. La certitude que la Fed ne surprendrait pas, qu’elle pourrait tenir ses promesses, qu’elle contrôlerait tout, cette certitude a fait que les assurances ont été très bon marché et que les assureurs eux-mêmes sont à nouveau, comme en 2008/2009, vulnérables. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas de véritable assurance dans le Système, personne n’a les fonds propres et les réserves pour offrir une véritable assurance, non l’assurance est dynamique, on va se couvrir sur le marché.

La Fed a commis une erreur d ‘analyse et de communication colossale. Depuis de nombreuses semaines, elle croit que la fin du Taper est une menace pour le niveau des taux longs. Donc elle communique en ce sens, c’est à dire qu’elle braque les opérateurs sur le niveau des taux comme si c’était cela qui était important et comme si c’était cela qu’il fallait craindre. Erreur funeste, ce n’est pas le niveau des taux qui est à craindre, c’est autre chose de plus subtil, c’est le besoin pour les opérateurs de couvrir les dettes qu’ils ont  contractées -les liabilities- en dollars au passif de leur bilan.

Les pertes sont importantes, disons-nous, et jusqu’aux gros, aux très gros, car ils étaient «shorts» de Treasuries à 10 ans, lesquels sont au plus haut de juin 2013! Sacré contrepied, ils ont joué la fin du Taper et «shorté» les Treasuries et ils doivent absorber une baisse des taux de 15 pbs! Depuis le début d’année, c’est le contrepied intégral: les taux du 10 ans sont revenus à 2,28% soit une baisse de rendement de 75 pbs.

Face à une pareille unanimité, notre interprétation est qu’il y a un facteur commun, une cause commune, qui explique ce qui se passe et, cette cause, c’est la peur de la disparition de la liquidité. Lorsque cette peur montre le bout de son nez, alors, la réflexivité se met en branle et, dans un système aussi fragile que le système actuel, toutes les stratégies cherchent à se déboucler en même temps, avec le risque que la porte de sortie soit trop étroite. Les notions de valeur, de prix, de gains et de pertes, perdent toute signification car, à partir d’un certain point, c’est la survie qui est en jeu.

Une hypothèse voisine et complémentaire est qu’à un endroit ou a un autre, lequel, nous l’ignorons, il y a du stress bancaire. Les mouvements actuels en constitueraient les prémices ou les symptômes. Ce qui semble confirmer cette supposition, c’est le brutal accès de faiblesse de l’or qui, il y a quelques jours, est passé sous les 1200 ; les études montrent que de tels accès de faiblesse de l’or précèdent régulièrement  les périodes de stress bancaire et les annoncent. Il ne faut pas oublier que la pierre angulaire du système et de la liquidité, ce sont les collatéraux. En dehors des Etats-Unis, et des actifs en dollars, le collatéral universel est l’or. Son utilisation comme  collatéral  apparaît, aux yeux des profanes, comme une vente. C’est une opération un peu compliquée.

La dislocation de la semaine dernière est particulièrement mal venue:

On voit fleurir ici et là ce que nous avons qualifié de fausses interprétations. Ainsi, on cherche à implanter l’idée que les responsables de la déroute, ce seraient la menace Ebola ou les  affrontements géopolitiques. Comme d’habitude, c’est habile, et cela peut marcher. L’une des techniques pour manipuler les marchés consiste à tracer de fausses causalités -que l’on sait temporaires et maîtrisables- afin de préparer, lors de leur disparition, la reprise en mains. A côté de cette parade, il y a: le bluff, les guidances verbales, ce que l’on appelle le jawboning, puis les promesses d’intervention et finalement les interventions elles-mêmes.

Nous, nous disons que ce qui est en cause, c’est la menace de la disparition de la liquidité et, pour boucler le tout, nous rappellerons cette sentence d’un des rares sages parmi les gouverneurs de la Fed : «la liquidité, c’est, on croit que l’on va vendre plus cher que l’on a acheté»!

BRUNO BERTEZ Le Lundi 13 Octobre 2014

illustrations et mise en page by THE WOLF

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