Charles Gave est l’un des plus brillants économistes et analystes au monde….Il est français mais exilé aux US depuis maintenant plusieurs années car il souffre de défauts jugées rédhibitoires en matière économique dans notre beau pays : il n’est pas marxiste, il n’est pas keynésien, il n’est pas antiaméricain et il n’est pas libertarien tendance école autrichienne…En bref c’est un monétariste tendance Milton Friedman et un business économiste de tout premier plan…En France il contribue de manière très régulière au Journal des Finances et demeure un grand pourfendeur devant l’éternel du système Euro et un adversaire acharné de l’ « IGNORAMUS TRICHET »….. Voici le 17ème volet d’une série de billets qui lui sont consacrés….
« Les grands problèmes économiques sont toujours créés par des erreurs, au nombre de 5 : une guerre ; une hausse des impôts (qui amène une aggravation du déficit budgétaire) ; une poussée protectionniste ; une augmentation des règlementations ; une erreur de politique monétaire. »
EN SAVOIR DAVANTAGE :
PAR CHARLES GAVE | JDF HEBDO | 29.08.2009
Pendant toute mon enfance, je suis rentré en classe le 14 septembre, jour de mon anniversaire, ce qui devrait être suffisant pour expliquer ma détestation.
Qui plus est, depuis que je travaille dans les marchés financiers, c’est-à-dire depuis février 1971, les mois de septembre ont presque toujours été abominables en Bourse. C’est pendant ce mois-là que j’ai ramassé les plus belles gamelles de ma carrière.
Que le lecteur en juge (tous les calculs ont été effectués compte non tenu des dividendes).
Début 1970, le CAC 40 était à 322 ; aujourd’hui, il est aux environs de 3.600. L’indice a donc été multiplié par 11 depuis 1970, ce qui correspond à une hausse moyenne d’environ 0,7 % par mois. C’est donc dire qu’historiquement la majorité des mois ont enregistré des hausses, parfois fort substantielles.
Ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout le cas des mois de septembre.
Depuis 1970, il n’y a pas eu une seule décennie qui ait connu une majorité de septembre en hausse. En général, nous avons six septembres en baisse, contre trois ou quatre en hausse.
La performance moyenne des septembres pour chaque décennie a été la suivante :
1970 : – 1,5 %, (6 septembres en baisse, 4 en hausse),
1980 : – 1 % (6 septembres en baisse, 4 en hausse),
1990 : – 1 % (5 septembres en baisse, 5 en hausse),
2000 : – 5 % (6 septembres en baisse, 3 en hausse).
Depuis 1970, la performance moyenne de celui qui achetait fin août et vendait fin septembre a été de – 2,125 %, c’est-à-dire qu’il a perdu de l’argent de façon régulière, ce qui est proprement stupéfiant quand on sait que le marché a été multiplié par 11 pendant cette période…
Pourquoi ce bizarre aspect saisonnier des marchés ? Je n’en ai pas la moindre idée. Ce que je sais, toutefois, c’est que chaque année je vois arriver septembre avec un gros frisson d’angoisse. Je me demande chaque fois ce qui va me tomber dessus…
Pour le lecteur du Journal des Finances, et en termes pratiques, qu’est-ce que cela veut dire ?
Les marchés viennent de connaître une hausse sensible depuis les plus bas atteints en mars. Ceux qui ont su profiter de cette hausse peuvent soit lever un peu de cash en vendant les actions qui les ont déçus (c’est une règle d’or de la gestion : il faut toujours vendre ce qui a baissé et rarement ce qui a monté, faute de quoi au bout de quelque temps on se retrouverait avec en portefeuille tous les mauvais choix, s’étant débarrassé avec soin de tous les bons investissements…), soit rester tranquilles.
Pour les autres, il nous semble urgent d’attendre avant de réinvestir. Historiquement, il est en effet beaucoup plus sage d’attendre le 15 octobre pour augmenter les positions, plutôt que de le faire le 31 août.
Encore une fois, je ne sais pas très bien pourquoi ce phénomène saisonnier existe, mais investisseur rincé craint l’eau froide.
Perdre de l’argent ne me semble pas être un cadeau d’anniversaire particulièrement intéressant, aussi ai-je tendance à carguer les voiles quand arrive le temps des vendanges. Je redeviendrai probablement beaucoup plus positif vers la mi-octobre, me réservant la possibilité d’abreuver à nouveau les lecteurs de conseils d’achat à ce moment-là. Tant pis si je dois rater tout ou partie d’une hausse qui se produirait entre fin août et mi-octobre…
BLIET PRECEDENT : Charles Gave : Les fardeaux s’empilent (CLIQUEZ SUR LE LIEN)
harles Gave – né en 1941, il est économiste spécialiste des marchés financiers. Il a reçu un PhD en économie de l’Université de Chicago où il fut l’élève de Milton Friedman. Après avoir commencé sa carrière comme analyste financier dans une banque d’affaires française, il crée en 1974 une entreprise de recherche économique indépendante, Cecogest. En 1986, il diversifie son activité vers la gestion de portefeuille et devient le cofondateur de Cursitor-Eaton Asset Management, qui est ensuite vendu en 1995 à Alliance Capital. C’est en 1995 que Charles Gave crée Gavekal Research, Gavekal Capital et Gavekal Securities, trois entreprises dont le siège est aujourd’hui à Hong Kong.
EN COMPLEMENT INDISPENSABLE :
Les effets saisonniers de la Bourse
Les meilleurs mois de l’année pour détenir des actions vont de novembre à avril, alors que les pires mois pour le rendement des actions vont de mai à octobre.
Un adage à Wall Street, vieux comme le monde, dit ceci: “Sell in May, then go away”, qu’on pourrait traduire par “vendre en mai, pour mieux profiter de l’été”. L’idée est simple : elle stipule que les meilleurs mois de l’année pour détenir des actions vont de novembre à avril, alors que les pires mois pour le rendement des actions vont de mai à octobre. Pour l’investisseur québécois la consigne est facile à suivre, il faut acheter dès la première neige, et vendre dès que la dernière a fondu.
Des statistiques compilées par le Stock Trader’s Almanac, dans son édition 2000, montraient des rendements assez contrastés entre les mois de l’été (du 1er mai au 31 octobre) et les mois de l’hiver (1er novembre au 31 avril). L’investisseur qui aurait placé, il y a 49 ans, 10,000$ dans les titres du S&P 500 pour les seuls mois d’hiver aurait réalisé un gain de 340,250 dollars, alors que celui qui aurait placé ce même 10,000$, mais seulement durant les mois d’été, aurait obtenu un pauvre profit de 11,138$ pour tout ce demi siècle.
Pour la période qui va de 1950 à 1998, le rendement de l’indice S&P 500 a été de 1,88% durant nos six mois les plus chaud, alors qu’il a fait du 7,93% durant les mois les plus froid. Ainsi, 10,000$ placé dans le S&P 500 pour les “six mois d’été” valait 21,138$ après 48 ans, alors que le même montant, sur la même période, valait 350,250$ lorsqu’il était investi seulement dans les “six mois d’hiver”.
Michael O’Higgins, auteur du best-seller Beating the Dow, parle dans son livre de l’indicateur de l’Halloween. Cet indicateur pose comme principe que le meilleur moment pour acheter des actions est à la fête de l’Halloween, car c’est à partir du 31 octobre (et jusqu’au 30 avril) que les titres boursiers donnent le maximum de leur rendement.
En concentrant votre portefeuille sur le marché boursier pour ces six mois de l’année, et en plaçant tout votre actif sur le marché monétaire pour les autres six mois, vous devriez profiter de la période où les gains sont les plus forts, et vous éviterez les mois où le marché a tendance à végéter.
Entre 1925 et 1989, explique O’Higgins, quelque 85% des gains en capital de l’indice Dow Jones ont été réalisés de novembre à avril. C’est pourquoi, disent certains, il vaut mieux, pour le reste de l’année, compter sur les bons du Trésor plutôt que sur les titres boursiers pour augmenter son rendement.
Au Canada, le magazine torontois Report on Business a observé un effet saisonnier significatif sur les marchés boursiers canadiens, mais moins radical que ce qu’on observe aux États-Unis ou en Europe. En effet, le rendement du TSE 300, au cours des 43 dernières années, a permis de faire passer un capital de 1,000$ à 16,873$. Par contre, l’investisseur qui n’a placé son argent sur le marché des actions que durant les mois d’hiver (1er novembre au 31 avril), a réussi à récolter un joli magot de 25,716$ avec son 1,000$ initial. Pour toute cette période qui va de 1956 à l’an 2000, les mois d’été ont généré une perte cumulative de 34,4% aux portefeuilles en actions des investisseurs canadiens.
L’effet janvier
Une phrase célèbre de Mark Twain, tiré de l’un de ses romans, dit à peu près ceci: “Octobre est un des moins les plus dangereux pour jouer à la Bourse. Les autres sont juillet, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février”. En bout de ligne il n’y que janvier, selon twain, qui est un mois assez sûr pour spéculer en Bourse. Les études universitaires confirment cette constatation que le grand romancier et les investisseurs pouvaient faire à son époque.
Le phénomène cyclique le plus étrange et énigmatique dans le comportement des cours boursiers est de loin l’effet janvier. Janvier, en effet, est le mois où les valeurs boursières, notamment les titres de faible capitalisation, réalisent les gains les plus appréciables dans toute l’année.
Selon Jeremy Siegel, auteur de l’excellent et classique “Stocks for the long run”, plus de 20% du rendement des titres de grande capitalisation se passe en janvier, alors que pour les titres de petites capitalisations c’est plus de 40% de leur rendement annuel qui est réalisé en janvier seulement.
Mais que se passe-t-il de si particulier dans le comportement des investisseurs et dans le rapport entre l’offre et la demande pour que janvier soit si “prolifique”? Selon certains chercheurs, c’est pour des raisons fiscales qu’il est courant de voir les investisseurs américains, institutionnels ou individuels, se débarrasser des valeurs qui ont subi une dépréciation en cours d’année et pour lesquels ils peuvent demander un crédit d’impôt.
Si la pression pour se débarrasser de cette catégorie de titres est suffisamment forte en décembre, les prix devraient temporairement diminuer. En retour, on peut présumer que ces actions afficheront de meilleures performances que l’ensemble du marché dans les quelques semaines de janvier qui marquent le début de la nouvelle année. Pourquoi? Parce que rapidement les investisseurs se précipiteront sur ces titres négociés en bas de leur valeur réelle, les achèteront et feront monter leurs cours de manière substantielle en quelques semaines seulement.
Un effet saisonnier associé au mois de janvier a aussi été observé dans d’autres pays que les États-Unis. Toutes les principales places boursières du monde connaissent un effet janvier, y compris le Canada.
Outre des raisons fiscales, les chercheurs ont tenté d’expliquer ce phénomène saisonnier à la Bourse pour deux autres raisons. La première est relative à l’entrée de liquidités pour plusieurs petits investisseurs – gestionnaires, cadres, représentants, professionnels, etc. – sous formes de dividendes et de bonus de fin d’année, leur permettant d’acheter des actions en janvier et de faire monter la demande.
La seconde est liée à l’attitude des fonds de placement qui consiste à se débarrasser, en fin d’année, des titres qui ne répondent pas à leurs attentes, pour ainsi se donner un rapport annuel (moyen de promotion important pour les clients) qui ne montre que les bons investissements effectués par les gestionnaires. Après ce coup de balai, qui voit la liquidité des fonds augmenter en fin d’année, les gestionnaires réinvestiraient, immédiatement en janvier, les sommes perçues à la fin de l’année précédente, d’où une augmentation considérable de la demande en titres boursiers en janvier, et l’augmentation des cours qui l’accompagne.
L’effet septembre
Si les mois d’hiver sont si profitables à la bourse, c’est surtout en raison de l’effet janvier. Mais si les mois d’été sont si décevants, c’est d’abord à cause du mois de septembre. Il y a 125 ans, Mark Twain n’était pas trop loin de la vérité en disant qu’octobre est un mois dangereux pour les investisseurs boursiers. Selon les données compilées par Jeremy Siegel, les 100 dernières années nous montrent que septembre est le seul mois de l’année qui donne un rendement cumulatif négatif, suivi de près par le mois d’octobre, qui a un triste record en termes de corrections et de krach boursiers.
Selon Siegel, un dollar investi dans les titres de l’indice Dow Jones en 1890 valait 179,74$ à la fin de 1996 (dividendes exclus). Par contre, un dollar investi dans le Dow Jones, mais seulement pour les jours de septembre, ne valait que 26 cents en 1996, 106 ans plus tard. Par opposition, l’investisseur qui aurait eu le génie de placer son argent en Bourse pour tous les mois de l’année sauf en septembre, récoltait un capital de 681,92$ à la fin de 1996. En sortant votre argent de la Bourse lors des jours de septembre, vous arriviez à accumuler un magot près de 4 fois plus gros que si vous aviez des positions à l’intérieur de ce mois maudit.
La performance plus que décevante du mois de septembre n’est pas qu’un phénomène américain. Il a été observé dans plus de 20 pays dans le monde, nous dit Siegel. Selon lui, la seule hypothèse que nous avons pour l’instant pour comprendre ce phénomène est celle des besoins en liquidités des individus lorsqu’ils ont à payer pour leurs vacances d’été.
Titres cycliques et titres de croissance
La presse financière rate rarement l’occasion de parler des effets saisonniers sur la Bourse quand arrive l’été. Dans un article récent paru dans le Wall Street Journal, le journaliste expliquait que l’effet des saisons sur la Bourse est lié aux fluctuations de nos activités selon les saisons. Les investisseurs sont très optimistes en début et en fin d’année, alors que l’été est un temps mort où ils cessent de faire des anticipations sur l’année en cours, alors qu’ils n’ont pas encore commencé à faire des projections pour la prochaine année. Mais cela ne signifie pas pour autant que vous devez tout vendre vos actions en mai, pour vous réfugier dans les bons du Trésor. Certaines précautions s’imposent toutefois. Par exemple, certains soutiennent qu’il n’est pas recommandé de détenir des titres cycliques durant l’été, tel le géant de l’aluminium Alcoa, très sensible aux mouvements généraux de l’économie. Ces titres font bien en début d’année, mais au fur et à mesure que l’année avance, les analystes deviennent plus conservateurs quant aux prévisions des bénéfices de ces compagnies, et les prix des valeurs cycliques s’en ressentent. Au même moment, les investisseurs deviennent moins optimistes quant à la force des cycles de croissance de l’économie.
En bout de ligne, tout dépend de votre style d’investissement. Si vous êtes un investisseur de long terme avec une philosophie de buy-and-hold (acheter pour conserver), il n’y a pas de raisons de vendre des titres de votre portefeuille cet été (ou en septembre). Si vous croyez que vous avez misé sur des entreprises solides, avec une bonne équipe de gestion et de bons produits à vendre, il est aussi impératif de détenir ces titres l’été que l’automne, l’hiver ou le printemps.
Chronique de André Gosselin parue dans F AND I le 30/6/2009
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