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Marchés : Alerte rouge ! Le légendaire fétu de paille et le dos du chameau Par Bruno Bertez

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Marchés : Alerte rouge ! Le légendaire fétu de paille et le dos du chameau Par Bruno Bertez

Ce texte est fondamental, central dans notre analyse. Si vous l’ignorez c’est à vos risques et périls. A certains moments, la question n’est pas d’avoir tort ou raison, mais elle est, quand on a une conviction, de tenter de la faire partager.

 Nous avons écrit le texte ci-dessous en cours de semaine, avant même l’aggravation qui est intervenue sur les actifs et les devises des émergents.

Nous avons décrit le phénomène de fuite devant le risque; montré qu’il s’agissait d’une réduction drastique de l’appétit pour le risque et expliqué que la logique allait dans le sens d’un effet de contagion qui, sauf initiative des Banquiers Centraux, n’allait épargner, de proche en proche, personne.

Nous avons rappelé que les valeurs sur les marchés étaient la somme d’une valeur fondamentale et d’un billet de loterie, bon de droit à écart de cours, lequel tirait sa valeur de l’appétit pour le jeu/risque.

Le fait que nous soyons le seul à raisonner de cette façon ne nous gêne pas car les raisonnements des autres, quand on le remet sur pied, en particulier, la fameuse prime de risque, sont la confirmation de la justesse de notre cadre analytique. Simplement nous avons une façon de formuler qui est claire, cynique et qui montre bien ce qu’il y a derrière les enfumages de la sophistication mathématique.

Nous avons toujours dit que lorsque l’on vous parle de risque, il faut traduire « jeu » et « perte ». L’appétit pour le risque n’est rien d’autre que l’appétit pour le jeu et le jeu, quand la marée des liquidités reflue, devient perdant. Nous vous rappelons aussi que la liquidité ne dépend pas que de la politique des banques centrales, non, elle dépend des marchés, des animal spirits. Nous avons encore ces derniers jours attiré votre attention sur la cassure intervenue vers la mi-avril sur les marchés, cassure qui pointe le fait que l’appétit pour le jeu/risque se réduit. Il y a de nombreuses divergences un peu partout. C’est un signe et un signal.

Les emprunts distressed sont un segment de marché très risqué. ils sont en déroute.

L’appétit pour le jeu régresse dans le système mondial, et malheur à ceux qui refusent de le voir.

Nous reviendrons sur ce thème, malheureusement. Simplement sachez que ce qui a déclenché notre idée d’insister et de dramatiser, c’est ce titre de Bloomberg qui résume tout, absolument tout ce que nous disons depuis des mois:

Les devises des émergents sont en chute libre. L’indice de leur valeur a chuté de 19% en un an, on est à un plus bas record. Certaines devises sont en recul, comme la monnaie Russe et le Réal Brésilien de plus de 30%. Le Bath de Thailande, le Ringitt de Malsaisie, le Dollar de Taiwan eux aussi sont attaqués. Les devises dites « matière premières » n’arrivent pas à trouver un point d’appui.

Il faut être inconscient ou bien néo-con pour ne pas comprendre que cette déroute va déstabiliser le monde global. Qui peut croire que la chute de 5,2% du Réal brésilien en une semaine est bonne pour la stabilité mondiale? Les capitaux fuient de façon désordonnée les émergents et bientôt cela touchera toutes les périphéries. Tout ce qui est fragile, malsain, soutenu artificiellement.

La hausse dont bénéficient les marchés du Centre, les derniers refuges, est un piège, c’est le signe du reflux donc le signe du danger. Le centre détruit les périphéries, il favorise la dislocation et par conséquent, il incite à la prise de conscience qu’une époque se termine. La déglobalisation  la redomestication, la fragmentation, sont les conséquences obligatoires du reflux des capitaux qui est en cours. Globalisation et appétit pour le risque vont de concert.  A la montée comme à la descente. Qui aura encore intérêt à maintenir ses frontières ouvertes et à jouer le jeu si les dégâts sont colossaux? Les pays émergents deviennent ingérables avec des accélérations de l’inflation et des chutes du change qui paralysent les régulations. Suivront les tensions sociales et les troubles politiques.

Que va-t-il se passer quand on s’apercevra que les réserves de change des pays créditeurs fondent comme neige au soleil comme c’est le cas en Chine. La Chine vient de perdre 500 milliards! On prendra conscience en fait que la sécurité est illusoire, qu’il n’y a pas, dans le système international, de véritable matelas contre les chocs. Aux dernières nouvelles, la Chine perd 250 milliards par trimestre.

La contagion que nous anticipons se fera par le levier, par une tendance au deleveraging. Donc par une réduction de la liquidité globale. Depuis 2012 tout est sur-liquéfié, tout est surévalué, tout est fragile, gonflé par le carry-trade et l’illusion de stabilité. Qui peut croire qu’après une hausse de 90% sur le NASDAQ et une hausse de 60% sur le S&P, les bourses sont sûres et solides?

LES USA ont tenu les taux en dollars à zéro trop longtemps, ils ont incité les émergents à émettre des emprunts en dollars sur le marché international et ces emprunts sont une bombe à retardement. Tant en change qu’en taux!

La cassure nouvelle sur le pétrole et les commodities peut précipiter une véritable déroute. Surtout avec la boule de neige des ETF illiquides et le système financier en gigogne type Cornfeld que nous avons. Les produits financiers pourris, exotiques, mensongers ont fleuri depuis 2012. Les fausses assurances ont proliféré, comme avant 2008. Qui a compris que les assurances de crédit étaient bidons, ne valaient rien puisqu’il n’y a pas de réserves de capitaux pour les garantir? Les Hedge Funds vautours le savent eux, sentent l’odeur du sang titre le WSJ: « Hedge Funds gear up for another Big Short ».

Ce texte n’est pas une prévision. C’est le schéma ramené à l’essentiel de ce qui est en train de se passer sur le marché mondial. C’est de la logique de marché cristallisée. Une sorte de diamant simple, transparent, mais qui n’apparaitra clairement que lorsqu’il sera trop tard. Vous ne le verrez comme tel que lorsqu’il aura été débarrassé de la gangue des nouvelles et des fausses interprétations.

Vous connaissez notre cadre analytique. Les actifs financiers constituent un champ homogène, unifié par le pouvoir cynique des Banques Centrales. Elles ont pris le contrôle des marchés en imposant l’idée qu‘un asset financier, c’est un rendement couplé à un risque. Le marché mondial est un tout.

Le réel, le sous-jacent est en quelque sorte, réduit au rôle de figurant, évacué. Pour avoir du rendement selon la doctrine du financièrement correct, il faut accepter du risque, c’est à dire qu’il faut accepter de perdre. Si on refuse le risque de perte, alors, depuis 2009, on ne performe pas et on est spolié par l’inflation, les commissions et les impôts. Et en plus, on est frustré de voir que « les autres » fanfaronnent avec leurs gains. Bien entendu, « ces autres » ignorent que ces gains, ils les rendront et au-delà.

Pendant la phase de gonflement des liquidités globales, c’est à dire pendant la période ou la masse de cash/mistigri a enflé, les détenteurs de cash ont grimpé l’échelle du risque. Ils ont acheté des produits de plus en plus risqués, pourris, pour avoir l’illusion d’avoir un rendement. Nous disons bien illusion, car en fait dans le cadre de la théorie générale de l’équilibre des portefeuilles, tout se vaut. Sauf si on est plus malin que les autres et que l’on maîtrise le timing comme Goldman Sachs par exemple.

Quand le cycle total est terminé, seuls les initiés peuvent avoir gagné. Donc le rendement en apparence plus élevé a pour contrepartie une perte assurée en capital, garantie statistiquement. Comme l’a dit cyniquement Bernanke en 2011, le portefeuille mondial, doit bien être détenu par quelqu’un, et comme sa valeur globale doit se dégonfler avec la contraction des liquidités et la hausse des taux, il faut bien que quelqu’un perde. Tant pis si c’est vous. D’où l’intérêt de raisonner comme nous le faisons en termes de « classes sociales, » « classes des détenteurs privés d’actifs financiers » par exemple. Cette classe doit être spoliée, c’est la fatalité de ce que l’on appelle la répression financière.

Quand les Etats-Unis ont pratiqué leur QE (achats de titres à long terme) , ils ont injecté du cash et retiré du rendement du portefeuille mondial. Ils ont déclenché une pénurie de rendement, laquelle a suscité une concurrence pour acquérir les actifs qui rapportaient encore. C’est ainsi que les capitaux ont suivi la pente du profit apparent et ont été se porter sur tout ce qui rapportait encore un peu, c’est la fameuse « search for yield ». Quand il n’y a plus de rendement, le rare rendement qui subsiste vaut cher, on le paie cher, trop cher.

Ainsi on a acheté les emprunts d’états surendettés, puis les Corporate, puis les Emprunts à Risque, le Junk, le Distressed et bien sûr les actifs financiers exotiques et émergents. Il y a eu des flux de capitaux considérables en quête de rendement pendant 4 ans. On a payé et surpayé non en fonction des valeurs intrinsèques, fondamentales, mais en fonction des comparaisons faciales, apparentes, de rendement.

On a cru que le risque était une abstraction ou alors on a cru que l’on était plus malin que les autres, ou les deux à la fois. Bref attiré par le momentum, l’esprit de jeu et bien sûr le marketing des institutions financières, on a accumulé des actifs à risque.

 

En Avril 2013, la Fed a envoyé le signal de la fin de partie. Elle a claironné le « Taper » . C’était une erreur de communication. Elle a déclenché une dislocation des marchés d’actifs à risque, en particulier des marchés émergents et du High Yield. Sous la pression de son erreur, elle a corrigé le tir et décidé d’agir avec plus de doigté. Elle a retardé le « Taper » et surtout elle l’a modulé, faisant en sorte que ce ne soit plus un événement, mais un processus étalé. Il fallait laisser aux Goldman Sachs et autres le temps de se dégager de leur risque. Il fallait leur laisser le temps de le disséminer.

Depuis lors, les marchés sont en phase de ce que l’on appelle de « distribution », le papier passe des mains fortes aux mains faibles, les mains faibles c’est vous et vos institutions de prévoyance.

La distribution, elle aussi c’est un processus, c’est étalé et c’est long avec des rémissions et des pièges. Il faut susciter le doute et les faux espoirs. Il faut que rien ne soit clair, il faut tromper le maximum de gens. Il faut entretenir l’incertitude. Sinon, il n’y a pas de contrepartie aux ventes des Goldman.

Le processus va du plus risqué vers le moins risqué. On vend d’abord ce qui est le plus fragile, le plus surévalué, le plus vulnérable et on remonte au fur et à mesure.

Progressivement vous avez un double phénomène.

D’abord, vous avez un phénomène de sélectivité, ce qui veut dire que de moins en moins d’actifs restent en tendance haussière, les achats se concentrent sur ce qui semble marcher, galoper le mieux. Une sorte de poche, une sorte d’ilot de surévaluation se construit, dans le cas présent ce sont les technologiques américaines, les technos de réseau, par exemple, elles continuent de se comporter de façon flamboyante. C’est le drapeau rouge que l’on agite devant vous pour exciter votre appétit de jeu et votre avidité.

C’est le premier phénomène, qui introduit ce que l’on appelle une divergence entre ce qui marche et ce qui ne marche plus. Bien entendu les gogos se précipitent sur le piège que constitue cet ilot de performance. Nous traitons souvent de ce phénomène de divergence.

Puis un autre phénomène plus lent et plus généralisé, sorte de rouleau compresseur se met en route : toutes les valorisations se corrigent en raison du phénomène d’arbitrage. La réduction de la surévaluation des segments à risque fait tache d’huile, de proche en proche et tout, même ce qui est moins risqué commence à s’éroder. Il n’existe pas de marché unifié ou la baisse de valorisation d’une partie du marché ne se traduit pas par un affaissement des valorisations sur les autres segments. La valorisation moyenne s’impose par le biais des comparaisons. N’oubliez pas la pratique des analystes : ils comparent la valorisation d’un véhicule aux autres valorisations, on dit cette valeur-là vaut 1,3 fois le multiple moyen par exemple. C’est le rouleau compresseur,  lent,  mais il lamine tout.

Peu à peu les prises de conscience, lentes, chaotiques, s’opèrent. La masse finit par comprendre que tout baisse. Les ilots deviennent de plus en plus restreints, ils finissent par disparaître. Alors les intermédiaires tentent la dernière manœuvre pour vous « avoir », ils vous disent : il faut acheter les « défensives ». Ah les défensives! C’est le meilleur moyen de reperdre de l’argent. Car elles aussi, elles s’écartent des valorisations moyennes, des valorisations d’équilibre, sous l’effet des derniers achats et bien sûr, elles finissent par céder.

Au terme du processus, le papier est passé des mains fortes qui ont ainsi beaucoup de cash et peu de risque en portefeuille vers vos mains, à vous qui avez peu de cash et beaucoup de risque.

Progressivement au fur et à mesure que la baisse s’étend, touche de plus en plus d’actifs, de véhicules et de secteurs, la prise de conscience s’effectue, les illusions tombent, l’envie cède la place à la peur, vous tremblez, vous avez la bougeotte.

Vous êtes murs. Un jour la masse s’aperçoit que le cash est redevenu plus désirable que les actifs à risque, plus désirable que les actifs sans risque, bref que tous les actifs et elle brade pour sauver ce qui lui reste encore.

Alors, Il suffit d’un choc, d’une nouvelle, d’un catalyseur, d’un fétu de paille sur le dos du chameau pour que …

Pour que de deux choses l’une: ou bien la crise financière ressort à nouveau sa tête horrible, ou bien les Centres se soumettent aux marchés, ils lancent un nouveau round d’achats d’actifs sur les marchés. Confirmant notre sinistre prévision de 2009: « Dans la voie choisie, il n’y a pas d’issue, on a brulé les vaisseaux. »

BRUNO BERTEZ Le 26/7/15

illustrations et mise en page by THE WOLF

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