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La grande bataille de sièges au FMI par Henri Schwamm

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La grande bataille de sièges au FMI par Henri Schwamm 

Les Etats-Unis entendent modifier la composition du directoire au profit des pays émergents. Les pays industrialisés en sont tous d’accord, mais aucun ne veut céder sa place.

PLUS DE SIEGE EN SUIVANT :

Les Américains ne sont pas contents. À leurs yeux, la réforme du Fonds monétaire international (FMI) avance trop lentement. Pour manifester leur mauvaise humeur, ils viennent, à la surprise générale, de refuser d’apporter leur suffrage à une résolution (pourtant régulièrement soumise au vote depuis 1992) qui a pour unique objet de confirmer le nombre de 24 membres que compte le directoire exécutif du FMI (alors que les statuts du FMI le fixent à seulement 20 membres).

Le directoire exécutif est responsable pour les affaires courantes de l’organisation. Son mandat prend fin le 31 octobre prochain. La Suisse occupe un des 24 postes de directeur. Elle préside un groupe de droits de vote comprenant la Pologne, la Serbie et l’Ouzbékistan. Son influence se fait surtout sentir dans l’examen de questions techniques. Elle se manifeste aussi dans la rédaction des rapports nationaux. Elle a encore eu son mot à dire dans la création d’une unité indépendante chargée d’évaluer le FMI.

Les Etats-Unis entendent modifier la composition du directoire au profit des pays émergents. Les pays industrialisés en sont tous d’accord, mais aucun ne veut céder son siège. Sont avant tout dans le collimateur américain les sièges des plus petits pays de l’Union européenne: ceux de la Belgique et des Pays-Bas. L’Espagne, qui échange périodiquement le sien avec le Mexique, pourrait se maintenir. L’Italie préside un groupe comprenant le Portugal et la Grèce. Quant à l’Allemagne, à la France et à la Grande-Bretagne, ils font partie, avec les Etats-Unis et le Japon, des cinq grands du FMI et sont à ce titre pratiquement inamovibles.

Si les Etats-Unis maintiennent leur position, c’est la variante des 20 membres qui entre automatiquement en vigueur. Et qui sonnerait le glas des plus petits groupes de pays à l’occasion du prochain vote: Brésil, Inde, Argentine, Rwanda. Les pays de ces groupes devraient ainsi se trouver une nouvelle «patrie» (pays hôte). Mais comment peut-on croire que dans ce cas de figure des grands pays émergents comme le Brésil ou l’Inde se contenteraient de se joindre à des groupes existants? Ils n’accepteraient pas d’être représentés par d’autres et ne manqueraient donc pas de revendiquer des sièges pour eux-mêmes. On voit d’ici la situation chaotique dans laquelle se trouverait le FMI à l’issue d’un vote aussi disputé.

Comment sortir de l’impasse? Les spéculations vont bon train. Les Européens pourraient faire un pas vers les Américains en leur proposant de libérer un ou deux sièges dans deux ans. En échange, les Américains pourraient consentir à voter quand même la résolution litigieuse.

Même si les Américains ne semblent pas pour le moment menacer le siège suisse, la Confédération ferait quand même bien de prendre ses précautions et de mobiliser ses canaux diplomatiques pour mettre le siège suisse à l’abri de toute mauvaise surprise. Imagine-t-on ce qui pourrait advenir de ce siège si les Etats-Unis et l’Union européenne, réconciliés pour la circonstance, décidaient de concert de n’en faire qu’une bouchée? Le Parlement fédéral aura heureusement un mot peut-être décisif à dire. C’est en tout cas lui qui devra ratifier – ou non – une ligne de crédit de la BNS de 17,5 milliards de dollars en faveur du FMI. Il est libre de ne l’approuver que si la Suisse peut conserver son siège au FMI et faire ainsi valoir son influence dans cette organisation dont l’action est évidemment majeure pour l’avenir de l’économie mondiale.

Henri Schwamm  Université de Genève aout10

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