Etats-Unis

🎭 LE RETOUR DE L’ETHNICISATION DE LA MUSIQUE POPULAIRE

Quand le métissage symbolique recule et que les publics se resegmentent


Il existe un angle mort dans l’histoire rĂ©cente de la musique populaire :
la question ethnique, non pas comme identité biologique, mais comme fonction symbolique.

Pendant un demi-siĂšcle, la musique populaire occidentale a tentĂ© — avec plus ou moins de succĂšs — de dĂ©passer les appartenances visibles.
Aujourd’hui, ce mouvement semble s’inverser.


I. L’ÂGE DU MÉTISSAGE SYMBOLIQUE (ANNÉES 60–70)

Jimi Hendrix est noir.
Mais il est rock.

Mieux : il est l’alter ego inversĂ© d’Eric Clapton.
MĂȘme guitare, mĂȘme transcendance Ă©lectrique, mĂȘme langage musical.

Clapton se crépe les cheveux.
Hendrix joue la guitare comme un chamane cosmique.

👉 La musique prĂ©cĂšde l’identitĂ©.
👉 Le genre absorbe l’ethnie.

Le rock permet alors une chose devenue presque impensable aujourd’hui :
l’effacement symbolique des origines au profit d’un langage commun.

Ce n’est pas l’innocence.
C’est une utopie culturelle active.


II. ANNÉES 80–90 : LA DÉ-ETHNICISATION FORCÉE DE LA POP

Michael Jackson incarne un moment radical.

Il est noir, mais :

  • il se blanchit la peau,
  • il lisse ses traits,
  • il neutralise toute appartenance visible.

Non par haine de soi, mais parce que la fonction pop universaliste l’exige.

👉 Pour ĂȘtre mondial, il faut ĂȘtre hors-sol.

Michael Jackson n’est plus noir, ni blanc.
Il est planétaire.

Madonna, de son cĂŽtĂ©, danse “comme une noire”,
s’approprie des codes afro-amĂ©ricains,
mais les reconditionne dans un récit individualiste, libéral, pop.

👉 La pop absorbe les codes ethniques pour les dissoudre.

C’est l’ñge de la neutralisation identitaire par le marchĂ©.


III. LE RAP : RÉ-ETHNICISATION DU RÉEL, DÉ-ETHNICISATION DU PUBLIC

Avec le rap, tout change — mais pas comme on le croit.

Kanye West fait une musique :

  • enracinĂ©e dans l’expĂ©rience noire amĂ©ricaine,
  • traversĂ©e par l’histoire raciale,
  • explicitement situĂ©e.

Mais son public est :

  • noir,
  • blanc,
  • mondial.

👉 Le rap rĂ©-ethnicise le discours,
mais pas l’audience.

Il dit l’origine sans l’enfermer.
Il parle depuis un lieu, mais il est écouté partout.

C’est là sa force historique.


IV. ANNÉES 2020 : LA RE-SEGMENTATION DES PUBLICS

Avec Taylor Swift, on entre dans une autre configuration.

Elle n’est pas racialiste.
Elle n’est pas idĂ©ologique.

Mais son public sociologique est identifiable :

  • majoritairement blanc,
  • fĂ©minin,
  • classe moyenne,
  • occidentalisĂ©.

Ce n’est pas une intention.
C’est un effet de structure.

👉 La musique ne transcende plus les appartenances.
👉 Elle les Ă©pouse doucement.

Ce n’est pas un retour Ă  la sĂ©grĂ©gation.
C’est un retour Ă  la coĂŻncidence entre identitĂ©, rĂ©cit et audience.


V. POURQUOI CE RETOUR À L’ETHNICISATION ?

Trois raisons majeures :

1. La fin des grands récits universalistes

Plus personne ne croit vraiment Ă  un monde culturel homogĂšne.

2. L’algorithme

Il segmente, affine, cible.
Il ne cherche pas le mélange, mais la résonance.

3. La fatigue du métissage forcé

Le mélange symbolique permanent a fini par paraßtre artificiel, voire prescriptif.

👉 Le public revient à ce qui lui ressemble, non par rejet, mais par saturation.


VI. CE QUE CELA DIT DE NOTRE ÉPOQUE

La musique populaire ne cherche plus Ă  :

  • dĂ©passer les identitĂ©s,
  • les dissoudre,
  • les neutraliser.

Elle les reflĂšte.

Et ce mouvement n’est ni progressiste ni rĂ©actionnaire.
Il est post-universaliste.


⚖ FORMULE DE SYNTHÈSE


đŸ•Żïž CONCLUSION PROVISOIRE

Ce retour de l’ethnicisation n’est pas un recul moral.
C’est un signal culturel.

Quand une société cesse de croire à un récit commun,
ses musiques cessent de le fabriquer.

La question n’est donc pas :
est-ce bien ou mal ?

Mais :
👉 quel monde sommes-nous en train d’accepter comme normal ?

un monde de langues partagées,
ou un monde de miroirs parallĂšles ?

☠ CONCLUSION — LA FIN DE L’ILLUSION

Le retour de l’ethnicisation dans la musique populaire n’est pas un accident.
Ce n’est pas une dĂ©rive.
Ce n’est pas une faute morale.

C’est la fin d’une illusion.

L’illusion selon laquelle la culture pouvait durablement :

  • transcender les appartenances,
  • dissoudre les origines,
  • fabriquer un universel hors-sol,
  • produire un rĂ©cit commun sans monde commun.

Cette illusion a tenu tant que l’Occident croyait encore Ă  lui-mĂȘme.

Quand la croyance s’effondre,
la musique cesse de jouer les médiateurs.
Elle devient un miroir brut.


Le rock avait osĂ© l’impensable :
faire primer le langage sur l’origine.

La pop avait tenté le tour de force inverse :
neutraliser l’origine pour gĂ©rer l’universel.

Le rap a rĂ©introduit l’origine comme vĂ©ritĂ©,
sans refermer l’audience.

Aujourd’hui, il n’y a plus de dĂ©passement,
plus de dissolution,
plus de récit commun crédible.

Il y a coĂŻncidence.

CoĂŻncidence entre :

  • identitĂ©,
  • esthĂ©tique,
  • rĂ©cit,
  • public.

Non par choix idéologique,
mais par épuisement historique.


Ce que certains appellent “retour de l’ethnicisation”
est en réalité plus brutal :

👉 la musique ne croit plus à l’universel,
parce que la sociĂ©tĂ© n’y croit plus.

Elle ne cherche plus Ă  rassembler.
Elle ne cherche mĂȘme plus Ă  convaincre.

Elle reflĂšte.
Elle segmente.
Elle accompagne des mondes parallĂšles.


Il ne faut pas demander à la musique de réparer ce que le politique, le social et le symbolique ont détruit.

Quand le monde commun disparaĂźt,
les hymnes disparaissent avec lui.

Il ne reste plus :

  • que des fragments,
  • des vĂ©ritĂ©s locales,
  • des fidĂ©litĂ©s esthĂ©tiques,
  • des publics qui se reconnaissent entre eux.

Et cela ne dit pas seulement quelque chose de la musique.

👉 Cela dit tout de l’état de la civilisation qui l’écoute.

🎭 **LE RETOUR DE L’ETHNICISATION

DANS LA MUSIQUE POPULAIRE**

Du dépassement à la re-coïncidence identitaire


🎯 THÈSE CENTRALE

La musique populaire occidentale a longtemps cherché à dépasser les appartenances visibles.
Aujourd’hui, elle tend de nouveau à coïncider avec elles.

👉 Ce n’est pas une idĂ©ologie.
C’est un effet de structure.


đŸŸ„ PHASE 1 — TRANSCENDANCE PAR LE GENRE (ANNÉES 60–70)

Quand la musique absorbe l’ethnie

Exemples :

  • Jimi Hendrix (noir) → rock
  • Eric Clapton (blanc) → mĂȘme langage, mĂȘme sommet symbolique

Logique :

  • Le genre prime sur l’origine
  • L’ethnie disparaĂźt derriĂšre le langage musical
  • La musique prĂ©cĂšde l’identitĂ©

👉 Le rock permet l’effacement symbolique des origines.


🟩 PHASE 2 — DÉ-ETHNICISATION POP (ANNÉES 80–90)

Neutraliser pour universaliser

Exemples :

  • Michael Jackson → hors-sol, planĂ©taire
  • Madonna → appropriation des codes afro-amĂ©ricains, dissous dans la pop

Logique :

  • UniversalitĂ© = indĂ©termination
  • Codes ethniques absorbĂ©s puis neutralisĂ©s
  • MarchĂ© mondial comme arbitre

👉 La pop dissout l’ethnie pour gĂ©rer l’universel.


đŸŸ© PHASE 3 — RAP : ORIGINE ASSUMÉE, PUBLIC MIXTE (ANNÉES 2000)

Dire l’origine sans enfermer

Exemples :

  • Kanye West
  • Rap US globalisĂ©

Logique :

  • Discours situĂ©, enracinĂ©
  • Narration raciale et sociale explicite
  • Audience noire, blanche, mondiale

👉 Le rap rĂ©-ethnicise le discours,
pas le public.


🟹 PHASE 4 — RE-SEGMENTATION SILENCIEUSE (ANNÉES 2020)

Quand l’audience reflĂšte l’esthĂ©tique

Exemple :

  • Taylor Swift

Constat sociologique :

  • Public majoritairement blanc
  • FĂ©minin
  • Classe moyenne
  • Occidental

Logique :

  • Aucune revendication identitaire
  • CoĂŻncidence douce entre rĂ©cit et audience

👉 La musique ne transcende plus :
elle reflĂšte.


⚙ FACTEURS STRUCTURELS DU RETOUR

1ïžâƒŁ Fin de l’universalisme crĂ©dible

Les récits globaux ne convainquent plus.

2ïžâƒŁ Algorithmes de streaming

Segmentation, affinité, ciblage.

3ïžâƒŁ Fatigue du mĂ©tissage prescriptif

Le mélange obligatoire devient suspect.

👉 Le public revient à ce qui lui ressemble.


🧠 CHANGEMENT DE FONCTION

Avant :

Aujourd’hui :


⚖ FORMULE DE SYNTHÈSE


☠ VERDICT FINAL

Le retour de l’ethnicisation n’est :

  • ni un progrĂšs,
  • ni une rĂ©gression.

C’est un symptîme.

👉 Quand une sociĂ©tĂ© cesse de croire Ă  un rĂ©cit commun,
ses musiques cessent d’en produire un.

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2 rĂ©ponses »

  1. ☠ NOUVEL ARTICLE SUR LE BLOG À LUPUS
    👉 Lien en commentaire **LE RETOUR DE L’ETHNICISATION

    DANS LA MUSIQUE POPULAIRE**

    Ce texte ne juge pas.
    Il constate.

    Pendant un demi-siÚcle, la musique populaire occidentale a tenté :

    • de transcender les origines (rock),
    • de les dissoudre (pop universaliste),
    • de les raconter sans exclure (rap).

    Aujourd’hui, ce cycle est terminĂ©.

    La musique ne fabrique plus de monde commun.
    Elle reflĂšte des mondes parallĂšles.

    Ce que certains appellent “retour de l’ethnicisation”
    n’est pas une dĂ©rive :
    c’est la fin de l’illusion universaliste.

    La musique ne rassemble plus.
    Elle coĂŻncide.

    📌 Article en ligne sur le Blog à Lupus
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