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La baisse rapide des prix du pétrole pourrait elle déclencher un scénario de cauchemar pour le marché des dérivés de matières premières?/Pourquoi les traders de matières premières ne sont-ils plus (seulement) des traders?

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La baisse rapide des prix du pétrole pourrait elle déclencher un scénario de cauchemar pour le marché des dérivés de matières premières?

 Les grandes banques de Wall Street ne s’ attendaient pas à ce qu’une plongée des prix des maisons  provoquerait une implosion de titres adossés à des hypothèques en 2008, et leurs modèles statistiques ne prévoyaient pasune baisse du prix du pétrole de plus de 40 dollars en moins de six mois cette fois non plus. Si le prix du pétrole reste à ce niveau ou descend encore plus, quelqu’un  va avoir à absorber des pertes massives. Dans certains cas, les pertes seront absorbées par les producteurs de pétrole, mais la plupart des grands acteurs de l’industrie ont déjà verrouillé le prix élevé de leur pétrole  l’année prochaine en se couvrant grâce à des contrats de produits dérivés. Les entreprises concluent ces contrats dérivés pour au moins 2 raisons.

Raison Numéro un: de nombreux créanciers et banques ne veulent pas leur préterde l’argent, sauf s’ ils peuvent prouver qu’ils ont verrouillé le prix de leur pétrole à un niveau qui est plus élevé que le coût de production.

Deuxièmement, les contrats sur produits dérivés protégent les profits des producteurs de pétrole de sautes dramatiques de prix, bref de la volatilité qui règne  sur le marché. Ces fluctuations de prix dramatiques se produisent rarement, mais quand ils le font, ils peuvent être absolument désastreux. Ainsi, les compagnies pétrolières qui se sont hedgées et ont verrouillés leur pétrole à des niveaux de prix  suffisament élevés pour leurproduction de 2015 et 2016 se sentent plutot confortées et rassurés. Mais qui est à l’autre extrémité de ces assurances, de ces contrats de dérivés sur matières premières ? Dans de nombreux cas, ce sont les grandes banques de Wall Street, et si le prix du pétrole ne rebondissent pas substantiellement ils pourrait faire face à des pertes colossales comme en 2008 avec les subprimes.

Il a été estimé que les six plus grandes « too big to fail » banques contrôlent une somme faramineuse $ 3900000000000 dans les contrats dérivés de matières premières. Et une très grande partie de ce montant est constitué de dérivés sur du pétrole.

Vers le milieu de l’année prochaine, nous pourrions être confrontés à une situation où beaucoup de ces producteurs de pétrole ont verouillé leur production  dans un prix oscillant entre e 90 ou 100 dollars le baril , sachant que le prix actuel est tombé à environ 50 dollars le baril. Dans un tel cas, les pertes pour ceux qui sont à l’autre extremité et qui tiennent le mauvais bout des contrats de produits dérivés seraient astronomiques.

À ce stade,  certains des plus grands acteurs de l’industrie de l’huile de schiste ont déjà via des contrats à terme verrouillé à des prix élevés la plupart de leur production pour l’année à venir. Ce qui suit est un extrait d’un article récent d’ Ambrose Evans-Pritchard

Les producteurs américains ont verrouilé leur production  à  des prix plus élevés à travers des contrats de produits dérivés. Noble Energy et Devon Energy ont tous deux couvert plus des trois quarts de leur production pour 2015.

Pioneer Ressources naturelles a dit qu’il a pris des options pour 2016 couvrant les deux tiers de sa production 

Donc, ils se sont protégés dans une très large mesure. Ce sont ceux qui ont pris des contrats trop tard  qui vont se brûler. 

Bien sûr que non tous les producteurs de pétrole de schiste se protégeaient. Ceux qui ne sont en danger de faillite et aussi bien sur ceux  qui ne sont pas du tout hedgés

Par exemple, Continental Resources à pris  4 milliards de dollars de contrats   il y a environ un mois dans le cadre d’un pari sur une remontée des prix du pétrole  Au lieu de cela,les prix se sont effondrés , alors maintenant cette société est susceptible de traverser  quelques temps financiers difficiles …

Quand les choses sont belles et stables, le marché des dérivés fonctionne très bien la plupart du temps. Mais quand il ya un «événement de type cygne noir», comme une volatilité spectaculaire du prix du pétrole, cela peut entrainer à puissance 10 de très gros gagnants et vraiment de grands perdants.

Et peu importe la complexité de ces dérivés , et peu importe combien de fois vous allez transférer le risque,la patate chaude  vous ne pouvez jamais faire des paris vraiment sûr.  Charles Hugh Smith …résume bien la situation: 

La financiarisation est toujours basée sur la présomption que le risque peut être annulé par les paris faits avec des contreparties de couverture.  Cela semble attrayant, mais comme je l’ai fait remarquer à plusieurs reprises,  le risque ne peut pas avoir complètement disparu , il ne peut être que seulement masqué ou transféré à d’autres.

Bref s’appuyer sur des contreparties pour  payer ne peut pas faire évanouir les risques; il ne fait que masquer le risque de défaut et transférer le risque aux contreparties, qui transfèrent ensuite à encore d’autres contreparties, et ainsi de suite.
Cet acte de fuite illusoire n’a pas fait disparaître le risque: au contraire, elle a mis en place une ligne de dominos en attente d’une domino pour renverser l’ensemble de la ligne des dominos financiers.
La baisse de 35% dans le prix du pétrole est le premier domino.  Tout la soi-disante sécurité, les prêts et les paris à faible risque misés sur le pétrole , faits avec la confiance suprême que le pétrole continuera de se vendre à un prix moyen d’environ 100 $ / baril, se révèlent  maintenant  comme à haut risque.

Au cours des dernières années, Wall Street a été transformé en le plus grand casino dans l’histoire du monde.

La plupart du temps, les grandes banques sont très prudents pour se assurer qu’ils sortent sur le dessus, mais cette fois leur château de cartes peut se renverser sur le dessus d’eux.

 http://theeconomiccollapseblog.com/archives/plummeting-oil-prices-destroy-banks-holding-trillions-commodity-derivatives

MATIÈRES PREMIÈRES

Pourquoi les traders ne sont-ils plus (seulement) des traders?

ON LES APPELLE COMMUNÉMENT «TRADERS». Ces groupes préfèrent le terme de «négociants». Peu connues du grand public, ces sociétés qui œuvrent dans le commerce des matières premières, dont beaucoup sont basées en Suisse – Louis Dreyfus, Trafigura, Vitol, Glencore ou Gunvor – sont des géants économiques du secteur. Elles ont connu ces 15 dernières années leur âge d’or, leur «supercycle».

Mais alors qu’elles jouaient jusqu’à présent un rôle purement d’acheteurs et de revendeurs, en profitant du jeu de l’offre et de la demande, elles subissent aujourd’hui la crise, en raison de la baisse de la demande chinoise. Pour réagir, elles ont choisi depuis plusieurs années d’investir massivement dans les infrastructures, dans le «physique».

Quand les traders ne sont plus (seulement) des traders devant leurs écrans, mais achètent aussi des raffineries, des mines et des réseaux de stations-service: nos explications en 4 points.

1. Le métier historique des négociants

Dans les matières premières, le métier de négociant ou trader est avant tout un métier d’écrans, un métier virtuel. Historiquement, à quelques exceptions près (dont les lieux de stockage), les négociants ne possédaient pas les infrastructures physiques (les plateformes ou les mines, les tankers ou les vraquiers pour le transport, les lieux de stockage) nécessaires à la production et à l’acheminement de ces matières premières.

Gérer la logistique

Assis dans de confortables fauteuils devant leurs ordinateurs, les traders achètent en quelques clics des ressources naturelles dans des pays où l’offre est abondante pour les revendre quelques dizaines de milliers de kilomètres plus loin où la demande s’en fait ressentir. Ils stockent également la ressource si nécessaire pour profiter des fluctuations du marché. Dans le jargon, on parle d’arbitrage.

Le quotidien d’un trader, c’est donc avant tout résoudre des problèmes logistiques. Ce métier est d’une très grande complexité dans les stratégies utilisées, à la croisée entre logistique et finance. Exemple avec le «cotango»: vous achetez, vous stockez, vous hedgez (mot qui désigne le fait de couvrir les fluctuations de prix par des contrats à terme), vous «roulez le hedge» de mois en mois: le prix qui augmente permet de compenser les frais de stockage.

Voici ci-dessous, très schématisé, le cycle de production et de distribution classique des matières premières. En bleu, les informations sur l’activité physique de production et en rouge, là où les traders interviennent.

2. La fin de l’âge d’or et les raisons de la crise

PHOTO. Un camion passe devant Petroplus à Cressier (Neuchâtel) au petit matin. En mai 2012, c’est le négociant suisse Vitol qui a racheté avec AtlasInvest cette raffinerie de pétrole. (Photo Reuters)

Profitant de la hausse continue de la demande, la taille des groupes actifs dans le négoce de matières premières a explosé ces quinze dernières années. C’est le «supercycle», cet âge d’or comme on l’appelle dans le jargon, en passe de connaître un coup d’arrêt avec une baisse de la demande chinoise et une hausse de la réglementation au niveau mondial.

La fin du «supercycle»

Les prix des matières premières baissent, les salaires se tassent, des sociétés disparaissent. Certains géants du secteur souffrent. Et les conséquences pour la Suisse pourraient être lourdes. Le négoce des matières premières y pèse 3,5% du PIB, et Genève en tire 22,5% des revenus fiscaux sur les bénéfices et le capital.

En cause:

➡ LA CRISE DU FINANCEMENT. Pour les traders, il devient très compliqué de trouver des capitaux pour leur survie. BNP Paribas, qui finançait le secteur depuis des décennies, a brutalement freiné son activité ces derniers mois. En cause, l’amende américaine de 8,9 milliards de dollars infligée à la banque française pour des contournements d’embargo. Résultats, la banque aurait réduit de deux tiers son activité. Plus généralement, les banques sont aussi devenues plus méfiantes envers leurs clients traders.

➡ DES FAILLITES EN SÉRIE. Dans le monde secret des matières premières, on ne parle pas volontiers de ceux qui vont mal. Mais certaines sociétés n’ont pas survécu aux turbulences des derniers mois. La crise touche désormais des géants comme Gunvor, qui, selon plusieurs sources, a réduit ses effectifs genevois.

➡ DES PRIX BAS. Cet automne, les prix du fret maritime, censés refléter la santé du secteur, ont atteint leur plus bas niveau depuis 35 ans. Pétrole, minerai de fer, métaux, céréales, tous les marchés ou presque baissent. La faute au violent ralentissement de la Chine et à la crise économique en Europe. Dans le pétrole, la structure de prix qui enrichissait les négociants dans les années 2000 a disparu.

Plus récemment, le prix du brut est resté très haut mais très stable, ce qui a mis fin à cette période d’argent facile. Et depuis quelques semaines, il chute. Ceux qui avaient parié sur sa remontée ont encaissé de lourdes pertes.

➡ UNE SUISSE MOINS ATTRACTIVE. Les coûts élevés et la force du franc suisse sont des handicaps. Pour les sociétés russes ou ukrainiennes, qui avaient alimenté la croissance de la place genevoise dans les années 2000, la situation est bien pire: l’effondrement de leurs monnaies rend Genève deux fois plus chère qu’il y a six mois. Aux coûts s’ajoute l’inflation réglementaire qui frappe la Suisse, la réforme de l’imposition des entreprises, et les projets de lois sur les matières premières en préparation: transparence des paiements aux Etats, produits dérivés, responsabilité sociale et environnementale.

3. La diversification obligatoire dans le «physique»

Conscients de la fin de cet âge d’or, ces négociants ont compris depuis plusieurs années l’intérêt d’investir dans les infrastructures, dans le physique. «Ceux qui survivront, ce sont ceux qui ont profité de ces dix dernières années pour passer de l’écran au physique», prédit le vétéran de l’industrie pétrolière Jean-Claude Gandur.

Très concrètement, ces entreprises se mettent à investir dans des raffineries (comme celle de Cressier), des mines et des réseaux de stations-service.

L’infographie ci-dessous permet d’avoir un aperçu de cette stratégie de diversification des grands du secteur, et de voir dans quels segments ils sont actifs. En bleu, voici les informations liées à l’activité physique et en rouge les activités de pur trading.


  Maïs Blé Oléag. Coton Sucre Cacao Café Métaux Fer Pétrole Charb. Gaz Elect.
  Maïs Blé Oléag. Coton Sucre Cacao Café Métaux Fer Pétrole Charb. Gaz Elect.
  LOUIS DREYFUS
21’000 employés | CA 2013 : 64 mia $
                         
Upstream(production / explor./ R&D)                    
Midstream(transport / stockage)            
Downstream(distribution)                
Trading            
  GUNVOR
1’600 employés | CA 2013 : 91 mia $
                         
Upstream                      
Midstream                        
Downstream                        
Trading                    
  MERCURIA
1’000 employés | CA 2013 : 112 mia $
                         
Upstream                      
Midstream                    
Downstream                          
Trading        
  GLENCORE
200’000 employés | CA 2013 : 233 mia $
                         
Upstream                    
Midstream            
Downstream                    
Trading        
  TRAFIGURA
8’700 employés | CA 2013 : 133 mia $
               
Upstream                        
Midstream                  
Downstream                        
Trading                
  VITOL
5’400 employés | CA 2013 : 307 mia $
                         
Upstream                      
Midstream                    
Downstream                        
Trading                  

  On constate que Louis Dreyfus – dont l’un des slogans est «De la ferme à la fourchette» – est très actif dans toutes les activités physiques liées aux matières premières qu’ils négocient. Avec ses trois fameux concurrents – Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill – Louis Dreyfus forme le groupe «ABCD», connu pour dominer le marché mondial des produits agricoles. Ces dernières années, ces géants ont connu une période difficile en raison de la chute générale des cours des céréales (notamment à cause de moissons abondantes).

Glencore est sans surprise le géant le plus diversifié. En reprenant la société minière Xstrata en 2012, le groupe basé à Baar (dans le canton de Zoug) a considérablement élargi sa palette d’activités. Il est l’un des exemples les plus emblématiques de cette transition du métier de négociant.

Les autres sociétés – Mercuria mis à part – se concentrent dans les matières premières énergétiques. Cela illustre l’une des grandes distinctions dans l’univers des matières premières, historiquement divisées entre les «soft commodities» (maïs, blé, coton, sucre, etc.) et le secteur énergétique. Cette infographie permet également de constater l’omniprésence des sociétés basées en Suisse dans le domaine du pétrole. Et permet de comprendre comment un tiers des achats/ventes de produits pétroliers sont réalisés depuis l’Arc lémanique.

4. La course aux investissements

Dans cette diversification de l’écran vers le physique, les négociants n’hésitent plus à consentir de lourds investissements dans les infrastructures. Objectif: huiler encore davantage la mécanique complexe de l’acheminement de matières premières du producteur au consommateur et profiter de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne.

Voici, dans cette carte interactive, une sélection non exhaustive des principaux investissements «dans le physique» réalisés cette année. Le grand Monopoly des matières premières a commencé…

Souce Le Temps 08/12/2014

http://www.letemps.ch/interactive/2014/traders/

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