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L’Edito du 20 Janvier 2012 : La petite bête qui monte, qui monte l’échelle du risque par Bruno Bertez

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L’Edito du 20 Janvier 2012 : La petite bête qui monte, qui monte l’échelle du risque par Bruno Bertez

 Le marché financier américain présente une configuration dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est intéressante. Nous allons nous attarder quelque peu.

 

     La tendance haussière produite par la grande reflation qui a suivi la crise de 2008 a été interrompue en 2011. Interruption nette puisque marquée par un triple top. A trois reprises le S&P500, notre indice de référence a buté sur la zone des 1.360. Quelquefois un peu au-dessus, quelquefois un peu au-dessous. Sur la base de ce constat, les vendeurs se sont enhardis, une tendance baissière s’est enclenchée qui a ramené les indices vers les 1.100. C’est début octobre 2011 que le processus a touché son maximum avec un rétro de 20% sur les sommets de l’été. 

La reprise, d’abord technique, a été volatile, hésitante, puis de plus en plus affirmée. C’est à partir de la mi-décembre qu’une tendance haussière franche avec une faible volatilité, avec très peu de corrections, s’est enclenchée. On a gagné 160 points soit 13% entre la mi-décembre 2011 et février 2012. Avec des volumes très faibles. Nous sommes revenus, à l’instant où nous écrivons cette chronique, à 1.361, nous sommes donc revenus sur la zone du sommet de 2011. Sur la grande résistance que l’on n’a pas réussie à franchir à l’époque. 

C’est en ce sens que nous disons que la confirmation est intéressante puisque nous reprenons l’ouvrage où nous l’avons laissé, inachevé, en juillet 2011. 

Que s’est-il passé l’an dernier que l’on puisse considérer comme important pour le marché?

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 D’abord, un ralentissement de la croissance, déjà faible, aux Etats-Unis. Ralentissement qui a fait craindre à certains une rechute en récession.

 Ensuite, on a assisté à une aggravation de la crise des subprimes souverains européens, suivie d’une dislocation du marché interbancaire. L’ombre d’une nouvelle GFC (Great Financial Crisis) s’est profilée.

 

 Enfin, on a assisté à une dégradation de la situation asiatique, indienne, et surtout chinoise. La crainte d’une récession globale synchronisée s’est répandue. Le symptôme le plus remarquable a été constitué par une forte chute du commerce mondial pointée par l’effondrement des taux de frets.

 La conjonction de ces trois éléments explique et justifie 1) l’arrêt de la hausse en juillet 2011 2) la chute de juillet à octobre 3) la reprise vigoureuse de décembre 2011 à février 2012.

 Les points 1 et 2 sont évidents, nous n’y insisterons pas. Le point 3 semble paradoxal, mais le paradoxe n’est qu’apparent. La dialectique boursière est ainsi faite que le négatif produit le positif. L’effet d’apprentissage joue: constatant la montée des risques et l’aggravation sérieuse de la situation, les opérateurs financiers se sont dits que cela appellerait des réactions. On a donc anticipé la réponse des régulateurs. Anticipation tout à fait vérifiée puisque les réponses monétaires, financières et marginalement fiscales ont été fournies. Schéma classique donc. Une crise est en train de se nouer, elle n’a pas le temps de se produire vraiment, déjà les contre-mesures sont prêtes, pro-actives, massives.

Le schéma est classique, reprise avortée de 2011, rechute, contagion, tout cela appelle des contre-mesures qui sont toujours les mêmes: la stimulation monétaire, les Quantitative Easing, les gonflements de bilans des banques centrales, les baisses de taux d’intérêt administrés.

 

A noter qu’une sorte de contre-sens s’est développé qui a masqué la réalité et induit en erreur certains opérateurs. Ils sont restés sur l’attente de mesures d’expansion monétaire aux Etats-Unis, QE3 ou QE4, lesquelles ne sont pas venues, alors que les printing se généralisaient discrètement dans le reste du monde. C’est un événement majeur car les yeux sont restés braqués sur les Etats-Unis alors que c’était ailleurs et dans des proportions gigantesques que l’action se passait. Nous signalons ce phénomène car il explique que certains gros hedge funds soient restés baissiers, vendeurs, trop longtemps. A ce titre, ils sont maintenant en difficultés, « à la courette ». Une partie certainement significative de la hausse depuis décembre s’explique par les rachats du découvert.

FED

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USA/Impossible que Fannie et Freddie remboursent les USA, selon leur régulateur

Le régulateur des deux régies américaines du financement des prêts immobiliers, Fannie Mae et Freddie Mac, a estimé mardi impossible qu’elles remboursent les 180 milliards de dollars qu’a dépensés l’Etat fédéral pour les sauver.

« Les pertes des deux entreprises sont d’une telle magnitude qu’elles ne peuvent rembourser les contribuables dans aucune hypothèse imaginable », a écrit le directeur général de l’Agence fédérale de financement du logement (FHFA), Edward DeMarco, dans une lettre aux parlementaires.

M. DeMarco leur a exposé ses recommandations pour parvenir à l’objectif partagé par le législateur et le gouvernement de démanteler au cours de la décennie ces deux groupes nationalisés en 2008 pour leur éviter la faillite.

Selon lui, il faudra nécessairement bâtir une entité privée pour reprendre le rôle qu’assument Fannie Mae et Freddie Mac.

« Aucune infrastructure privée n’existe aujourd’hui qui soit capable de titriser les 100 milliards de dollars mensuels de nouveaux prêts immobiliers accordés aux ménages. Une fermeture pure et simple des régies ferait bondir les taux d’intérêt et limiterait l’offre de prêts hypothécaires », a prévenu M. DeMarco.

Le marché des prêts immobiliers américains se distingue par le refus des prêteurs de conserver jusqu’à échéance les prêts, qui courent pour la très grande majorité sur 30 ans. Il existe donc un vaste marché secondaire où ces prêts sont assemblés dans des obligations (via la « titrisation »).

M. DeMarco a proposé de créer « un cadre pour relier les investisseurs sur le marché des capitaux aux propriétaires immobiliers, en particulier une plateforme de titrisation qui assemble les prêts dans toute une gamme de structures de titres et fournisse tout le soutien opérationnel pour traiter et suivre les mensualités depuis les emprunteurs vers les investisseurs ». afp fev12

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Depuis octobre 2011, le monde est littéralement noyé le liquidités. On a, en rappel, l’opération twist et les remplois de MBS aux Etats-Unis. On a la baisse des taux de la BCE et le colossal LTRO à 3 ans. On a le QE de 15 trillions de yens de la BoJ au Japon. On a le QE de 125 milliards de livres de la BoE au Royaume-Uni. On a la baisse des taux administrés en Suède, Norvège, Turquie, Australie, Thaïlande, et surtout au Brésil. On a la baisse des ratios de réserves en Inde et en Chine.

Le tout sans tambour ni trompette. Nous le répétons, alors que les marchés avaient les yeux braqués sur les Etats-Unis ils n’ont pris conscience que très tardivement de la synchronisation globale de la reflation. Les marchés ont donc pris du retard aussi bien sur les actions que sur les commodities ou sur le pétrole. Nous ajoutons que l’on discerne un changement très net dans les méthodes des régulateurs. Ils agissent maintenant beaucoup plus pro-activement, et avec des moyens beaucoup plus importants qu’auparavant. Plus personne n’a peur de sur-stimuler, on abandonne toute réserve.

Mais le meilleur reste à venir. Vous savez qu’en bourse, ce qui est important, ce n’est pas ce que l’on a, mais ce que l’on va avoir. On attend le nouveau LTRO de la BCE, on attend la confirmation des déserrements chinois et indiens et bien sûr, à tout seigneur, tout honneur, le fameux Quantitative Easing américain qui a été jusqu’à présent différé. Quantitative Easing dont on dit qu’il portera cette fois sur les titres hypothécaires.

Non seulement donc on a noyé le monde global sous les liquidités, non seulement on a écarté le spectre d’une nouvelle crise, mais l’on a rassuré, conforté. Le leverage est reparti de plus belle, les animal spirits se réveillent. On sait qu’il y a des réserves et que de bonnes choses sont encore à venir.

On peut se demander, dans ces conditions, pourquoi les marchés ne s’envolent pas, pourquoi ils font preuve de retenue! Ils sont sûrs d’être alimentés pendant de nombreux mois avec de l’argent illimité et gratuit. Ils sont sûrs d’être dans le sens du vent soufflé par les autorités; ils savent que la situation est grave, tellement grave qu’on ne les laissera pas tomber. Bref, toutes les conditions pour un nouveau service de free lunch paraissent garanties. Alors?

Alors? Il y a l’inconnue grecque et plus généralement l’inconnue européenne. L’affaire est tellement mal gérée, tellement conflictuelle, que les risques de défaut, ce que l’on appelle maintenant un « Lehman moment » pèsent dans les esprits et paralysent certains investisseurs. Ceux-là attendent pour voir, ils restent l’arme au pied, en réserve.

Source Wall Street Journal

Alors? Il y a le risque chinois; la situation fondamentale est tellement mauvaise avec une bulle immobilière, avec des créances douteuses qui envahissent le système financier, et avec le maintien d’une inflation élevée, que l’on peut craindre un atterrissage brutal. Bref, là aussi, il y a une couche d’acheteurs craintifs qui hésitent à s’engager.

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Chine: légère contraction de l’activité manufacturière en février (HSBC)

L’activité manufacturière en Chine s’est légèrement contractée en février, selon un indice provisoire publié mercredi par la banque HSBC, qui estime que les risques pour la croissance dans la deuxième économie mondiale se sont renforcés.

L’indice PMI des directeurs d’achat s’établit provisoirement à 49,7, contre 48,8 au mois de janvier. Il s’agit de la contraction la plus faible de l’activité industrielle en Chine en quatre mois.

Un indice supérieur à 50 indique une expansion, et un chiffre inférieur à ce seuil une contraction.

« La croissance reste sur une tendance à la baisse, malgré une légère amélioration de l’indice PMI liée à un regain de production après le Nouvel an chinois » qui tombait cette année le 23 janvier, a commenté Qu Hongbin, principal économiste de la banque pour la Chine.

« Aucun rebond significatif de la demande interne n’est en vue, les faiblesses sont plus accusées à l’extérieur, ce qui renforce la pression à la baisse sur la croissance », estime M. Qu, alors que HSBC signale une baisse des nouvelles commandes à l’industrie, y compris pour l’exportation.

HSBC estime que cette situation devrait inciter la banque centrale à continuer à assouplir sa politique monétaire.

« La Banque populaire de Chine (banque centrale), après avoir procédé à la première baisse des taux de réserves obligatoires des banques cette année, devrait intensifier les mesures d’assouplissement alors que la pression inflationniste continue à diminuer », selon M. Qu.

La banque centrale chinoise a annoncé samedi une baisse, à compter du 24 février, d’un demi point de pourcentage de ces taux de réserves qui déterminent la quantité d’argent que les banques commerciales peuvent prêter.

La baisse des réserves obligatoires, qui sont plus de deux fois plus élevées en Chine qu’en Europe, permet aux banques d’accorder davantage de prêts et de soutenir ainsi l’activité économique.

La croissance de l’économie chinoise est passée de 9,7% en rythme annuel au premier trimestre 2011 à 8,9% au quatrième trimestre.

Le 30 novembre dernier, la banque centrale avait annoncé la première baisse des taux de réserves des banques en près de trois ans, signalant la fin d’un cycle de contraction monétaire entamé à l’automne 2010 pour lutter contre l’inflation.

HSBC publiera son indice définitif pour le mois de février le 1er mars. afp fev12

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Alors? Il y a les enseignements du passé récent. Les observateurs les plus lucides savent bien que l’on a fait une étape de plus dans le déroulement de la crise. Ils savent que si on refait de l’expansion monétaire, c’est parce que les résultats des mesures précédentes sont décevants. Ils constatent que le rendement des stimulations est très faible aussi bien en amplitude qu’en durée. Ils mettent en rapport d’un côté les masses de capitaux exceptionnelles qui ont été engagées, et de l’autre, les résultats obtenus, et ils voient combien cela est dérisoire. Ils craignent que cette fois soit la bonne et que l’on prenne la mesure claire de l’impuissance réelle des dirigeants. Ceux-là donc ne croient pas à un remake du scénario reflationniste positif de 2009/2010.

source The New York Federal Reserve Bank

Tout ceci, mis bout à bout, donne un marché sur la crête, on the edge, ou pour certains, on peut aussi bien s’envoler que s’effondrer! Quitte ou double!

La hausse continue, avec des volumes faibles, et une volatilité très réduite, depuis mi-décembre 2011 est un cas d’école.  Elle est tentante tout en étant inquiétante. Elle a déstabilisé les vendeurs. Elle est en train de faire vaciller les Cassandre, les fondamentalistes. On s’en aperçoit à la lecture de leurs notes, ils sont de moins en moins assurés, ils se trouvent des excuses, ils se ménagent des portes de sortie.

C’est une hausse au cours de laquelle le risque monte, comme la célèbre petite bête; le risque monte car la baisse de la volatilité encourage le leverage. Avec le leverage, tout devient plus fragile. C’est une hausse qui attend ses relais. Les renforts viendront-ils? Réussira-t-on à attirer les vrais investisseurs, réussira-t-on à faire céder le dernier carré des bears, réussira-t-on a attirer le public, le gogo? Tout est là.

source Pragmatic Capitalist

Personne, espérons le ne nous demandera de prendre position. Il est impossible de trancher. En tous cas, sur des bases logiques et rationnelles. La situation est fondamentalement obérée et il y a des précipices béants de chaque côté de l’échelle qui a permis l’escalade des indices. Tout peut arriver, en particulier en Europe. Aussi bien une solution laborieuse et provisoire qu’un cataclysme. Tout peut arriver aux USA car si les Démocrates ont repris du poil de la bête à la faveur d’un meilleur climat, les Républicains ne vont pas en rester là, ils vont tenter de briser le miroir déformant et de crever le petit nuage sur lequel se trouve en ce moment Obama.

Le risque, nous y insistons, n’est pas un risque de marché. Ce n’est pas un risque endogène susceptible d’être mesuré par la volatilité et les corrélations. Non il s’agit d’un vrai risque, d’un risque du monde réel, d’un risque exogène. Le monde réel est fragile, vulnérable. Le risque, s’il se matérialise, ne préviendra pas; il n’y aura pas de précurseur; dans le monde actuel, il n’y a plus d’initiés. La récompense, pour ceux qui participeront au marché, peut être forte et les pertes à l’avenant.

BRUNO BERTEZ Le 20 Janvier 2012

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