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L’Edito du 22 Septembre : La confIance disparait ou comment, à partir de crises graves mais gérables, fabriquer des catastrophes mondiales! par Bruno Bertez

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L’Edito du 22 Septembre : La confIance disparait ou comment, à partir de crises graves mais gérables, fabriquer des catastrophes mondiales! par Bruno Bertez  

Notre système économique, financier et social repose sur la confiance. La monnaie est une monnaie de crédit, tout l’édifice économique et social repose sur des promesses; C’est dire si la confiance est essentielle au sens fort, très fort, au fonctionnement de nos sociétés.

   Contrairement à l’illusion des politiciens, de leurs conseils en communication, des medias et même des marchés, la confiance ne se décrète pas. Elle n’est affaire ni d’habileté ni d’autorité; elle est affaire de vérité et d’efficacité. Vérité, efficacité, consensus, vont de pair car seul ce qui est vrai est adapté à une situation, seul ce qui est vrai permet les bons diagnostics, seul ce qui est vrai peut emporter l’adhésion sur les remèdes.

Nous venons ces jours derniers et hier encore d’assister à des évènements fondamentalement historiques: les auto proclamés responsables de la conduite des affaires sont montés sur les planches du grand théâtre du Pouvoir et … ils se sont fait siffler.

Nous disons que c’est important parce que c’est le signe de l’usure, de la perte de crédibilité de ces Pouvoirs.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Le fait qu’il y a quelques jours la manipulation mondiale de l’annonce d’un accord de cinq banques centrales pour offrir des liquidités en dollar, le fait que cette manipulation ait échoué est très grave. Ses effets n’ont duré que quelques heures, on est revenu dans la situation d’avant la manipulation.

Le fait que l’annonce officielle de l’opération TWIST à l’issue du FOMC américain ait provoqué une chute des marchés est très grave; le dernière illusion encore efficace, celle du pouvoir de la FED, celle de l’habilité de Bernanke s’est effondrée.

Une crise, c’est quand des certitudes se dérobent, quand des invariants se mettent à bouger, quand le linéaire devient exponentiel, quand la transitivité se déclenche, quand les repères s’effacent. Tant qu’il y a quelque chose qui tient, un point fixe auquel se raccrocher, un ancrage, la situation reste gérable. Gérable avec du bon sens et du courage, car au fond, malgré le charabia, tout cela n’est pas très compliqué. Et si complication il y a, c’est parce qu’on l’utilise comme un artifice pour masquer et tromper.

La crise est une crise de surendettement, partout. Une crise d’excès de dettes qui pèse sur la situation des agents économiques et qui les empêche de consommer, d’investir, d’épargner comme ils le faisaient avant.
C’est une crise des passifs, des liabilities car, à l’évidence, les actifs, les moyens de produire sont là, les forces de travail sont là, les besoins sont là.

« Au cours des 30 dernières années, le ratio de la dette par rapport au PIB (toutes dettes confondues), dans les économies développées a crû sans discontinuité, passant de 167% en 1980 à 314% aujourd’hui. En moyenne, la hausse est de plus de 5 points de pourcentage du PIB par an », selon un rapport de la Banque des Règlements internationaux datant de septembre

C’est parce que les cash-flow, les flux financiers, pour soutenir, pour honorer les passifs, les dettes, les capitaux investis, c’est parce que les cash-flow sont insuffisants que l’activité économique se grippe, que les entreprise ferment et débauchent, que les recettes des états s’effondrent, que les déficits se creusent, que les dettes s’accumulent encore plus.

Bernanke est un néoclassique, il n’a jamais compris le rôle central que la dette jouait dans nos systèmes, il n’a jamais compris qu’il ne peut y avoir de croissance sans accroissement du crédit mais qu’en même temps, inéluctablement l’accroissement du crédit provoquait des crises de surendettement à la Minsky et qu’il fallait par conséquent en tenir compte, considérer que cela était partie intégrante du système.

Un Moment ‘Minsky’

Ce qui se passe sur les marchés est un phénomène très sérieux. C’est plus que le ressac de la crise de l’année 2008. L’histoire des crises sévères suggère trois impacts successifs, plus ou moins équidistants du choc originel du printemps 2008. Ceux-ci seraient alors constatés à l’automne 2011, en 2014 et en 2018. Sera-ce le cas ? Et comment ? Par vagues, répliques sismiques ou de manière plus linéaire, monotone et graduelle ? En une fois ou au terme d’une longue agonie économique ? Quel est l’évènement, peut-être infime, qui déclenchera des effets en chaîne ?

Cela n’a pas vraiment d’importance. La crise, état naturel de l’économie, est en formulation permanente et ne fait donc que commencer. Elle sera une séquence de ruptures et de déséquilibres, tellement durs qu’on pourra parler de guerre économique.

Certains parlent d’un moment de Minsky, du nom de l’économiste américain Minsky (1919-1996). Un « moment Minsky » le point où les investisseurs surendettés sont contraints de vendre en masse leurs actifs pour faire face à leur besoin de liquidité, déclenchant une spirale de baisse auto-entretenue du prix de ces actifs et un assèchement de la liquidité. Ceci rappelle les théories d’Irving Fisher qui conduisait aux mêmes conclusions. Bruno Colmant

L’accroissement du crédit, l’accumulation des dettes finit toujours, c’est inévitable par créer un stock de créances excessif et douteux. Les crises, ce que Bernanke et le monde occidental ne comprend pas, sauf l’Allemagne, les crises sont affaires de stocks et non de flux, voilà la vérité et vous avouerez que c’est simple à comprendre. Pas besoin de ce fameux charabia, galimatias, masque de l’ignorance et du mensonge.

 

Les Quantitative Easing 1 et 2 ont été des échecs; tout ce qu’ils ont réussi à faire, c’est alimenter, susciter une spéculation inflationniste sur les assets et les matières premières; aucun résultat sur l’économie réelle.
Le soi-disant impact de l’effet de richesse sur la demande globale est un mythe, une mystification des kleptocrates pour s’enrichir encore plus. Les QE n’ont fait qu’enrichir les banques et les hedge funds au détriment des épargnants et de leur patrimoine direct et indirect.

L’opération TWIST qui consiste à augmenter la durée, la maturité du portefeuille de valeurs du Trésor US en vendant des titres à court terme pour les remployer en long terme n’aura aucun effet sur l’économie réelle, elle se résume à ce qu’elle est, c’est à dire un moyen de faciliter le financement du Trésor US, à lui éviter la déconvenue des Européens qui ont du mal à se refinancer. C’est une précaution, on crée une demande, monétisation de la dette américaine, car on craint que la vraie demande se dérobe et que cela fasse boule de neige; en créant une demande qui soutient les cours, voire fait baisser les taux, on remet la spéculation de son coté, on dissuade les vendeurs.

source Wall Street Journal

Bref, on se donne les moyens de continuer comme avant, dans l’erreur, d’augmenter l’endettement de l’état, de creuser les déficits, d’éluder les vrais problèmes. On se donne les moyens de refaire un tour de piste. Heureusement, le public n’a pas applaudi.

La FED est déconsidérée car

 1) elle est cause de la crise

2) elle n’a pas su faire son mea culpa

3) elle est complice du Pouvoir politique qui, sous des dehors progressistes,  favorables aux changements, n’a qu’un seul objectif, qu’une ligne de conduite dans son action : maintenir le statu quo.

source Blog Felix Salmon

  L’enjeu de la crise c’est le changement, le changement de pratique monétaire, bancaire, financière.

L’enjeu de la crise, c’est le changement social avec le retour en arrière sur les inégalités qui ont été creusées par l’épisode de 25 années de financiarisation.

L’enjeu de la crise, c’est le changement économique, le retour à la priorité, à la production de biens et de services utiles, la relance de l’économie productive au détriment des services parasites

L’enjeu de la crise c’est un infléchissement de la globalisation, un rééquilibrage, non plus sous le signe de la finance, mais sous le signe de la production.

Il n’y aura pas sortie de crise sans destruction, destruction financière, réaménagement des structures, réformes des Pouvoirs, production de nouvelles théories et nouvelles valeurs.

Car pour reprendre un terme américain que nous ne pouvons traduire, la finance est embedded partout.

Evolution de la capitalisation Boursière globale (source Early Warning) versus PIB Mondial

La situation européenne sur le plan de la confiance est aussi alarmante que la situation américaine.

Hier, nous entendions encore un ou une ministre français ou française assurer que les banques n’avaient «  pas besoin d’être recapitalisées »! Selon un autre,  «  il n’ y aucun problème de liquidité »!

Ce sont de tels propos qui, en Europe, ont permis, à partir d’une petite crise d’en faire une grosse, une colossale si on continue dans la même voie. La crise grecque, traitée à temps, par des gens compétents et responsables, aurait couté au premier semestre 2010 40 à 50 milliards d’euros, maintenant même si tout se passe bien, si on choisit les bonnes solutions, elle coutera 110 à 120 milliards.

José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne « confiant et lucide(sic) » déclarait début Septembre :

« Nous n’anticipons pas de récession en Europe. Les dernières prévisions de la Commission européenne montrent que la croissance sera au rendez-vous, même si cette croissance sera modérée il est vrai »  

Joaquin Almunia (commission européenne) ou l’art de dire tout et son contraire :

« Les tests de résistance établis en juillet étaient sérieux et importants. Leur méthodologie est bien meilleure que celle utilisée par le FMI, mais il faut reconnaître que les conditions ont évolué cet été, et c’est pourquoi il ne faut pas écarter la nécessité de nouvelles recapitalisations »

La vérité est que le défaut grec est en préparation. Il est inéluctable mais il devait intervenir plus tard. C’est la maladresse, l’incompétence et les divisions qui ont précipité l’échéance.

source Die Spiegel

Plus on tapera dans la boite pour gagner du temps plus on perdra de l’argent, du consensus et de la confiance. Et plus le taux de récupération sera faible: avant on pouvait espérer récupérer 60 à 65% , maintenant ce que l’on peut raisonnablement espérer c’est 50%. L’exemple de l’Argentine est pourtant là, il suffit lire les livres d’histoire.

source Wall Street Journal

Avec le plan d’austérité que l’on cherche encore à lui imposer, la Grèce va se disloquer, l’économie va accélérer sa chute, les recettes fiscales vont encore plonger. En fin d’année, le ratio de dette sera de 170 à 180% !

source New York Times

Le gaspillage des bail-out est colossal.

Or les ressources sont rares, de plus en plus rares; il faut les utiliser à bon escient. Il faut cesser de gaspiller les capitaux, la crédibilité et le soutien des peuples.

Pas besoin de génie pour la mise en place d’étapes vers la solution de la soi-disant crise fondamentale de l’Europe telle que la décrivent les Anglo-saxons.

Au plan logique, les étapes sont évidentes :

  1. Arrêter d’entretenir la contagion par des mensonges, opacités, déclarations irresponsables. La situation de l’Italie et de l’Espagne est préoccupante, mais pas alarmante; il n’y a aucun risque crédible de défaut dans un futur prévisible. En attendant la mise en place rigoureuse et contrôlée de plans de correction fiscale, il faut que la BCE reste présente sur les marchés et décourage les attaques. Il faut rétablir la prédictabilité.
  2. Au plan politique, il faut arrêter la contagion en affirmant seuls les pays qui se plient aux règles européennes continueront de faire partie du système européen , les autres ne pourront que prétendre y être partiellement associes. On ne prévient pas la contagion sans faire un tri, un tri entre ce qui est conforme à la participation européenne et ce qui ne l’est pas. Les caractéristiques macroéconomiques, politiques, sociales, de certains pays ne sont pas compatibles avec l’union.
  3. La participation à l’euro doit découler de considérations objectives, qu’elles soient fiscales ou économiques.
    Il faut abandonner le mythe de la convergence, une monnaie commune ne produit aucune convergence, elle produit des dysfonctionnements. La monnaie commune a permis le laxisme des gouvernements des pays périphériques, les superbénéfices des banques, les exceptionnelles performances de l’économie allemande, l’exploitation coloniale des main d’œuvre de ces pays etc. pas de convergence en tous cas.
    La convergence de sociétés différentes ne se fait pas à l’échelle générationnelle, elle se fait à l’échelle de l’histoire. Il faut cesser de jouer les apprentis sorciers et les démiurges.
  4. La stabilisation, remise sur pied de l’outil bancaire, est la condition permissive, sine qua none de toute solution réaliste. Les banques ont joué, elles ont perdu. Pourquoi ont elles accumulé les créances douteuse et risquées? Parce qu’elles ont cru faire un profit supplémentaire sur le dos de la communauté européenne, elles ont cru qu’elles étaient plus intelligentes et que le supplément de rendement n’avait pas de contrepartie en terme de risque. Elles ont cru au free lunch. Maintenant que le free lunch n’est plus gratuit, elles veulent le faire payer à ceux qui ont été victimes de ces taux abusifs, majorés pour cause de risque! Elles veulent la socialisation des pertes après avoir joui de la privatisation, voire personnalisation des profits.

 

Contrairement à la propagande, il y a assez de fonds propres et de dette à long terme dans le bilan des banques pour absorber les pertes. Il n’y a aucun risque réel de perte pour les déposants, c’est à dire le public et même aucun de risque de perte pour les contreparties sur les marchés. Le matelas de sécurité est assez épais.

 Il est évident que cette absorption des pertes par les capitaux propres et les dettes à long terme imposent la venue de nouveaux actionnaires et capitaux et tout aussi évidemment la mise en place temporaire de structures d’adossement publiques afin de garantir les préteurs sur le marché de gros du refinancement.

On remarquera que dans cette voie il n’apparait pas nécessaire de mettre en danger la BCE au-delà de ce qui a déjà été fait jusqu’à présent et que l’on n’aurait jamais dû faire.

source Der Spiegel

Source Financial Times

On remarquera aussi que les capitaux gaspillés dans les bail-out sans issue, avec des rendements négatifs, ces capitaux réinvestis dans des banques nettoyées ont un pouvoir multiplicateurs élevés et surtout très fécondateurs au niveau des économies réelles.

 Bruno Bertez le 22 Septembre 2011

EDITO PRECEDENT : L’Édito du 12 Septembre : Les marchés sont orphelins par Bruno Bertez

EN BANDE SON :

 

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