Art de la guerre monétaire et économique

L’Édito du 12 Septembre : Les marchés sont orphelins par Bruno Bertez

L’Édito :  Les marchés sont orphelins par Bruno Bertez 

Lundi matin, 12 septembre 2011, les marchés européens ajoutent 3 à 4 % à leurs pertes de la semaine précédente….

 

   Nous vous rappelons que, la semaine dernière, la chute européenne avait été lourde sous la conduite du Dax, lequel a été amputé de 6,2%. Nous avançons l’idée que les marchés sont en train de prendre conscience qu’ils sont orphelins. Nous suggérons aussi que ce n’est pas plus mal, il faut bien, un jour ou l’autre, se prendre par la main et faire ses premiers pas sans béquilles.

Le dollar est recherché,  le Dollar Index est à 77,54 avec une parité euro contre dollar de 1,3558.

Le flux des nouvelles est catastrophique, à un point tel que l’on peut s’interroger sur la question de savoir si , en Europe, certains ne jouent pas eux aussi la politique du pire.

Political

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

La semaine dernière, Jurgen Starck du Comité Exécutif de la BCE a démissionné pour manifester son opposition aux achats de bonds italiens et espagnols par la BCE. Il a été soutenu par les Autrichiens et les Néerlandais, entres autres.

Schauble, de son coté, a jeté un pavé dans la mare en déclarant, sachant que cela serait repris et en toute connaissance de cause de l’impact de ses propos, que le sujet de la faillite grecque n’était plus tabou

Le même Schauble a enfoncé le clou de la position allemande en précisant que les marchés ne sont pas cause des problèmes, ce qui fait problème, ce sont les excès. Pour lui, il faut une nouvelle politique fondée sur une approche de long terme et non plus des stimulus de court terme. Il souhaite que l’on solidifie la stabilité financière pour gagner la confiance des marchés.

Des articles de la presse allemande alimentés au plus haut niveau font état d’un plan du gouvernement pour préparer et protéger les banques et le système financier du pays des conséquences d’un défaut grec.

Ainsi les Allemands mettent les points sur les « i », explicitent la position qui n’était que sous-jacente auparavant et ce faisant, délibérément, ils se font alliés des marchés pour accélérer et précipiter les choses; car qui parle de faillite et défaut ,en fait, cherche à précipiter et rendre inéluctables ces défauts, c’est évident.

Ce qui était clair pour les spécialistes uniquement auparavant, est exposé au grand jour, il n’est plus possible de nier et donc de revenir en arrière. C’est ce qui était et est recherché par les Allemands, Autrichiens, Néerlandais lesquels refusent d’aller plus loin dans l’accumulation des mesures soi-disant exceptionnelles en train de devenir récurrentes, puis permanentes.

D’une certaine manière, on peut avancer sans catastrophisme que des barrières sont en train de céder, des digues en train de s’effondrer. Nous pensons qu’il était temps et qu’il est même déjà bien tard. Ériger des barrières dont on sait qu’elles ne pourront résister est une erreur de gestion car en retardant une dislocation inéluctable, on aggrave à la fois la déflagration et l’ampleur des conséquences.

La division européenne est maintenant manifeste au sens fort du terme, avant elle n’était que latente.

Il n’y a pas que la division entre les États, il faut ajouter l’opposition entre les États et la BCE; cela a été l’un des points importants de la conférence de presse de Trichet la semaine dernière, à deux mois de son départ, il a déploré que les gouvernements n’aient pas pris conscience plus tôt de la gravité de la situation.

 Il a stigmatisé le benign neglect des politiciens. On ne peut qu’être d’accord avec Trichet, mais ce n’est pas une raison pour omettre ses responsabilités:

1 -dans la grande dérive du crédit voulue par les Américains, il a certes dénoncé le phénomène, mais il ne s’y est pas opposé. Il a parlé et non pas agi, préférant bénéficier indirectement du laxisme US, sans se rendre compte que la permissivité était telle que tout le monde, y compris l’Europe, allait être touché par la peste financière
2 – en 2010, il a commis l’erreur incroyable de se lancer dans des achats de bonds des PIIGS manifestement pourris, ce qui est venu s’ajouter à l’erreur antérieure des refinancements accordés aux banques de ces pays.

Quand on met le doigt dans le laxisme au détriment des principes, il n’y a pas d’échappatoires, le bras finit par y passer tout entier. C’est l’une des raisons de notre opposition radicale aux eurobonds. Ouvrir une nouvelle boite de Pandore n’est plus dans les moyens de l’Europe. A ce stade, après les erreurs accumulées, après les montants engagés, après le temps perdu, après la crédibilité disparue, l’Europe n’a plus qu’une ressource: préserver coûte que coûte un ancrage, un îlot de stabilité et c’est ce à quoi, à notre avis, s’est ralliée l’Allemagne. Mieux vaut se couper un bras tant qu’il est encore temps.

On ne peut plus compter sur l’activisme des banques centrales, parallèlement on ne peut tabler sur l’activisme des gouvernements, les remèdes keynésiens se sont avérés inefficaces, ils ont atteint leurs limites; les marchés, si l’on excepte ce qui reste de marges de manœuvre aux Etats-Unis, sont orphelins.

C’est cette certitude qui explique et justifie les achats sur le dollar, la vive remontée du Dollar Index, la fermeté du Yen et la chute de l’Euro.

Nous entrons dans une vraie zone de turbulence, provoquée à la fois, nous y insistons, par les développements inéluctables de la grande crise de surendettement et par les faux remèdes appliqués par les gouvernements. Les faux remèdes alimentés par les erreurs théoriques, par la lâcheté, par le refus de la vérité et les manipulations politiciennes sont en train d’être réglées au multiple. L’ennui, nous l’avons maintes fois répété, est que nous vivons dans des systèmes de tiers payant; ceux ne sont pas ceux qui faillissent qui paient, ce sont les peuples, les citoyens. Nous sommes plus que jamais pour des réformes, qui instaurant des dispositifs afin de rendre politiciens, banquiers centraux, etc., comptables de leurs actes.

L’une des œuvres les plus salutaires que devraient entreprendre les médias Main Street serait de compiler la somme des erreurs, des fausses prédictions, des affirmations mensongères, des manipulations de toutes sortes accomplies, martelées par les responsables de la conduite des affaires.

Montrer du doigt les banquiers, qui n’ont commis d’autre crime que de se servir quand la confiture est passée, ne suffit pas, il faut revenir aux sources: qui a créé la confiture, qui a bénéficié de cette confiture pour financer sa démagogie et acheter son élection ou réélection. Qui est responsable, si ce n’est les Banques Centrales qui ont rendu l’argent facile et les gouvernements qui se sont servis de cet argent tombé du ciel? Qui ?

 

Il est évident, même pour le plus borné des politiciens et le plus arrogant des banquiers centraux, que la crise suit son cours, comme prévu par les gens de bonne foi qui avaient un peu de connaissance de la théorie économique, un peu de compréhension de la finance moderne et une dose de bon sens: on ne sort pas d’une crise de surendettement en créant une nouvelle couche de dettes. Même transférée aux gouvernements  c’est à dire aux citoyens, une dette est une dette et même si son poids est dilué, masqué, il est là, il existe et il pèse sur l’économie, il l’empêche de repartir, il asphyxie l’emploi.

Le cycle de la crise de la dette se déroule exactement comme prévu; la taupe travaille en profondeur, ronge, sape, grignote. Nous l’avons dit dès les premiers soubresauts, on n’échappe pas à la logique de la comptabilité, laquelle n’est rien d’autre que la mise en forme de la rareté, une rareté à laquelle personne et surtout pas les gouvernements et les États ne peuvent échapper. Ils peuvent mentir, gagner du temps, mais les lois de l’économie qui sont lois de la vie et lois de bon sens, finissent toujours par gagner. Le seul vrai pouvoir des gouvernements, répétons nous, c’est de repousser l’inéluctable et en le repoussant de faire plus de dégâts que si on s’était abstenu d’intervenir.

Au stade où nous en sommes, une nouvelle phase se dessine.

Une phase au cours de laquelle les structures gangrénées par le surendettement, les réceptacles de la dette pourrie vont subir des mutations importantes. On va croire que cela va suffire; et ce sera une erreur de plus. Car il faut balayer les fausses théories qui ont servi à rationaliser les erreurs, mettre en place de nouvelles règles du jeu économique, réorienter les appareils de production, accepter les mutations sociales qui en découlent, les transferts de pouvoir différés.

Cette phase sera, comme les précédentes, subie et non voulue par les pouvoirs en place Ils s’y opposeront car ce qui est en cause, c’est leur statut, leur position dominante produite par l’ordre ou plutôt le désordre financier ancien. Nous l’avons dit et redit, la finance n’existe pas, c’est un leurre, une mystification destinée à masquer le Réel. Sous la crise financière, il y a la crise de l’économie réelle, la crise des clercs, la crise politique et géopolitique et in fine la crise de l’ordre social. L’enjeu de la crise de la finance, c’est le réaménagement du Réel. La destruction sélective des richesses et des patrimoines fait partie de ce grand réaménagement.

BRUNO BERTEZ Le 12 Septembre 2011

L’EDITO PRECEDENT:

L’Edito du 5 Septembre :Le temps des balles dans le pied par Bruno Bertez

EN BANDE SON :

4 réponses »

  1. Lundi 12 septembre 2011 : l’Italie a lancé un emprunt à 3 mois. L’Italie a dû payer un taux d’intérêt de 1,907 %. Les taux sont en hausse : c’était 1,034 % lors de la précédente émission.

    En outre, l’Italie a lancé un emprunt à 1 an. L’Italie a dû payer un taux d’intérêt de 4,153 %. Les taux sont en hausse : c’était 2,959 % lors de la précédente émission.

    Grèce : taux des obligations à un an : 117,211 %. Record historique battu.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GGGB1YR:IND

    Grèce : taux des obligations à 2 ans : 69,551 %. Record historique battu.

    Grèce : taux des obligations à 10 ans : 23,544 %. Record historique battu.

  2. Mardi matin
    Le comportement de Wall Street lundi soir mérite que l’on s’y attarde même s’il s’agit plus de poser des questions que d’apporter des réponses.

    En clôture, l’indice Sand P 500 a effectue un puissant rebond pour terminer positif. La performance est remarquable sachant que les places européennes avaient clôturé dans les plus bas avec des pertes de 3 a 4%.

    Pour trouver une explication à la reprise de fin de séance, car il en faut toujours une pour les medias, on a avancé l’idée que la Chine envisagerait d’acheter de la dette italienne. Il s’agit manifestement d’un prétexte.

    La Chine a déjà aidé les Européens, mais l’effet de cette aide est resté modeste et nullement à la mesure des problèmes. Au plan des principes on sait depuis longtemps que la Chine souhaite une stabilisation européenne mais on sait aussi que ses dirigeants considèrent que les conditions d’une vraie stabilisation ne sont pas réunies.
    Une aide est possible et même probable mais une aide déterminante n’est pas , a ce stade envisageable.

    Le rebond de Wall Street peut être considéré sous trois aspect.

    Une manipulation pour interrompre la boule de neige
    Un sursaut technique dans un marche survendu
    Une anticipation de nouvelles plus favorables

    Nous penchons pour un mix des trois.

    Une manipulation et un sursaut technique ne sont efficaces que s’ils interviennent a un moment opportun, c’est a dire en anticipation de quelque chose de positif ou de plus positif.

    Dialectiquement on peut faire observer que plus cela va mal et plus on se rapproche du moment ou les responsables vont être obligés de faire quelque chose. Sous cet aspect toute dislocation des marchés est productrice d’actions qui visent a s’y opposer.
    Certains ont-ils cru que la dislocation avait atteint une ampleur et une dangerosité justifiant des mesures ? C’est possible.

    Par ailleurs on peut s’interroger sur les derniers événements européens.
    Est ce que les démissions des allemands de la BCE, les déclarations qui poussent a la faillite grecque , la dévalorisation en cours du capital des banques, ne préfigurent pas une manoeuvre de plus grande ampleur. Tout se passe comme si d’une certaine façon on s’écartait du extend and pretend, on acceptait de réintroduire une part de vérité dans le système,. D’une certaine manière cela revient à tenter

    1 Une opération vérité
    2 Une opération d’isolement, on circonscrit les problèmes espérant qu’à partir de la il n’est pas trop tard pour enrayer les contagions.
    Il ne faut pas oublier que la contagion des souverains subprimes aux souverains encore solides comme la France se fait par l’accroissement de la charge qu’ils supportent du fait des bail out et en même temps par l’anticipation de la décapitalisation de leur secteur bancaire

    Les souverains encore solides sont menacés de perdre leur rating à cause de leur participations aux bail out et à cause de la fragilité de leurs banques.

    La manoeuvre allemande serait en quelque sorte une façon de crever l’abcès, une façon d’obliger certains pays à crever abcès. Couper court à la menace de bail out à répétition , forcer à aborder et résoudre le problème des banques.

    En fin dernier point qui mérite considération : le mouvement qui se dessine en faveur de l’abandon de l’austérité. Sans être général, il se propage. Idée que l’austérité ne mène à rien et ne fait qu’aggraver les déséquilibres gagne du terrain. On a vu l’initiative récente d’Obama qui veut éviter les double dip par un pan de 400 billions, on a vu les ballons d’essai de Christine Lagarde. On a vu quelques déclarations dans ce sens dans les instances européennes.

  3. L’agonie de l’Euro.

    par Jacques Sapir.

    La crise de l’Euro est désormais entrée dans sa phase terminale, comme cela a été prévu à la fin de 2010. La crise actuelle est appelée à s’aggraver, rythmée par le défaut de la Grèce (octobre ou novembre), le déclenchement de la crise Espagnole et une crise bancaire généralisée dans les pays de la Zone Euro. Le temps de la crise s’impose désormais aux politiques. Les conditions de gouvernance de la zone Euro sont clairement inadaptées, mais les conditions de réformes de cette dernière sont incompatibles avec la temporalité de la crise. Nous sommes donc face à l’agonie de l’Euro.

    http://www.observatoiredeleurope.com/L-agonie-de-l-Euro_a1537.html

  4. Adapter le temps politique au temps économique est la condition sinequanone pour sauver l’euro.

    Nous avons eu le bon sens de nous mettre tous autour de la table et de discuter, afin de ne pas faire comme les américains à trouver des remèdes express consistant à remplir le tonneau des Danaides…

    Mais maintenant il faut agir et vite ! Le temps presse !

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