Atlantisme

**ALEXANDRE DOUGUINE

COURROIE DE TRANSMISSION DU POUVOIR POUTINIEN
OU ADMIRATEUR LUCIDE DU NOUVEL EMPIRE OCCIDENTAL ?**

Les eurasistes à l’épreuve du retour de l’Histoire atlantique


À chaque bascule d’époque, certaines figures deviennent des miroirs déformants.
Alexandre Douguine est de celles-là.

Pour les médias occidentaux, il est tantôt le “Raspoutine du Kremlin”, tantôt un idéologue fantasque, tantôt une menace métaphysique.
Pour ses adversaires russes, il est un penseur trop libre.
Pour ses lecteurs, il est surtout un diagnosticien brutal de la fin de l’Occident libéral.

Mais une question nouvelle s’impose aujourd’hui, dérangeante pour tous les camps :
👉 et si Douguine comprenait mieux que beaucoup l’émergence d’un nouvel Occident impérial — américain — qu’il n’exècre plus mécaniquement ?


I. DOUGUINE, CE QU’IL EST — ET CE QU’IL N’EST PAS

Commençons par dissiper un malentendu.

Douguine n’est ni :

  • un décideur du Kremlin,
  • ni un stratège opérationnel,
  • ni un simple relais de communication poutinienne.

Il est un intellectuel idéologue, au sens fort :
un producteur de concepts, de cadres, de grilles de lecture.

👉 Le pouvoir russe l’utilise parfois.
Mais il ne le contrôle pas.

C’est précisément ce qui rend sa pensée intéressante — et instable.


II. L’EURASISME : UNE DOCTRINE NÉE CONTRE L’OCCIDENT LIBÉRAL, PAS CONTRE L’OCCIDENT EN SOI

L’eurasisme est souvent résumé comme un anti-occidentalisme primaire.
C’est faux.

À l’origine, l’eurasisme est une révolte contre l’Occident libéral-universaliste, pas contre l’Occident civilisationnel.

Ses piliers :

  • refus de l’individualisme abstrait,
  • critique de l’universalisme des droits,
  • centralité du peuple, de la terre, de la tradition,
  • primauté du politique sur l’économique.

👉 Ce que l’eurasisme combat, ce n’est pas Rome ou Athènes.
C’est Bruxelles et Davos.


III. LA QUATRIÈME THÉORIE POLITIQUE : UN ANTI-LIBÉRALISME RADICAL

La “quatrième théorie politique” de Douguine est claire :

  • le libéralisme a vaincu le fascisme et le communisme,
  • il est devenu hégémonique,
  • et donc mortifère.

Elle appelle à dépasser :

  • l’individu abstrait,
  • le marché comme fin ultime,
  • la démocratie procédurale sans peuple réel.

👉 C’est ici que naît le malentendu occidental :
Douguine est lu comme ennemi parce qu’il refuse l’hégémonie libérale, non parce qu’il refuse l’Occident.


IV. LE CHOC : LE RETOUR D’UN OCCIDENT IMPÉRIAL AMÉRICAIN

C’est ici que le paysage change.

Le trumpisme, le vanceisme, le retour de la souveraineté américaine, la verticalisation du pouvoir, la fin du messianisme démocratique exportable…
tout cela brouille les lignes traditionnelles.

Un nouvel Occident apparaît :

  • non universaliste,
  • non moraliste,
  • non missionnaire,
  • fondé sur la puissance, la frontière, l’intérêt national.

👉 Un Occident redevenu impérial, et non post-historique.

C’est précisément cet Occident-là que Douguine observe désormais avec un intérêt ambigu.


V. DOUGUINE FACE AU NOUVEL EMPIRE US : HOSTILITÉ OU LUCIDITÉ ?

Contrairement à la caricature, Douguine n’est pas aveugle.

Il comprend que :

  • l’ennemi principal n’était pas l’Amérique comme civilisation,
  • mais l’Amérique comme vecteur du libéralisme global.

Or cette Amérique-là est en train de muter.

👉 Un empire occidental souverainiste, enraciné, assumant la conflictualité, n’est plus l’ennemi naturel de l’eurasisme.

Il devient :

  • un rival stratégique,
  • parfois un miroir,
  • parfois même un contrepoids utile face à la Chine.

VI. LE DILEMME EURASISTE : CHINE OU OCCIDENT ?

C’est ici que la fracture apparaît.

L’eurasisme s’est longtemps pensé comme un bloc continental anti-atlantiste.
Mais la réalité géopolitique est plus rude :

  • la Chine est un empire technocratique,
  • centralisé, matérialiste,
  • indifférent aux traditions européennes,
  • expansionniste par le marché et la dépendance.

👉 Pour un eurasiste authentiquement civilisationnel, la Chine n’est pas un allié naturel.

Face à cela, un Occident impérial post-libéral redevient pensable comme adversaire respectable, voire partenaire tactique.


VII. POURQUOI CETTE POSITION DÉRANGE TOUT LE MONDE

Elle dérange :

  • les mondialistes occidentaux, car elle brise le récit du “bien contre le mal”,
  • les atlantistes libéraux, car elle distingue Occident et libéralisme,
  • certains nationalistes russes, car elle relativise l’anti-américanisme,
  • les sino-centrés, car elle limite l’axe Moscou-Pékin.

👉 Douguine devient alors inclassable — donc suspect.


VIII. COURROIE DE TRANSMISSION OU ÉCLAIREUR INTELLECTUEL ?

La vérité est plus simple — et plus dangereuse pour les récits établis.

Douguine n’est pas une courroie de transmission.
Il est un sismographe idéologique.

Il capte avant d’autres :

  • la fin du monde libéral,
  • le retour des empires,
  • la reconfiguration des alliances civilisationnelles.

👉 Son intérêt pour un Occident impérial renaissant n’est pas une trahison de l’eurasisme.
C’est une mise à jour.


⚖️ FORMULE DE SYNTHÈSE


🕯️ CONCLUSION : L’ÈRE DES BLOCS ADULTES

Nous entrons dans un monde où :

  • les empires se respectent ou s’affrontent,
  • les civilisations se reconnaissent,
  • les illusions universalistes s’effondrent.

Dans ce monde-là, Douguine n’est ni un gourou ni un traître.
Il est un penseur de transition, parfois excessif, souvent brutal, mais rarement naïf.

👉 L’émergence d’un nouvel Occident impérial force les eurasistes à choisir :
l’idéologie figée ou la lucidité stratégique.

Et ce choix-là, qu’on l’approuve ou non,
est le signe le plus clair que l’Histoire — la vraie — a définitivement repris ses droits.

**EURASISME À L’HEURE DU NOUVEL OCCIDENT

CONVERGENCE IMPOSSIBLE OU RIVALITÉ STRUCTURANTE ?**

Quand l’anti-mondialisme ne suffit plus à définir un camp


Le monde qui vient ne sera pas celui des alliances idéologiques.
Il sera celui des blocs adultes, conscients de leurs intérêts, de leurs limites et de leurs lignes rouges.

Dans ce monde-là, l’eurasisme — tel qu’il a été formulé depuis trente ans — se heurte à une question qu’il avait longtemps évitée :
👉 que devient l’anti-occidentalisme quand l’Occident cesse d’être libéral ?

C’est cette question, plus que les déclarations d’Alexandre Douguine, qui fracture aujourd’hui le camp eurasiste.


I. L’EURASISME COMME PRODUIT D’UN OCCIDENT HÉGÉMONIQUE

L’eurasisme s’est structuré dans un contexte précis :

  • un Occident triomphant,
  • libéral, moraliste, universaliste,
  • exportant ses normes sous couvert de droits humains,
  • confondant marché, morale et civilisation.

Dans ce cadre, l’eurasisme avait une fonction claire :
👉 opposer la pluralité des civilisations à l’uniformisation libérale.

Mais cette fonction reposait sur un présupposé :

  • l’Occident resterait libéral,
  • l’Amérique resterait missionnaire,
  • l’Atlantisme resterait idéologique.

Ce présupposé n’est plus valide.


II. LE NOUVEL OCCIDENT : FIN DE L’UNIVERSALISME, RETOUR DE L’INTÉRÊT

Le nouvel Occident qui émerge — principalement américain — ne promet plus :

  • la démocratie universelle,
  • l’effacement des frontières,
  • la gouvernance morale globale.

Il parle désormais :

  • d’intérêt national,
  • de puissance industrielle,
  • de sécurité énergétique,
  • de frontières assumées,
  • de rivalités durables.

👉 Ce basculement désoriente l’eurasisme.

Car il devient difficile de continuer à définir l’Occident comme l’ennemi métaphysique principal.


III. L’ANTI-LIBÉRALISME N’EST PAS UNE ALLIANCE

C’est ici que se situe l’erreur d’analyse la plus fréquente.

Être anti-libéral ne signifie pas :

  • être pro-russe,
  • être pro-chinois,
  • être anti-occidental par principe.

👉 L’anti-libéralisme est une critique.
Pas une coalition.

Or une partie de l’eurasisme a confondu :

  • opposition idéologique,
  • et alignement géopolitique automatique.

Cette confusion devient intenable quand les lignes bougent.


IV. LA CHINE : ALLIÉ PAR DÉFAUT OU PIÈGE STRATÉGIQUE ?

Le grand non-dit eurasiste concerne la Chine.

La Chine n’est pas :

  • une civilisation européenne,
  • un empire spirituel,
  • un défenseur des traditions.

C’est :

  • un empire technocratique,
  • matérialiste,
  • utilitariste,
  • expansionniste par la dépendance économique.

👉 Pour un eurasiste civilisationnel, la Chine pose un problème plus profond que l’Occident impérial renaissant.

Mais reconnaître cela oblige à revoir toute la cartographie des ennemis et des alliés.


V. RIVALITÉ CIVILISATIONNELLE OU PARTENARIAT TACTIQUE ?

Face à un Occident post-libéral, deux options se dessinent pour les eurasistes :

Option 1 : la rivalité structurante

  • reconnaissance d’un Occident redevenu empire,
  • acceptation d’une compétition durable,
  • refus de l’idéologie, primat du rapport de force.

Option 2 : le partenariat tactique

  • convergences ponctuelles contre le mondialisme,
  • coordination limitée face à la Chine,
  • respect mutuel des sphères d’influence.

👉 Aucune de ces options n’est confortable.
Mais l’époque n’est plus au confort idéologique.


VI. POURQUOI L’EURASISME SE DIVISE

Ce moment crée une fracture interne :

  • les eurasistes doctrinaires,
    attachés à l’anti-occidentalisme comme identité fixe ;
  • les eurasistes stratèges,
    prêts à reconfigurer leur lecture du monde.

👉 Ce clivage n’est pas intellectuel.
Il est existentiel.

Il oppose la fidélité à un récit
à l’adaptation à une réalité mouvante.


VII. L’ILLUSION D’UN BLOC ANTI-OCCIDENTAL UNIFIÉ

Le fantasme d’un “Sud global” homogène,
d’un axe Moscou-Pékin-Téhéran idéologiquement cohérent,
ne résiste pas à l’analyse froide.

Les intérêts divergent.
Les temporalités s’opposent.
Les civilisations ne fusionnent pas.

👉 Les blocs ne se forment pas par affinité idéologique,
mais par compatibilité stratégique.


VIII. CE QUE RÉVÈLE CE MOMENT

Ce moment révèle une vérité simple et brutale :

👉 Le monde n’est plus organisé autour d’une idéologie dominante,
mais autour de plusieurs pôles adultes, conscients de leur finitude.

Dans ce monde-là :

  • l’eurasisme doit évoluer,
  • l’anti-occidentalisme automatique devient une faiblesse,
  • la lucidité remplace la posture.

⚖️ FORMULE DE SYNTHÈSE


🕯️ CONCLUSION : LE TEMPS DES GÉOPOLITIQUES SANS ILLUSION

L’eurasisme n’est pas condamné.
Mais il est sommé de mûrir.

Soit il reste prisonnier d’un anti-occidentalisme réflexe,
au risque de devenir l’auxiliaire stratégique d’empires qui ne partagent ni son histoire ni ses valeurs.

Soit il accepte que l’Occident puisse redevenir un rival légitime,
et non un ennemi métaphysique.

👉 Dans les deux cas, l’époque des slogans est terminée.

Le monde entre dans une phase où les civilisations ne cherchent plus à se convertir,
mais à se mesurer.

Et dans ce monde-là,
les idéologies figées ne survivent pas longtemps.

Pourquoi ce choix :

  • Lent, massif, inexorable : comme les plaques civilisationnelles qui s’affrontent.
  • Une musique sans lyrisme facile, mais chargée de fatalité historique.
  • Aucun pathos : seulement le poids du temps, de l’Empire, de la décision.
  • Parfait pour illustrer Douguine non comme polémiste, mais comme sismographe de l’Histoire.

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2 réponses »

  1. ☠️ DOUBLE ARTICLE — LE BLOG À LUPUS
    👉 Lien en commentaire

    **DOUGUINE, EURASISME, NOUVEL OCCIDENT :

    QUAND LES BLOCS CESSENT DE SE MENTIR**

    Ces deux textes affrontent une question devenue incontournable :

    👉 Que devient l’eurasisme quand l’Occident cesse d’être libéral sans cesser d’être occidental ?

    Alexandre Douguine n’est ni un gourou du Kremlin ni une caricature médiatique.
    Il est le révélateur d’un moment plus large : la fin des camps idéologiques figés et le retour des empires adultes, conscients de leurs intérêts et de leurs limites.

    L’Occident post-libéral qui émerge n’est plus un missionnaire.
    La Chine n’est pas un allié civilisationnel.
    L’anti-mondialisme ne suffit plus à structurer un camp.

    Quand l’ennemi change de visage,
    continuer à penser comme avant devient une faiblesse.

    📌 Lecture conjointe recommandée
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