L’Edito du 30 Septembre : La volatilité, le court terme, le long terme, the big picture par Bruno Bertez
Vous l’avez remarqué, depuis quelques semaines la volatilité est extrême. Extrême d’un jour sur l’autre, extrême d’une heure à l’autre. Deux facteurs se conjuguent: un facteur réel, fondamental et un facteur imaginaire, de surface.
- Le facteur réel, c’est évidemment le risque.
Les théories en cours créent une relation, voire une assimilation entre le risque et la volatilité et prennent l’un pour l’autre ou l’autre pour l’un. Rien d’étonnant si, en situation de crise ouverte, de risque palpable, les mesures du risque explosent.
On prend conscience du fait que nous ne sommes plus dans la théorie financière ou bancaire, mais que nous sommes dans le sang et les larmes, dans la douleur et les sacrifices.
Enfin, on décèle une certaine fatigue sociale, les citoyens en particulier européens mais aussi américains en ont assez de voir se creuser les déficits, monter le chômage, accélérer l’inflation réelle etc. Le tout sans perspective. Bref, il y a non seulement crise, mais aussi crise de confiance. Au risque financier et économique s’ajoute le risque social.
- Le facteur imaginaire, celui que nous nous appelons imaginaire par opposition au réel, est créé par l’intervention des gouvernements, du personnel politique, des banquiers centraux présents ou anciens. Ils s’expriment. Ils parlent.
Ils cherchent à peser dans le débat Ils tentent de manipuler les médias, les marchés, les opinions publiques, les électeurs etc. Tous ces gens ne sont pas forcément crédibles, autorisés et cela provoque une incroyable cacophonie, un vacarme de non sens, un fatras de contradictions.
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Les milieux dirigeants on fait une découverte récente, et ils s’en donnent à cœur joie: on peut lancer des rumeurs, des ballons d’essai, bref faire comme les spéculateurs c’est à dire que l’on peut influencer les bourses. Il y a toujours des journalistes et organes de presse disposés à servir de relais, ne serait ce que pour se donner de l’importance, à de telles opérations. La pratique des confidences »off », les citations de responsables qui ne veulent pas être cités facilitent bien sûr ces dérives.
Ces derniers jours, on a assisté en Europe, à une recrudescence de ces déclarations, rumeurs, manipulations et nous pensons que cela n’a pas été pour rien dans la montée de la volatilité. La non prédictibilité réelle jointe à la multiplication des discours irresponsables coûte cher aux opérateurs boursiers, équipés et introduits y laissent des plumes.
Si malgré la difficulté à défendre vos intérêts et votre patrimoine, vous persistez à faire des opérations sur les marchés, gardez présent à l’esprit que les dés sont pipés, personne ne veut votre bien, tout ce que l’on veut, c’est que vous vous sépariez de votre argent.
La priorité du moment, ce n’est pas votre prospérité, c’est la recapitalisation du secteur financier, directe ou indirecte, visible ou subreptice. Vous êtes l’agent économique qui doit transférer son épargne, ses excédents en faveur de cet agent dans le besoin qu’est le secteur financier et bancaire. Vers les États aussi bien sûr, nous y reviendrons.
Personne ne veut votre bien, personne ne s’exprime innocemment, les informations sont peut être neutres, mais les informants ne le sont pas, celui qui parle a toujours une raison de le faire.
La volatilité de court terme est une distraction, aux deux sens du terme. Elle vous détourne de l’essentiel, elle vous amuse, vous tente, vous incite à jouer.
Elle vous fait perdre de vue ce que l’on appelle The Big Picture. Les marchés ne s’intéressent plus aux données économiques, aux bonnes et aux mauvaises nouvelles des entreprises. Ils se focalisent sur les pseudo informations qui traitent de la volonté des gouvernements et banquiers centraux de fournir de l’argent bon marché, moins cher que celui des marchés aux Etats et à leurs Banques.
Les marchés montent quand ils ont l’impression, non que l’on a résolu un problème, mais que l’on peut refaire un bout de chemin, que l’on peut refaire un tour de manège grâce à une manne censée tomber du ciel.
Les responsables de la conduite des affaires, lesquels bénéficient de la dissymétrie de l’information entretenue par l’opacité, ne croient pas aux miracles, mais ils voudraient que vous, vous y croyiez.
La masse de dettes contenue dans le système tant au niveau des Etats, qu’au niveau des entreprises,qu’au niveau des consommateurs, la masse de créances détenues par les banques font que le retour de la croissance est impossible. La dette bouche l’avenir, rend vaines toutes les tentatives de relance.
Source New York Times
source The Economist
- The Big Picture , c’est la dette.
Au bout du chemin, car il y aura un bout du chemin, même s’il est long, on sortira de la dette par:
– La reconnaissance du phénomène de surendettement
– La restructuration, les moratoires,les haircuts les conversions volontaires et forcées
– La dépréciation des actifs des banques et leur recapitalisation
Pour cela on fera un mixte, un mélange car il faudra beaucoup, beaucoup d’argent:
– De création monétaire
– D’inflation des prix
– De prélèvement sur les avoirs monétaires par les taux d’intérêt négatifs
– De prélèvements sur le capital par hausse des taxes sur la fortune, sur l’immobilier
– De hausse des impôts sur les bénéfices des entreprises
– De prélèvements sur les revenus, même les moyens, par l’impôt sur le revenu
Le bout du chemin, nul ne sait où il se trouve, mais ce n’est pas un risque, c’est une certitude. Il existe et il faudra se résoudre à s’y rendre, c’est inéluctable. Combien de temps faudra-t-il pour y aller? Combien de temps sera-t-il encore possible de taper dans la boite, kick the can, personne ne le sait car cela dépend de la résistance des corps sociaux. Le calendrier, le rythme du mouvement sera fixe par les tolérances sociales aux faux remèdes, d’une part, et à l’aggravation du mal, d’autre part.
Nous vous recommandons la lecture du Working Paper n° 352, septembre 2011 publié par la BIS sur bis.org sous le titre » the Real effects of Debt » et celui des mêmes auteurs publié en mars 2010 sous le titre »The future of Public Debt: Prospects and Implications », Working Paper n° 300.
BRUNO BERTEZ Le 30 Septembre 2011
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