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L’affaire Duhamel n’est pas seulement une histoire de famille

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« L’AFFAIRE DUHAMEL N’EST PAS SEULEMENT UNE HISTOIRE DE FAMILLE »

2011 : Dominique Strauss-Kahn, 2012 : Richard Descoings, 2020 : Olivier Duhamel.

@DR

En moins de 10 ans, trois mandarins du tout-Paris politique et intellectuel ont lourdement chuté de leur piédestal sur des affaires de mœurs. Si Richard Descoings est carrément mort de ses turpitudes addicto-sexuelles, lui comme les deux autres ont pu sévir pendant de nombreuses années. Les « accidents » de carrière, quand il y en a, sont loin d’être définitifs pour « ces gens-là ». L’insubmersible Strauss-Kahn n’aurait même jamais gagné autant d’argent (« 21 millions d’euros en cinq ans, logés dans un paradis fiscal », d’après un magazine de la « gauche caviar »), ne se pique-t-il de conseiller Emmanuel Macron et même de tenter un retour dans la vie publique française ? Ses soutiens, restés fidèles, ne forment-ils pas la garde rapprochée de l’actuel président : les Stéphane Séjourné, Julien Denormandie, Stanislas Guerini, Cédric O, Adrien Taquet, Ismaël Emelien, Sylvain Fort, sans oublier Sibeth Ndiaye et… Benjamin Griveaux ? Quant à Olivier Duhamel, membre de tous les réseaux qui comptent, il reste, à ce jour, avocat au sein du cabinet Veil-Jourde, et ne doutons pas qu’il retombera sur ses pieds, comme Agnès Buzyn, recyclée au sein du cabinet du directeur général de l’OMS, à Genève, où, sans nul doute, elle saura faire bénéficier l’organisation internationale de sa légendaire efficacité.

Que nous dit sur notre pays cette étrange résilience d’individus aussi corrompus, au sens premiers du terme ? (Pour Littré, corrompre, c’est détruire, gâter par décomposition putride, dépraver).

Formulons, à ce stade, quelques hypothèses. Première hypothèse : la capacité à sévir sur de longues années en dépit de sacrées « casseroles » ou de graves déviances laisse penser qu’une formidable omerta protège des pans entiers d’un establishment qui n’est pas au niveau moral que le pays pourrait attendre. Il faut relire avec gourmandise les papiers sur le sujet, qui démontent l’enchevêtrement d’alliances familiales, professionnelles ou capitalistiques qui lient les mondes politique, intellectuel et financier. Des alliances qui forment un puissant blindage à double effet : il met les bénéficiaires à l’abri des risques liés à leurs turpitudes et il leur évite la concurrence d’individus qui, pour être « moins bien nés » aurait au moins autant de valeur.

Deuxième hypothèse : cette omerta est le fruit d’intérêts bien compris. Car ces tristes sires sont tous de grands bénéficiaires des évolutions des dernières années. Ils sont bien loin des angoisses de ceux qui sont touchés par la crise économiques due au Covid, ils ne comprennent pas les Gilets jaunes et pas davantage ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont blessés par une mondialisation qui a mis à terre des pans entiers de notre économie. Non, « ces gens-là » fréquentent les villes du monde les plus branchées, les cercles les plus selects, les tables les plus raffinées, les quartiers les plus chics, évitent pour leurs enfants le collège de secteur… Ils trustent les plus beaux postes de la haute fonction publique, structurent une bonne part des formations et des entourages politiques, sont omniprésents dans l’édition, la presse ou les médias, très puissants dans le monde universitaire où ils peuvent faire et défaire les carrières. Et ils se connaissent, se renvoient l‘ascenseur, se refilent tuyaux, emplois et prébendes. Avec eux, qui se disent de gauche, jamais la phrase de Marx n’a été aussi vraie : L’État, qu’ils ont colonisé, est « un comité qui gère les affaires communes de toute la classe bourgeoise ». De toute la classe bourgeoise ? Non ! Mais de cette partie de ladite classe qui prétend être dispensatrice des règles de la moralité nouvelle. Quel paradoxe de voir ces sycophantes vautrés dans tout de ce que l’esprit bourgeois a de plus vulgaire, eux qui n’ont cessé de déverser leur bile sur les bourgeois ! Quel ironie de voir ces hypocrites ne cesser de dénoncer avec hargne, en brandissant leurs maîtres penseurs, Bourdieu et Foucault, une société qui serait fondée sur la domination et la répression, quand leurs vies personnelles et professionnelles, ne sont que domination et répression !

La description de la « familia grande » est sans ambiguïté : c’est bien d’une famille à la fois disloquée, dysfonctionnelle, hypersexualisée, totalement déstructurée par l’idéologie libertaire, qu’il s’agit.

D’où vient à ces individus, qui ont moins de mérites que d’héritages, leur critique violente de pouvoirs qui les protègent et d’une société qui leur offre tous les avantages ? C’est la troisième hypothèse : on distingue chez nombre d’entre eux une sorte de rage fondée sur une envie démesurée : il leur faut tout avoir, tout : l’argent, le pouvoir, les relations, le sexe…. Une forme d’ubris qui les conduit à faire des gigantesques faux-pas : arrogance, imprudence, sentiment d’impunité. Pourquoi cet appétit insatiable ? On relèvera que leur point commun est de refuser toute limite, d’en ignorer même la notion. On ne peut s’empêcher de penser, n’en déplaise à Camille Kouchner qui a tenté benoîtement de balayer l’argument, que tout cela n’est pas sans lien avec mai 68 et ce qu’il est convenu d’appeler la libération des mœurs, qui n’est autre, en réalité, qu’une profonde aliénation des esprits et des corps. Du reste, la description de la « familia grande » est sans ambiguïté : c’est bien d’une famille à la fois disloquée, dysfonctionnelle, hypersexualisée, totalement déstructurée par l’idéologie libertaire, qu’il s’agit. Destruction de la société, du patriarcat, érasement de la morale commune. Une idéologie qui allait jusqu’à la défense publique de la pédophilie, comme le montre la tribune publiée dans un journal du soir le 26 janvier 1977 et signée par…le père de la victime d’Olivier Duhamel, Bernard Kouchner. Sans doute faut-il voir dans cette volonté d’écarter, osons le terme, la morale chrétienne un complexe de supériorité : « ces gens-là » n’en ont pas besoin ! Et ils la détestent, car elle les contraint, eux qui se croient plus forts, plus légitimes, plus intelligents, plus justes.

Quatrième hypothèse : « ces gens-là » bénéficient d’un système français caractérisé par l’absence de responsabilité. Vous pouvez commettre les pires erreurs, si vous êtes dans le bon réseau, in fine, il ne vous arrivera rien ou presque. Agnès Buzyn en est un exemple, caricatural. Comme le sont Laurent Fabius et Alain Juppé, mis en cause dans des affaires judiciaires, et qui ont fini au… Conseil constitutionnel. Comme le sera sans doute Jérôme Salomon, dont la gestion de la crise sanitaire est plus que discutable, dont un rapport du Sénat a mis en lumière des agissements hautement condamnables, mais qui reste directeur général de la Santé. Un système que tout le monde prétend républicain, le mot à la mode, mais qui est un système du fait du prince.

Dominique Strauss-Kahn, Richard Descoings, Olivier Duhamel, ces trois noms nous disent encore autre chose, car, outre l’appartenance à la « gauche caviar », un lien très fort les unit : Sciences-Po, où ils ont enseigné, que l’un d’entre eux a dirigé, dont un autre était un puissant mandarin. Sciences-Po, où ils ont été révérés par des générations d’étudiants, subjugués par des individus habiles mais aussi terriblement autoritaires. Sciences-Po où nous sommes nombreux à avoir étudié. Il fallait voir Olivier Duhamel, dans sa superbe, écraser d’une phrase un étudiant qui aurait posé une question jugée non pertinente. Il fallait voir Richard Descoings régner sans partage sur la rue Saint-Guillaume, étouffer toute opposition et parvenant à se faire octroyer des salaires mirobolants. Quant à Dominique Strauss-Kahn, qui aurait osé le contester alors même qu’il collectionnait les conquêtes d’étudiantes comme autant de papillons épinglés sur une plaque d’entomologiste ? Au-delà de leurs frasques, des blessures qu’ils ont infligées, dans la droite ligne de leur idéologie libertaire, ils ont aussi profondément affecté Sciences-Po : institutionnalisation d’une « Queer week » délirante, laxisme face à toutes les minorités activistes, LGBT, féministes, indigénistes, recrutement d’enseignants manifestement fondé sur des critères non exclusivement académiques, transformation progressive en bussiness school, administration tentaculaire et inefficacecogestion purement clientéliste avec un syndicat minoritaire lui-même secoué par des scandales sexuels, etc. Or, Sciences-Po n’est pas, ne devrait pas être une institution d’enseignement comme les autres. Fondée pour insuffler un renouveau intellectuel et moral aux élites françaises après la défaite de 1870, elle est au cœur de la formation de certains de nos plus beaux esprits et elle fournit le vivier de la haute fonction publique, Elle doit donc être un modèle d’intégrité en tous domaines. Qu’en reste-t-il quand certains de ces piliers sont mis en cause ? Qu’en reste-t-il quand son directeur se permet de mentir effrontément et de simuler sa découverte, « avec stupeur », des actes d’Olivier Duhamel quand il les connaît depuis des années ? L’affaire Duhamel n’est pas seulement une histoire de famille. Elle concerne tous les citoyens attachés à préserver l’État et illustre une dérive connue par bien des institutions. Il est temps de nettoyer les écuries d’Augias !

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