Fini la grande peur de la dette souveraine. Exit les craintes de resserrement monétaire.
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Si l’on excepte la fermeture du marché chinois pour congés, l’événement marquant de la semaine dernière est venu de la hausse surprise du taux d’escompte de la Réserve fédérale américaine. L’annonce est intervenue jeudi après la fermeture des marchés.
La crise de la dette souveraine grecque, vedette des semaines précédentes, n’a, quant à elle, pas connu de nouveaux développements significatifs. Les révélations sur les truquages comptables auxquels ce pays, et d’autres, a eu recours n’ont guère eu de prolongement.
Il est vrai que tout le monde sait que les comptes des États ne donnent pas une valeur exacte de la réalité de leurs engagements.
Dans des marchés dominés par le court terme, une nouvelle chasse l’autre, l’amnésie fait son oeuvre.
C’est là-dessus que les autorités comptaient en se donnant un mois de délai, et elles ont eu raison.
Mauvaise surprise ne veut pas dire mauvaise performance.
Ainsi, les marchés d’actions ont enregistré des gains pour la deuxième semaine consécutive.
Après 0,9% la semaine au 12 février, le S & P500 a gagné 3% la semaine au 19.
Ce sont les bonnes nouvelles de sociétés qui ont servi de prétexte à la hausse en début de semaine.
Par la suite, un recul du dollar a pris le relais. Il a stimulé les commodities et les valeurs qui leur sont reliées. Du côté économique, les indications sont plutôt contradictoires avec quelques points favorables du côté des apparences du secteur du logement; mais des chiffres décevants du côté des inscriptions au chômage, du côté des prix à la production et du côté des indicateurs avancés, les leading indicators.
L’indice des prix à la consommation publié en fin de semaine avec une hausse de 0,2% en global et une baisse de 0,1% hors alimentation et énergie, n’a pas retenu l’attention. Il a été considéré comme bénin et plutôt positif.
Derrière cet indice, on retrouve la grande question, la grande ligne de partage de l’investissement: déflation ou inflation?
Sur les autres marchés d’actions dans le monde, la tendance a été à l’unisson, la hausse l’a emporté.
La Chine étant fermée, elle n’a pas joué les troubles fêtes. L’Europe s’est ressaisie. Les émergents ont progressé à l’exception de l’Inde.
La tendance a été clairement à la hausse des taux sur l’obligataire et les fonds d’Etat avec ici et là des tensions sur les spreads. On retiendra surtout que les émissions de dettes sont très ralenties, voire stoppées. Ceci contraste singulièrement avec la débauche d’émissions connue les semaines précédentes.
Le marché est à nouveau grippé.
Du côté des changes, la hausse du dollar a été interrompue. Le Dollar Index n’a gagné que 0,4%. Les commodity currencies ont été recherchées tandis que l’euro en a appelé de la faiblesse qui avait été provoquée par les incertitudes sur la solidité de l’Union.
En un mot comme en cent, disons, pour résumer, que la semaine dernière a été marquée par une nette inversion de tendance, de climat et de sentiment.
La fuite devant le risque a été interrompue.
Le grand Reflation Trade a repris le dessus. Finie la grande peur de la dette souveraine, finies les craintes de resserrement monétaire, place à la croissance, à l’inflation et bien sûr au jeu.
A tout seigneur, tout honneur, s’il fallait une confirmation à la validité de ce résumé, la voici: l’index GSCI des matières premières a fait un bond de 5,3%. Le cuivre a gagné 8%, l’argent 6%, le pétrole 6%, l’or 2,5%.
La lecture des marchés est facile.
Nous venons de la faire et elle ne prête à aucune ambiguïté.
Tout converge vers une même interprétation: c’est le grand retour du Reflation Trade, le grand retour du goût du risque. Une sorte de tentative de reprendre l’ouvrage là où on l’avait laissé avant la venue de la bonne correction de près de 10% qui est intervenue à la mi-janvier.
Bonne lecture ne veut pas dire déchiffrage et interprétation faciles.
Au niveau des apparences, tout plaide en faveur d’une reprise de la tendance haussière.
On a monté jusqu’à la mi-janvier.
On a conquis les objectifs techniques fixés, à savoir la zone des 1140-1150 au S & P500. Ensuite on a cassé à la baisse et consolidé comme à la parade ou comme dans les livres d’école avec une purge de 10% ou juste un peu en-dessous. C’est la norme après une belle avance dans un bull-market. Puis on a trouvé le soutien logique, évident et solide, de la moyenne mobile longue. C’est sur cette moyenne mobile des 200 bourses qu’est intervenu le rebond, zone des 1040.
A partir de là, la messe était dite, un comportement aussi net, aussi conforme à l’enseignement technique ne peut qu’inspirer confiance. Et c’est tout à fait logiquement que la hausse, à partir de là, a pu se développer.
Jusqu’où? Telle est évidemment la question. Et la réponse est claire, on peut aller jusque 1105/1110.
On peut d’autant plus la donner en toute sécurité… qu’à l’heure où nous écrivons, nous y sommes déjà.
Le potentiel de reprise sans risque était à ce niveau et ce niveau a été atteint en deux temps trois mouvements.
Ce qui est bien la preuve que la concurrence est vive, qu’il y a beaucoup de monde à table et qu’il n’y a pas beaucoup de «free lunch». Le parcours qui paraissait à peu près assuré sans risque a été effectué. Déjà, en quelques jours, les marchés se retrouvent dans une zone d’incertitude.
On avait cassé à la baisse, mi-janvier, avec de gros volumes convaincants; on s’est repris de façon tout aussi convaincante à la mi-février. Et l’on n’en sait pas plus. Les marchés ne disent rien, ils ne préfigurent rien. Va t-on assister à la reprise de la grande tendance haussière qui est née le 9 mars ou bien est-on en train de construire une sinistre formation de retournement baissier? L’incertitude est totale. Elle règne tellement en maître que les indicateurs de sentiment, pour une fois, sont neutres. Il y a autant d’observateurs baissiers que d’observateurs haussiers, indiquent les baromètres habituels.
L’échec se lit dans les chiffres de l’inflation
Nous avons dit que nous reviendrions sur les chiffres de l’indice des prix à la consommation, le CPI américain.
La hausse des prix de janvier est de 0,2% en global soit 2,6% sur douze mois. L’inflation est positive grâce à l’énergie. Hors alimentation et énergie, la baisse des prix est de 0,1%.
La plupart des composantes du CPI Core sont en recul sauf la santé. Faut-il, comme les marchés et les médias, considérer cela comme positif ? Tout dépend des objectifs que l’on se donne.
Les marchés ne se donnent qu’un objectif, gagner de l’argent. Si l’inflation est bénigne, le laxisme monétaire peut durer et le Reflation Trade est assuré de ne pas manquer de carburant.
Si, en revanche, vous êtes régulateur ou gouvernement et que vous luttez désespérément, arc-bouté contre la déflation, vous avez du souci à vous faire. Vous venez de réaliser des efforts colossaux, vous venez de prendre des risques historiques pour créer une inflation suffisante et au bout de dix-huit mois, vous obtenez un résultat négatif de 0,1%! Taux d’intérêt zéro, doublement du bilan de la Banque Centrale, 13 trillions de soutien au secteur financier, 1,8 trillion de déficit fiscal, vous avez utilisé la bombe atomique de la régulation en quelque sorte et, en résultat, au bout de dix-huit mois, après une soi-disant reprise économique,vos prix montent de moins de 0,1%!
L’action de ceux qui conduisent les affaires doit être mesurée non pas à l’aune de l’approbation publique, mais à l’aune des choix qui ont été effectués. Et le choix qui a été fait, il faut le rappeler, est celui de la fuite en avant, celui de la poursuite des errements antérieurs.
Le choix qui a été fait est celui de l’inflation et de l’endettement.
D’inflation, il n’y a pas. Et il faut s’y préparer, il y en aura encore moins d’ici quelques temps quand les effets de la hausse du pétrole intervenue en 2009 se seront estompés. Quand les bases de comparaison des prix du pétrole redeviendront normales. L’inflation 2009 a été en quelque sorte «bonifiée» par le doublement des prix du pétrole, lequel avait baissé jusqu’à un plus bas en fin 2008 de 35$.
De reprise du crédit, il n’y a pas non plus. Depuis janvier, le crédit bancaire s’est contracté de 100 billions; c’est une baisse au rythme annuel de 16%. Depuis le début de la crise, c’est 740 billions de crédit bancaire qui ont disparu.
Une amputation de 10% de l’encours total. Sur les trois derniers mois, la masse monétaire large M3 s’est réduite au rythme de 5,6% l’an. Comme le dit le dernier communiqué du FOMC «le crédit bancaire continue de se contracter».
Souvenez-vous, le grand leitmotiv des régulateurs, repris par les gouvernements, était la relance du crédit. C’est pour cela qu’ils ont sauvé le système bancaire en le laissant en l’état. C’est pour cela qu’ils se sont permis de détruire la rémunération de l’épargne.
Le résultat, ou plus exactement l’échec, se lit dans ces deux chiffres: celui de l’inflation, celui du crédit. Le rendement de l’investissement, du sacrifice, devrait-on dire, réalisé par les contribuables et les épargnants, présents et futurs, ce rendement est dérisoire.
Fondamentalement, la machine reste bloquée.
Et pour cause, elle est empêtrée dans le surendettement et la mauvaise allocation des ressources.
Effrayés par leur propre audace, les responsables sont en train d’essayer de corriger leurs erreurs: ils cherchent une porte de sortie, ils cherchent la fameuse «Exit» des politiques de stimulation. Une erreur de plus car c’est le moment le plus mal choisi. Ils risquent de remettre en cause les maigres résultats obtenus.
Quand le vin est tiré, il faut le boire. Les demi mesures conduisent à des catastrophes pleines.
Une voie a été choisie il y a dix-huit mois, il faut l’assumer, il faut avoir le courage de la suivre jusqu’au bout. S’arrêter, rebrousser chemin n’est plus possible sauf à gaspiller les ressources colossales qui ont été engagées dans le pari de la fuite en avant. Quelquefois la cohérence et la persévérance dans l’erreur sont les meilleurs choix. (BBZ)
BRUNO BERTEZ agefi fev10
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