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Loi Avia : la France tente de passer en force par la voie européenne / L’UE veut évaluer les entreprises technologiques en fonction de la rapidité avec laquelle elles suppriment les posts des utilisateurs.

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Loi Avia : la France tente de passer en force par la voie européenne

Le Conseil constitutionnel a empêché la Loi Avia de passer en France ? Qu’importe, le gouvernement la propose à Bruxelles pour l’imposer au niveau européen.

La saison 1 ou « la chronique d’un fiasco annoncé », avait commencé au niveau national, par un échafaudage juridique bancal et déséquilibré : la loi dite Avia, visant à un objectif a priori louable : combattre la prolifération des propos haineux en ligne.

RAPPEL DE LA LOI AVIA

Pour rappel, ce qui était proposé était tellement large que véritablement impossible à appliquer en pratique. Il était prévu d’enjoindre les plateformes numériques de supprimer tous les messages et contenus considérés comme haineux au sens très large (incitation à la haine, contenus pédopornographiques, diffamation, discrimination raciale, de genre…)

La liste des messages susceptibles d’être retirés des réseaux sociaux était extrêmement longue.

De plus, non seulement le caractère manifestement illicite des contenus signalés n’est pas forcément évident dans des délais aussi courts (24 heures voire une heure pour les messages d’incitation au terrorisme et les contenus pédopornographiques), mais de plus la loi ne laissait aucune marge aux plateformes, avec une peine très importante (250 000 euros d’amende) dès le premier manquement, et cumulable.

Tout au long de son élaboration, le texte a cumulé les critiques tant pour ses déficiences sur la forme que sur le fond.

Des personnalités politiques, un grand nombre d’organisations et des juristes ont critiqué la loi qu’ils présentaient comme un danger pour la liberté d’expression, notamment en raison de la possibilité que des décisions de retrait de contenus soient prises par un opérateur privé sans intervention du juge judiciaire, pourtant garant constitutionnellement des libertés fondamentales.

Au final, le juge constitutionnel a censuré la disposition-phare du texte, l’obligation faite aux réseaux sociaux de supprimer dans les 24 heures, sous peine de lourdes amendes, les contenus « haineux » qui leur sont signalés sur Facebook, Twitter, Snapchat, YouTube…

Pour le Conseil constitutionnel, ce mécanisme risquait de porter « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

Il ne restait finalement du texte que quelques dispositions mineures : la création d’un parquet spécialisé dans les messages de haine en ligne ; la simplification du signalement d’un contenu ; ou la création d’un « observatoire de la haine en ligne », auprès du CSA. Pour le reste, le législateur était invité à revoir sa copie.

Vidée quasi-intégralement de l’essentielle de sa substance par le gardien de la constitution, la loi Avia avait été finalement adoptée par l’Assemblée nationale le 13 mai 2020.

PASSER EN FORCE AU NIVEAU EUROPÉEN

La saison 2 ne s’est pas fait attendre. Le 25 juin, quelques jours après cette censure, le gouvernement français a sollicité de la Commission européenne qu’elle adopte au niveau européen ce que la Constitution l’empêchait d’adopter en France.

Un tour de passe-passe qui permettrait de faire passer cette loi en force en France, au regard de la hiérarchie des normes et ce nonobstant l’avis du Conseil constitutionnel.

Précisément, l’exécutif demande une nouvelle loi européenne pour « contraindre les plateformes à retirer promptement les contenus manifestement illicites » via « des obligations de moyens sous le contrôle d’un régulateur indépendant qui définirait des recommandations contraignantes relatives à ces obligations et sanctionnerait les éventuels manquements ».

Et ce projet ressemble étrangement à la loi Avia : son délai de 24 heures, ses pleins pouvoirs donnés au CSA. La France demande de faire censurer « non seulement les contenus illicites, mais aussi d’autres types de contenus tels que les contenus préjudiciables non illicites […] par exemple, les contenus pornographiques [ou] les contenus de désinformation ».

Cette demande s’inscrit dans un contexte de Digital Service Act (DSA), un projet de texte européen visant à encadrer la puissance des grandes entreprises technologiques grâce à un arsenal de sanctions.

Le DSA ambitionne également de renforcer les obligations des entreprises technologiques dans la lutte contre les contenus illicites en ligne.

Il sera donc intéressant de surveiller de près les débats européens et de vérifier si  les arguments visés par le Conseil constitutionnel auront eu une résonance dans les travaux bruxellois.

Car, qu’il soit français ou européen, le législateur devra veiller à préserver cet équilibre fragile : la sauvegarde de l’ordre public, d’une part, et la liberté d’expression et de communication, d’autre part.

Car envers et contre tout, dans une société ou le liberticide occupe une place de plus en plus importante, l’accès aux services internet et la possibilité d’y exprimer ses idées et opinions demeurent les corollaires de la liberté d’expression, socle de notre société démocratique.

L’UE veut évaluer les entreprises technologiques en fonction de la rapidité avec laquelle elles suppriment les postes des utilisateurs.

L’Union européenne (UE) veut plus de pouvoirs pour appliquer des politiques plus strictes sur les entreprises américaines de Big Tech si elles ne font pas assez pour censurer ce que l’UE décide être de la « désinformation ». Ces entreprises pourraient bientôt être contraintes de vendre ou de cesser leurs activités en Europe si elles ne contrôlent pas efficacement le contenu.

Dans un entretien avec le Financial Times, Thierry Breton, commissaire européen, a déclaré que les nouveaux pouvoirs pour lesquels l’Union européenne se battent sont dans l’intérêt de la réduction de la domination de ces entreprises de haute technologie sur le marché.

Selon M. Breton, la domination de ces entreprises sur le marché oblige les utilisateurs à n’utiliser qu’un seul service et empêche les gens de passer à des plateformes plus petites.

En théorie, si leur domination sur le marché devait encore s’accroître, l’Union européenne les obligerait à vendre ou à interrompre leurs activités en Europe.

« Les utilisateurs finaux de ces plateformes ont le sentiment qu’elles sont trop grandes pour qu’on s’en soucie », a déclaré M. Breton lors de l’interview.

Il est allé plus loin pour comparer la domination du marché des entreprises de haute technologie avec celle des grandes banques avant la crise financière.

« Nous avons besoin d’une meilleure supervision de ces grandes plateformes, comme nous l’avons fait dans le système bancaire », a déclaré M. Breton.

Une autre option envisagée par l’UE est un système de notation ; ces entreprises obtiendront un score dans des catégories telles que le respect des obligations fiscales et la rapidité de la censure des contenus problématiques.

L’Union, dont le siège est à Bruxelles, en Belgique, pourrait également aller jusqu’à retirer les entreprises de haute technologie du marché unique européen.

Les mesures de rétorsion contre les entreprises de haute technologie ne sont pas l’apanage de l’Europe. Aux États-Unis, l’administration Trump tente de faire passer le décret signé par le président qui demandait à la FCC d’envisager de réduire la protection juridique dont bénéficient les plateformes de médias sociaux en vertu de la section 230 de la loi sur la décence en matière de communications. Alors que l’UE tente d’accroître la censure, l’action de Trump est censée essayer de mettre fin à la censure.

Les nouvelles règles de l’UE pour les entreprises de Big Tech, appelées « Digital Services Act », sont toujours en cours d’élaboration et pourraient être soumises à l’approbation du Conseil européen et du Parlement européen avant la fin de l’année 2020, ce qui mettra les États-Unis et l’UE en désaccord sur la politique en matière de Big Tech.

Source : Reclaim The Net – Traduit par Anguille sous roche

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