Site icon Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Les Clefs pour Comprendre du Mercredi 17 Décembre 2014: La chute du pétrole, un phénomène hautement complexe Par Bruno Bertez

Publicités

Les Clefs pour Comprendre du Mercredi 17 Décembre 2014: La chute du pétrole, un phénomène hautement complexe Par Bruno Bertez

 La forte baisse des prix du pétrole a, pour l’instant, manifesté ses effets négatifs sur les marchés financiers. Les Bourses baissent sous la conduite des actions des producteurs d’énergies, du secteur bancaire et, surtout, entrainées par les corrélations avec le Credit High Yield ou Junk.

Grosso modo, pour simplifier, on peut avancer l’idée que la chute des prix du pétrole déclenche une bouffée de fuite devant le risque.  En bonne logique, ceci peut s’interpréter négativement. Depuis 2009, les autorités pensent qu’il faut entretenir l’appétit pour le risque afin de lutter contre les risques de déflation, a contrario, tout ce qui effraie et ramène la frilosité  doit être considéré comme négatif. Toute montée du risque est un « headwind ».

La fuite devant le risque est incontestable, on la constate sur tout ce qui est de moindre qualité, sur tout ce qui est périphérique et, à l’inverse, on voit ses effets sur les véhicules de refuge comme les Bonds souverains du Centre.

L’histoire montre que l’élargissement des spreads est un signal précurseur des déroutes boursières. Un des scénarios possibles est donc l’enchainement suivant:

Cela revient à considérer que les aspects financiers, monétaires et psychologiques sont déterminants, ils produisent des perceptions et anticipations qui gouvernent la demande des agents économiques. C’est en gros la thèse en vigueur depuis Greenspan, le marché financier est moteur et leader et précurseur.

Dans ce cadre de pensée, l’effet de la baisse des prix du pétrole et ses conséquences sont appréciés surtout en fonction du mode de pensée dominant, qui est celui des Banquiers Centraux. Et ceci explique que certains commentateurs s’interrogent déjà sur la question du maintien ou non du Taper,  d’une part, et du message, de la guidance sur les taux, d’autre part. Ces analystes envisagent que la Fed, face à des risques de déflation renouvelés, reprennent  un pilotage plus simulant.

En fait, les interrogations portent sur le maintien, ou non, de l’expression «période de temps considérable», que la banque centrale utilise désormais régulièrement pour évoquer le temps durant lequel ses taux resteront proches de zéro. Jusqu’ici, le délai du milieu de l’année 2015 faisait la quasi-unanimité. Mais pour certains, la baisse brutale des cours du pétrole a changé la donne, ces dernières semaines. Elle a en tout cas brouillé les certitudes. Car le recul des cours du baril éloigne l’économie américaine de l’objectif d’inflation de la Fed, fixé à 2%. Ce qui justifierait de maintenir durablement les taux à leur niveau actuel. CQFD

En un sens que l’on peut qualifier d’inverse, il y a les thèses keynésiennes classiques fondées sur le revenu. Elles partent de l’idée que la chute des prix de l’énergie est équivalente à un gain de pouvoir d’achat du consommateur et des producteurs (hors pétrole), une sorte de rabais fiscal. Ce rabais fiscal augmente le pouvoir d’achat disponible et, compte tenu du fait que la propension à consommer des producteurs de pétrole est inférieure à celle des agents économiques des pays consommateurs, alors l’effet sur la demande globale est positif. La baisse des coûts énergétiques est un rabais fiscal, ce rabais fiscal transfère du pouvoir d’achat de gens qui consomment peu vers des gens qui consomment plus, donc l’activité économique doit accélérer, au bout d’un petit laps de temps lié aux effets de diffusion.

Selon un sondage auprès du public, publié la semaine dernière par la Réserve fédérale de New York, les Américains ne s’attendent pas à ce que l’évolution des prix soit réellement influencée par la baisse des cours du baril, ni par le renforcement du dollar, d’ailleurs, qui rend pourtant mécaniquement moins chers les produits importés aux Etats-Unis. Dans un futur proche, considèrent les sondés, l’inflation sera proche de 3%. Leur prédiction est restée inchangée depuis le mois d’août, et ce, même s’ils constatent que les prix à la pompe n’ont de cesse de baisser. Les indicateurs disent autre chose. Publié dernièrement par Rabobank, celui qui est censé déterminer le niveau d’inflation dans cinq ans est tombé à 2,0185%, son niveau le plus bas depuis fin 2008.

 On remarque la contradiction apparente suivante:

Les banquiers centraux ont une thèse centrale qui est que le monde souffre d’une insuffisance de la demande globale et ils en tirent la conclusion qu’il faut stimuler le crédit, la demande et l’offre de crédit par le biais de l’appétit pour le risque. Dans leur schéma, l’appétit pour le risque/crédit devient central. En tant qu’élément d’incertitude et désolvabilisant, la chute des prix du pétrole  a un effet négatif, perturbant, qui donc nuit à la création de crédit.

Tout se passe comme si une mécanique perverse pouvait se mettre en branle ; les effets bénéfiques de hausse des revenus disponibles grâce au cadeau fiscal pétrolier seraient contrariés, anéantis par la peur, l’incertitude et la frilosité, lesquels se manifesteraient au niveau de la demande et de l’offre de crédit. On se trouverait confronté à une situation où la hausse des revenus serrait contrée par le moindre appétit pour le leverage, par solde, dans l’ensemble du système. Le plus des revenus, devient le moins, par le crédit.

La contradiction, bien sûr, n’est qu’apparente car on sait que, dans nos systèmes, la croissance de la demande a une double composante. La composante revenus et son complément, la capacité a leverager ces revenus. Et on imagine fort bien qu’il puisse y avoir des cas où l’un et l’autre évoluent de façon contraire. C’est le cas lorsque le cycle du crédit se déroule normalement, ou lorsqu’on ne s’y oppose pas. Les ennuis viennent quand on a forcé, sur-stimulé. Nos systèmes ne peuvent plus supporter de ralentissement du crédit car ils sont Ponzi. Le crédit n’est plus adossé aux cash-flows, mais à la valeur des assets et aux collatéraux. Donc, pour que le système soit stable, on est obligé d’avoir un mouvement à sens unique d’inflation sur les assets et le crédit, un gonflement des masses correspondantes.

Le travail de guidance et de modulation des perceptions des agents économiques devient à la fois délicat et primordial, puisqu’il faut faire passer des messages qui sont apparemment contradictoires. Mettre en avant les aspects positifs sur la demande et, en même temps, rassurer sur le fait que les risques financiers sont contrôlés, contenus, circonscrits. Et, bien entendu, passagers.

Bien que cela puisse être considéré comme un peu tiré par les cheveux, la similitude, toute proportion gardée  avec la fameuse affaire des subprimes, devient de plus en plus évidente.

En 2007, on a assisté à une chute des prix de l’immobilier et des terrains, chute qui libérait du pouvoir d’achat.  Alors que tout le monde était positionné pour la hausse, cette chute d’une valeur centrale du système avait des aspects à la fois positifs et négatifs, mais ce sont les négatifs qui l’ont emporté en raison de l’impact prédominant du crédit, impact très négatif. Ici on retrouve le même conflit, peut-être à une échelle plus réduite, mais on verra, on ne sait pas vraiment car il y a les effets de contagion: un gain de pouvoir d’achat que l’on devrait saluer est perçu comme dangereux pour le système en raison de ses conséquences supposées sur le crédit.

Une remarque s’impose, dans nos systèmes, l’élément « crédit » est devenu presque plus important que l’élément « revenus » à la fois comme solvabilisant la demande finale, mais aussi comme clef de la stabilité financière. Nous avons tellement abusé du crédit et de ses délices faciles que le système peut difficilement supporter le moindre cycle, le moindre ralentissement. Le système ne peut supporter la moindre incertitude, la moindre réversibilité de ses paramètres. Une situation qui,  peu à peu, rend tout ingérable, dissymétrique, avec comme seule possibilité, semble-t-il: la fuite en avant dans  » le toujours plus ».  

BRUNO BERTEZ Le Mercredi 17 Décembre 2014 

illustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON : 

NI PUB, NI SPONSOR, NI SUBVENTION, SEULEMENT VOUS ET NOUS….SOUTENEZ CE BLOG FAITES UN DON

Quitter la version mobile