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L’Edito du Lundi 24 Aout 2015 : La chine, du miracle au mirage. Le système est en train de muter Par Bruno Bertez

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L’Edito du Lundi 24 Aout 2015 : La chine, du miracle au mirage. Le système est en train de muter Par Bruno Bertez

  Les médias internationaux se sont enfin ouverts à la situation Chinoise. Par le petit bout de la lorgnette, certes, mais cela a été suffisant pour provoquer une débandade sur les marchés financiers mondiaux. Quand nous disons par le petit bout de la lorgnette, nous voulons pointer par là le fait qu’ils n’ont perçu ni la gravité, ni les enjeux de la dislocation Chinoise. Ils n’ont retenu que l’aspect chute boursière et le ralentissement économique. Ils n’ont pas compris que nous étions en train de réintégrer la grande séquence de la crise de 2008, que nous y accrochions de nouveaux wagons, bourrés de matières détonantes sinon fissiles.

 

La crise Chinoise n’est pas un accident, elle n’est pas exogène, non, c’est un développement endogène de la Grande Crise Financière, développement qui tire sa logique de la politique qui a été suivie pour faire face à la GFC au cours des années 2009 à 2015. Logique, qui nous le rappelons a consisté à déboucher les tuyaux des canalisations financières mondiales en y injectant des liquidités à haute pression et à haut pouvoir spéculatif. Ces liquidités ont noyé le Système global, recouvert et masqué tous les problèmes. Elles ont pris la forme, elles ont constitué un Mistigri puisqu’elles ne rapportaient rien. Ce Mistigri a été passé et repassé, il est allé chercher son rendement partout où il y avait du risque, partout où il y avait encore de la croissance et des possibilités spéculatives. Il est allé enfler, tous les marchés, tous les bilans bancaires, toutes les Réserves monétaires globales.

Comme l’ont fait remarquer justement certains gourous quand vous « printez » vous inondez, mais vous ne maîtrisez pas les emplois, les lieux ou se déverse la monnaie ainsi créée; elle va ou elle veut, elle suit la ligne de plus grande pente du profit maximum et rapide, elle ne va pas forcément là où elle est utile et nécessaire. C’est ainsi que vous fabriquez une « bulle » mondiale, et que vous favorisez toute une masse d’investissements mal-ajustés, mal-adaptés qui, un jour reviendront hanter le système comme une vengeance.

Le « printing », pour parler de façon vulgaire et approximative fait chuter le prix du risque, il favorise l’allocation délirante des ressources, ressources qui sont le plus souvent à crédit et ainsi se construisent des économies potentiellement déséquilibrées. Des catastrophes en attente d’arriver comme la Chine, le Brésil, etc et indirectement la Russie, les producteurs de pétrole, l’Afrique du Sud, la Turquie. La liste n’est pas limitative bien sûr.

Si vous complétez le « printing » par d’abord les taux zéro et ensuite la manipulation du prix du risque, vous provoquez dans le système mondial, une course pour le rendement, une « search for yield » effréné. Les capitaux sont privés de rendement, on leur fait croire que les rendements exotiques ou traditionnellement pourris sont de bonne qualité et ils s’y engouffrent. La preuve qu’ils sont de bonne qualité c’est que tout le monde les recherche, tout le monde y va, le « momentum » s’y presse. Entretenues à la fois par la manipulation de la volatilité, par la fourniture de fausses assurances et réassurances, entretenues par les discours des régulateurs et des médias aux ordres bien sûr. Tout le monde y trouve apparemment son compte, les banques engrangent les profits et superprofits, les gouvernements se financent gratuitement, les firmes se refinancent et rachètent même leur capital ; les bulles, les valeurs boursières, les prix des commodities enflent, enflent défiant tous les avertissements des Cassandre.

Le « printing » Américain doit être vu de la façon suivante. Vous vous placez en haut d’une montagne, vous déversez des tombereaux de liquidités en dollars sur la vallée, et peu à peu tout est recouvert. Tout baigne dedans au point que l’on a même oublié l’origine de la mer de liquidités. On en arrive à croire qu’elle a été là de tous temps, qu’elle sera là de toute éternité et bien sûr que sa présence ne doit qu’à son propre génie. On en oublie qu’à l’origine de la mer, il y a une source en dollars. Normal puisque ces dollars on les a empruntés ou reçus et qu’on les a converti en autre chose ; on oublie l’alchimie , les mutations ; on en oublie que ces dollars sont venus gonfler les réserves des banques centrales et inflater le crédit domestique, on en oublie que ces dollars sont venus enfler , inflater les bilans du système bancaire mondial et pire que ce sont ces mêmes dollars qui ont permis la formation d’un colossal Système Bancaire Shadow , complexe , opaque, mal-ajusté et souvent pourri.

Bref on oublie le système dans lequel on vit, celui du recyclage des déficits américains, le Bretton woods II et les pétrodollars.

Au cours des sept dernières années, l’expansion des dettes dans le monde a été terrifiante. En particulier chez les Emergents et encore plus singulièrement en Chine. Le « printing » Américain doit être vu comme ayant, sous diverses formes simples et complexes, comme ayant permis le « printing » Chinois. Les bilans des banques y ont explosé. Ascension vertigineuse des actifs et des passifs, enchevêtrés, interconnectés, indissociables. Véritable labyrinthe, opaque, sur lequel on a volontairement fermé les yeux afin de ne pas gêner ce que l’on appelait la Grande Reflation. On était bien content quand la Chine soutenait la croissance mondiale défaillante et les prix des commodities.

Les Banques Chinoises sont en tête du classement des banques mondiales, elles occupent les premières places. A fin 2014, tenez-vous bien, les quatre plus grandes banques détenaient des assets totalisants 13,7 trillions de dollars, soit environ en chiffres ronds, 90 trillions de Yuans. Leur total de bilan a inflaté de 64% en quatre ans! Leurs engagements sous forme de prêts ont explosé de 80% en quatre ans! Depuis fin 2008, le total de bilan des quatre grandes banques a progressé de 175%. Tout ceci place le Système Bancaire chinois en tête de liste des risques mondiaux avec une exposition … de 27 trillions de dollars soit 175 trillions de yuans. Exposition à laquelle il faut ajouter au minimum 5 trillions de Shadow.

Depuis la crise de 2008, la Chine est passée à la vitesse supérieure, jouant un rôle déterminant dans le succès du Grand Reflation Trade, par sa demande de matières premières, par sa demande qui a permis de maintenir un niveau de prix sur-inflaté malgré la médiocre conjoncture occidentale. Pour ceux qui n’arrivent pas à mesurer l’énormité des chiffres bancaires chinois, il suffit de comparer à ce qui semble gigantesque, mais est en fait dérisoire, le volume des Réserves de la Banque Centrale de Chine : 3,7 Trillions de dollars.

Quand vous voyez ces chiffres n’oubliez jamais une chose : tout cela ce sont des dettes, des empilements de dettes, de promesses y compris les 3,7 Trillions de ce que l’on appelle les Réserves de la Banque Centrale de Chine. Ironie, les soi-disants Réserves des uns sont les dettes des autres. Les dettes de leurs rivaux stratégiques ! Le monde n’a quasi pas de fonds propres, le leverage est roi. Le recyclage est la mécanique du mouvement perpétuel. Les assurances et réassurances sont bidons, personne n’a les fonds propres pour faire face aux sinistres. Les seules assurances du système ce sont … les créations de monnaie, les « printing » des banques centrales. Le « Put ». Elles seules peuvent faire la contrepartie de tout … en inflatant. La seule sécurité du Système, c’est l’émission de monnaie ; la sécurité, c’est la destruction programmée. Terrible dialectique que celle d’un Système qui ne peut, en cas d’accident mortel, ne se survivre qu’en détruisant ce sur quoi il repose en dernière analyse. On le voit en Chine ou les interventions pour soutenir l’édifice atteignent en quelques jours des montants colossaux.

Tout ce que nous avons décrit et articulé ci-dessus a produit un système de fausses Valeurs, tout est faux, mal-ajusté, déséquilibré. Et c’est ce système, qui menace de s’écrouler parce que le Roi Dollar voudrait tenter de se faire plus rare et cher, parce que la Chine a entamé un processus de baisse de la valeur du Yuan, parce qu’elle ébauche une velléité d’évoluer vers les changes flottants et un système de prix moins artificiel. Parce que, en contrecoup logique, les « pegs » sautent un peu partout. Ainsi se manifeste la fragilité que nous ne cessons de dénoncer et d’exemplifier : une décision marginale, une décision de baby-steps provoque un séisme. La structure, les structures sont tellement biscornues, dys-fonctionantes qu’un mini ou micro choc met en péril l’édifice. En fait, et plus profondément, le Système change de nature sans que les observateurs s’en aperçoivent. Des décisions bénignes en apparence comme l’abandon du « peg » par le Kazakhastan sont autant de trous, de fuites dans le tonneau monétaire mondial. Tout devient cumulatif, transitif et concourt à la réduction de la liquidité. Depuis la déroute chinoise, les bourses mondiales ont perdu 3,6 Trillions, 3,6 trillions qui sont partis au money-heaven. Les pertes du secteur bancaire mondial sur les portefeuilles et en termes de capitalisations boursières sont énormes. La Commercial Bank Of China a cédé 6,1%, la China Construction Bank 7%, HSBC 6,6%, JP Morgan 6,2%, BNP Paribas 4,5%, Barclays 9%, BOFA 9%, Mitsubishi 7,5% pour n’en citer que quelques-unes.

Qu’on en juge. A vendredi la Bourse de Shanghai a perdu 11,5%. L’indice S&P 500 a chuté de 5,8%, les moyennes mobiles des 200 sont enfoncées. Les Banques ont plongé de 6,7%, le NASDAQ de 7,4%. Le Dax de la toute puissante Allemagne a chuté de 7,8%, le Nikkei de 5,3%. Nous vous épargnons le reste, car tout est à l’unisson. Sachez simplement que des géants comme le Brésil sont en déroute tant sur leur marché financier que sur leur crédit et sur leur change. Leurs entreprises nationales, des secteurs économiques entiers ne parviennent plus à se refinancer, il faut faire fonctionner la bonne vieille planche à billets.

Les primes de risque, les spreads se tendent, se dilatent et en contrepartie on se précipite sur les refuges. Les taux du 10 ans US perdent 15 pts de base, à 2,05%, tandis que les Bunds en perdent 10 à 0,56% . L’évidence est que personne n’est à l’abri, tous les pays sont touchés, tous les secteurs, il n’y a nul ilôt de sécurité, nulle forteresse ou l’on est à l’abri. Que dire de l’illusion américaine ? L’économie y serait forte, y serait saine. Alors pourquoi un tel choc, une telle sensibilité ?

Certains parlent d’effet de contagion, d’effet psychologique, émotionnel. Nous nous élevons en faux contre cette interprétation. , c’est une erreur de plus, une tentative de mystification de plus. Contagion signifierait que le reste du monde, hormis les malades, serait sains. Et que si d’autres attrapaient la maladie c’est parce qu’on la leur aurait transmise. C’est inverser les causes et effets, les Anglo-saxons ont transmis leur mal, « l’inflationnite du crédit » au monde entier par un système monétaire pervers, mais ils l’ont gardé, en sommeil chez eux également. Tout le monde a le virus. Chez certains comme les Emergents, plus fragiles, il se manifeste de façon aigüe, chez d’autres plus résistants, plus solides, mieux équipés, il sommeille et n’attend qu’une opportunité de s’extérioriser. Nous nous élevons contre toutes les interprétations magiques, fondées sur la psychologie ou les émotions, la transmission est organique, concrète, réelle parce que le terrain est le même, parce que le mal y sommeille.

Des observateurs sérieux, réputés écrivaient ces derniers jours que « les systèmes financiers sont comme les religions, ce sont des réseaux qui sont fondés sur la foi ». Les marchés financiers sont tenus, soutenus par une croyance commune. Nous, nous appelons cette croyance commune  « un invariant ». On pose quelque chose de fixe et on y croit, on construit du dur, sur cette fondation qui en fait, n’est que fragile et temporaire. Et dans le cas présent, l’invariant qui a laché au niveau des apparences, c’est le Yuan. Mais il entraine d’autres invariants comme la croyance dans la toute-puissance de la Banque Centrale Chinoise, comme la solidité du Système Bancaire, comme l’insularité des marchés financiers des pays développés.

Un jour l’invariant qui cédera, ce sera la théorie financière dominante, celle qui confond les signes et les rationalisations idéologiques qu’elle produit avec le réel dont elle est censée être reflet fidèle. En particulier cette notion idiote de « risque » que l’on pourrait mesurer par des triturations de variations de signes cabalistico-statistiques prélevés ou constatés dans le passé. Comme si le réel pouvait se lire dans les rideaux de fumée des variances et volatilités.

Le système est non seulement instable, mais il est faux, abominablement faux, lui qui confond le dictionnaire, l’alphabet financier des signes avec la réalité sous-jacente. Le réel est irréductible à ce fatras de signes qui n’a de cohérence que dans les esprits de ceux qui les manipulent, eux qui ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans un système de projections magiques. Dont l’efficacité n’est temporaire. L’efficacité des théories actuelles ne tient qu’au fait que beaucoup les pratiquent et en particulier les plus gros, les plus puissants : les Banques Centrales. Ce sont des idioties qui ne sont efficaces qu’à certains moments privilégiés de calme, de croisière, parce qu’elles sont crues et imposées par les plus forts.

La réalité, incontournable, celle qui se donne à voir dans les déchirures des crises et des dislocations, dans les lapsus des marchés, la réalité est que nous vivons dans un univers ou les Valeurs, toutes les Valeurs sont devenues incertaines et que les responsables de la conduite des affaires en ont profité pour tout souffler, tout inflater, tout faire léviter. Tout est soi-disant libéré du poids du fondamental. Tout vole libre comme l’air ou plutôt comme les illusions.

Depuis que les actifs financiers ont été libérés de leur valeur d’usage- produire un rendement, une rentabilité interne- depuis lors, elles sont certes libres de fluctuer au gré des fantaisies du Ponzi et de l’appétit pour le risque. Mais elles sont instables. C’est pour cela, pour obtenir une stabilité, une certitude artificielle qu’il faut sans cesse intervenir, manipuler, renouveler encore et encore les promesses de « printing » et de taux zéro. Les valeurs ne valant plus par elle-même, elles ont toujours besoin de quelqu’un pour les soutenir. Il faut soutenir par la répétition des incantations. C’est la raison pour laquelle nous nous attendons à des interventions puissantes ces prochains jours.

Faute de quoi, l’Age d’or se révélera n’être que ce qu’il n’est, un mirage de tas de papiers.

Marchés : Ventes de panique !

Les marchés sont mal, voire très mal en Asie; les pertes sont sévères ainsi que les arrêts de cotations. Au japon la Bourse de Tokyo a fini en baisse de 4,61% lundi, sa plus forte baisse quotidienne depuis juin 2013. L’indice Nikkei a perdu 895,15 points à 18.540,68 et le Topix, plus large, a chuté de 92,14 points (-5,86%) à 1.480,87 points. En Chine l’indice Composite chute de 8,5% en cloture ; les autorités chinoises autorisent les achats de caisses de pension sur le marché, mais n’injectent pas de liquidités.

Au moyen Orient ce week end forte chute des marchés leaders également. Poursuite de la hausse de l’euro sur liquidations de carry et fuite devant le risk. Pétrole autour des 38.

La hausse de l’euro s’accentue avec la panique, les opérations de carry sont dénouées en précipitation, l’euro monte à 116,6 contre dollar. Le CHF est également recherché.

Le dollar index est en recul de 2,3% à 92,7 ce qui va dans la bonne direction. En effet une partie du stress a pour origine les craintes de plus grande rareté du dollar et son repli est un facteur sinon rééquilibrant, du moins apaisant. Les Emergents et les sociétés des pays émergents ont, selon la BRI émis pour près de 9 Trillions de dettes en dollars. Certains craignent une déroute sur cette classe d’actifs.

La « Vol », mesurée par le VIX enregistre sa plus forte hausse jamais vue, et rejoint le niveau de 53 atteint en 2009.

 

Le 10 ans US est en hausse sensible bien sur, avec un rendement qui descend à 1,940 contre 2,05 %.

Les commentaires sont comme on peut s’y attendre très négatifs, ce qui ne rehausse pas l’image des boursiers qui, il y a peu étaient encore tous haussiers!

Les intervenants des chaines de TV jouent comme d’habitude les rabatteurs , ils mettent en avant le fait que la situation des USA est saine (!): les Etats-Unis seraient « the cleanest shirt »! Ils font la comparaison avec la situation de 1998 ou après une forte baisse on avait remonté dans les trois mois.

BRUNO BERTEZ Le 24/08/15

illustrations et mise en page by THE WOLF

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