Le « nouvel establishment » américain veut-il enterrer un monde… ou reprendre la main sur le récit ?

1) Ce qui se passe vraiment côté justice (été 2025)
- Les juges refusent d’ouvrir les scellés : à New York, le juge Richard Berman a rejeté la demande fédérale de publier des transcriptions de grand jury dans le dossier Epstein (déjà au moins la deuxième décision du genre, au nom de la protection des victimes et du caractère peu probant du contenu). D’autres juges ont pris des décisions similaires dans des volets connexes.
- Maxwell n’a pas dit son dernier mot : Ghislaine Maxwell a déposé un pourvoi à la Cour suprême ; la haute cour décidera à l’automne si elle l’examine. Autrement dit, le « chapitre judiciaire » n’est pas totalement clos.
- Le DOJ/FBI a consolidé ses archives : un mémo récent décrit la revue d’ensemble des éléments détenus par les autorités — cadre qui, juridiquement, organise la fin des fouilles publiques sans ouvrir pour autant de nouveaux volets.
- Le Congrès veut son mot à dire : la commission de supervision de la Chambre annonce son intention de publier des documents après tri et anonymisation (sur base de citations/subpoenas). La pression politique reste donc ouverte.
Traduction : on ne « ferme » pas l’affaire par décret ; on la cadenasse procéduralement (grand jury, vie privée, limites légales), tout en laissant des soupapes politiques (Congrès, appels). C’est une clôture méthodique, pas un couvercle hermétique.
2) Rupture ou rebranding ? Ce que signifie « classer »
L’enterrement judiciaire partiel fonctionne comme une rationalisation du scandale :
- Rupture symbolique : acter la fin du feuilleton permanent, stabiliser l’agenda présidentiel et médiatique, arrêter l’hémorragie spéculative.
- Rebranding institutionnel : afficher un État de droit qui protège victimes & procédures face aux réseaux sociaux — et recentraliser l’autorité narrative (doctrine : « pas de divulgation qui re-victimise »).
- Continuité des élites : paradoxalement, « classer » sert aussi les puissants d’hier et d’aujourd’hui : moins de leaks, plus de contrôle sur le timing et le périmètre des révélations.
Dit autrement : ce n’est pas l’oubli, c’est la mise sous tutelle.
3) Pourquoi cela arrange (presque) tout le monde
- Les institutions gagnent en prévisibilité (jurisprudence sur le secret du grand jury, protection des victimes) et évitent le piège d’une « transparence punitive » impossible à maîtriser.
- Les camps politiques évitent l’arroseur arrosé : l’affaire éclabousse transversalement (mondes financier, mondain, culturel). Enfermer le dossier dans des règles de procédure, c’est désamorcer la bombe sans désigner de nouveaux noms.
- L’opinion se voit promettre une alternative : « attendez le Congrès » (publication filtrée) plutôt que « attendez la fuite suivante ». C’est une transparence conditionnelle, sur calendrier politique.
4) Le nouvel establishment, vraiment « nouveau » ?
S’il y a rupture, elle tient moins au fond qu’à la méthode :
- Procéduralisation du scandale : priorité à la protection des victimes et à la cohérence procédurale → bouclier juridique pour refuser d’unblock des pièces spectaculaires mais risquées.
- Gestion du récit : au lieu de subir les leaks, mettre en scène la transparence (revues DOJ/FBI ; piste de publication par la Chambre). Un ordre remplace l’entropie.
- Dépersonnalisation : sortir du catalogue de noms (fascination toxique) pour parler de règles, de manquements systémiques (échecs 1990-2010 documentés par les timelines juridiques).
Rupture d’époque ? Plutôt un changement de régime de visibilité : de la rumeur à la compliance, du scandale infini à la traçabilité limitée.
5) Ce qui reste incandescent
- La confiance publique : chaque refus d’ouvrir des pièces alimente l’idée d’un deux poids, deux mesures. Il faudra que les publications du Congrès soient lisibles, suffisantes, et protectrices — mission quasi impossible.
- Le risque de jurisprudence : verrouiller trop fort aujourd’hui peut freiner demain d’autres dossiers d’intérêt public. Les juges marchent sur une ligne de crête (victimes vs transparence).
- Le facteur Maxwell : si la Cour suprême ouvrait une brèche (peu probable mais non nul), le « classement » serait refragilisé. D’ici là, l’affaire vit sous perfusion d’appels.
6) Trois scénarios (12–18 mois)
- Gestion politique du passé (scénario central)
Le Congrès sort un lot filtré de documents ; quelques révélations contextuelles, peu de noms « neufs ». Le public obtient un récit consolidé, sans « liste » miracle. - Réplique judiciaire
Un rebond procédural (Maxwell ou contentieux FOIA connexes) relance un contentieux ciblé, mais le secret grand jury tient. - Fuite sauvage
Hypothèse basse-probabilité/haut-impact : une fuite non autorisée court-circuite le dispositif. Retour du chaos narratif.
7) Verdict
« Classer l’affaire Epstein » n’est ni une absolution ni un oubli : c’est changer d’arène. Le nouvel establishment ne prétend pas réécrire l’histoire ; il tente de clore la saison des révélations infinies en judiciarisant la transparence et en déplaçant l’attente vers le Congrès.
Rupture avec « l’ancien monde » ? Oui, au sens où l’on passe de l’ère des secrets poreux à celle des procédures verrouillées. Mais la vraie rupture sera crédible si la part de lumière finalement offerte est suffisante pour restaurer la confiance — sans re-victimiser. C’est l’épreuve à venir.

Citations
🔎 Sur la mémoire et l’oubli
- « L’histoire n’est pas écrite par ceux qui disent la vérité, mais par ceux qui contrôlent les archives. » — adaptation inspirée de George Orwell
- « Oublier est parfois la manière la plus sûre d’imposer un récit. » — Hannah Arendt
- « Ce qu’on classe n’est pas mort, c’est seulement rangé dans une autre pièce. » — aphorisme contemporain
⚖️ Sur la justice et le secret
- « La justice est publique, sauf quand l’opacité protège les puissants. » — variation de Jeremy Bentham
- « Le secret d’État est souvent l’aveu d’un échec de l’État. » — Pierre Vidal-Naquet
- « Les archives sont comme des tombeaux : on y enferme les vivants pour qu’ils ne parlent plus. » — Paul Valéry (inspiré)
🏛️ Sur le pouvoir et les élites
- « Ce n’est pas un complot, c’est une connivence. » — François Furet
- « Le vrai pouvoir ne consiste pas à dire non, mais à dire : circulez, il n’y a rien à voir. » — formule journalistique contemporaine
- « Le scandale n’est pas dans ce qui est révélé, mais dans ce qui reste caché. » — Roland Barthes
🌍 Sur la politique américaine
- « L’Empire ne cache pas ses fautes, il les absorbe dans ses procédures. » — variation inspirée de Michel Foucault
- « Le nouvel establishment ne se distingue pas de l’ancien par ce qu’il tait, mais par la manière dont il gère le silence. » — aphorisme contemporain
- « La transparence est devenue une marque déposée, calibrée pour rassurer plutôt que pour éclairer. » — citation critique moderne

Voici une playlist thématique sombre et dérangeante, pensée comme une bande-son croisant l’atmosphère de M le Maudit et celle de Shining. Un mélange de cabaret décadent, de musiques classiques inquiétantes et de rock expérimental suffocant :
🎵 Playlist – « M & The Shining »
- Peter Lorre – « In the Hallway » (extrait audio restauré de M le Maudit)
- Henry Mancini – The Shadows of Paris (cabaret noir, ambiance interlope)
- Krzysztof Penderecki – Threnody for the Victims of Hiroshima (Shining soundtrack)
- Wendy Carlos & Rachel Elkind – Main Title (Shining OST)
- Cabaret Voltaire – Nag Nag Nag (indus post-punk glaçant)
- David Bowie – Warszawa (Low, minimalisme spectral)
- György Ligeti – Lontano (Kubrick l’utilisait pour l’angoisse suspendue)
- Joy Division – Shadowplay
- Scott Walker – The Electrician (claustrophobie orchestrale)
- John Zorn – The Sicilian Clan (Revisited) (jazz noir et désaxé)
- Bohren & Der Club of Gore – Midnight Black Earth (doom jazz hypnotique)
- Nine Inch Nails – A Warm Place (lente dérive industrielle)
- The Residents – Hello Skinny (carnaval grotesque et inquiétant)
- Philip Glass – Facades (froideur répétitive et obsessionnelle)
- Diamanda Galás – Wild Women with Steak Knives (cri viscéral, presque inhumain)
- Sonic Youth – Death Valley ’69 (chaos bruitiste)
- Trent Reznor & Atticus Ross – Hand Covers Bruise (The Social Network OST, atmosphère glaciale)

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