Agences de Notation

La catastrophe attendra-t-elle vraiment jusqu’à 2013?

La catastrophe attendra-t-elle vraiment jusqu’à 2013?

Rien à craindre sur les marchés financiers en 2012. Quarante élections phares s’égrèneront dans le monde. Les hommes politiques éviteront «Armageddon» à tout prix avant leurs échéances électorales, a déclaré le gourou de la finance Jim Rodgers. Les catastrophistes qui promettent une forte baisse des actions et de l’or en 2012 devront-ils patienter?

 

La nouvelle de la semaine, la décision de Standard & Poor’s d’abaisser la note de la France, a été analysée principalement sous l’angle politique. Pourtant l’état réel du patient français, ou espagnol ou grec, se lit tardivement dans les notes de Standard & Poor’s ou Moody’s. Mieux vaut suivre l’agence chinoise Dagong. La globalisation, pourtant si décriée dans la Vieille Europe, a l’avantage d’élargir l’horizon de l’analyse des crédits. Pour Dagong, la France est de qualité A + depuis le 8 décembre dernier, l’excellence est encore plus lointaine. Nous retiendrons du geste de S&P que, depuis ce vendre­di 13, l’Europe compte davantage de triple A en dehors de la zone euro qu’en son sein. Le symbole n’est pas dérisoire. Enfin, la décision de S&P devrait accroître les divergences politiques dans la zone euro. La direction allemande sera logiquement renforcée à la mesure de son risque au sein du Fonds de stabilité (FESF).

Le baromètre des agences de notation n’accorde qu’un crédit limité à la zone euro. Comment en serait-il autrement avec 9000 milliards de dettes, représentant des années de promesses et cadeaux politiques, qui ne peuvent être financés que si l’économie crée suffisamment de richesses.

Et que dire des 60 000 milliards d’euros en dérivés de gré à gré sur ces crédits? Or ni un assouplissement monétaire (QE), ni un fonds de stabilité, ni une hausse d’impôts n’ont jamais créé de produits et d’emplois. Pour cela, l’économie a besoin de liberté.

 Or, au classement annuel de la liberté économique (Heritage Foundation), publié dans l’indifférence générale, seuls cinq pays sont qualifiés de libres. Ils sont majoritairement hors d’Europe: Hongkong, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande et Suisse.

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L’indice prend en compte l’ouverture des marchés, l’efficience gouvernementale, le poids de l’Etat et la règle de la loi.Les pays triple A de la zone euro sont les mieux classés, le Luxembourg (13e), les Pays-Bas (15e), la Finlande (17e) et l’Allemagne (26e). La liberté économique est-elle un indicateur fiable de responsabilité à l’égard de ses engagements? En tous les cas, la France n’est que 67e, derrière les îles du Cap-Vert (66e) et le Kazakhstan (65e).

La réaction des autorités révèle le cloisonnement des esprits. On fustige les agences et les adversaires politiques et on cherche à gagner du temps. Les citoyens ne supportent plus ce discours. Ils ne veulent plus payer les frais de ce triste spectacle et partent sous d’autres cieux. Pour eux, la globalisation offre une seconde chance. En 2011 et pour la première fois depuis 1990, l’Espagne est redevenue un pays d’émigration. ­60% des émigrants ont même choisi de quitter l’Europe. Le scénario est identique au Portugal. 70 000 Portugais ont pris la direction de l’Angola depuis 2003, selon le Wall Street Journal.

La réaction de l’UE à la crise consiste à taxer davantage, à multiplier les interdits et à condamner la «concurrence dommageable» des bons élèves. On cherche aussi à augmenter les impôts, ce qui détruit davantage la confiance. C’est pourtant la voie choisie avec la taxe sur les transactions financières. Les autorités de pays qui font fuir les investisseurs cherchent à les taxer davantage.

La littérature économique est abondante sur les taxes sur les flux de capitaux, mais il a fallu attendre ce mois-ci pour la présentation d’un premier travail sur les effets multilatéraux de telles mesures*. Le FMI a toujours défendu cet instrument. Ses économistes sont de l’avis qu’une telle taxe modifie la composition des flux mais pas le volume.

Kristin Forbes prend l’exemple du Brésil et des taxes sur les obligations établies ou retirées entre 2006 et 2011. L’effet sur le volume a été massif. Lors d’une baisse de 6% des taxes, les fonds de placement ont accru leurs investissements de 9 à 16 milliards de dollars au Brésil en trois mois. Les effets indirects aussi ont été importants. A l’inverse, lors de l’établissement d’une taxe sur les titres brésiliens, les capitaux se sont investis davantage dans d’autres pays de la région ayant un profil semblable (dépendant de la demande chinoise). Une taxe au Brésil réduit les capitaux des autres pays susceptibles d’imposer une telle taxe, par exemple la Colombie. Une taxe en un point du système, et la baisse de confiance qu’elle induit, peut complètement modifier le sentiment et le comportement des acteurs de tout le système.

L’UE ne peut éviter la catastrophe en 2012 que si elle crée un climat favorable aux affaires et change de politique. Non pas en créant encore plus de dettes ou de nouveaux artifices. D’ailleurs, le changement de rating réduit à néant les instruments encore à disposition (FESF). Le roi est nu. Il faut préparer le public à ce retour à la réalité. La Grèce est en faillite. Il faut soigneusement montrer au public que cette déclaration de défaut est salutaire.

En Europe comme ailleurs, chaque individu, banque ou pays doit être responsable de ses actes. La réintroduction de la faillite dans le système peut être, paradoxalement, créateur de confiance. L’UE adopte-t-elle le modèle capitaliste ou maintiendra-t-elle ses valeurs socialistes? Car, dans l’ex-Union soviétique aussi, la faillite était interdite. Est-ce possible lors d’une année électorale? Le scénario déflationniste demeure le plus probable.

*Bubble Thy Neighbor, Kristin Forbes, Marcel Fratzscher, Thomas Kostka, Roland Straub, novembre 2011, sur «www.econbrowser.com».

Par Emmanuel Garessus/le temps janv12

4 réponses »

  1. Les élections vont être décisives pour certains événements :
    – Les élections de Russie avec la probable élection de Poutine va sans doute entraîner de la contestation interne. Les Américains et Israëliens peuvent utiliser cette période de faiblesse de Poutine pour avancer leurs pions en Syrie et en Iran.
    – La faillite de la Grèce aux échéances du 20 mars et l’activation des CDS peut entraîner la restructuration mondiale du système financier et la fermeture des banques pour au moins un an le temps de se mettre d’accord et de construire un nouveau système.
    – Le chaos qui va s’en suivre va annuler toutes les élections suivantes et de laisser les hommes politiques actuels aux manettes.

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