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Les Clefs pour Comprendre : Impôts/ L’obscure transparence de la justice fiscale (2ème partie): les vrais débats sont escamotés par Bruno Bertez

Les Clefs pour Comprendre : Impôts/ L’obscure transparence de la justice fiscale (2ème partie): les vrais débats sont escamotés par Bruno Bertez

A propos du débat sur la justice fiscale que j’ai abordé récemment, je souhaite apporter quelques éléments de réflexion et les soumettre à votre sagacité.

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Vous connaissez ma position, à savoir que la question de la justice fiscale ne se pose généralement que lorsque l’Etat a besoin d’augmenter les impôts.

  • Il en découle une première remarque. Toute réflexion sur la justice fiscale est une réflexion sur la hausse des prélèvements de l’Etat. Ce n’est qu’accessoirement que la question de la répartition du prélèvement se pose, elle est secondaire en regard de la nécessité première invoquée par l’Etat. Il est évident que quelque soit le Pouvoir en place il va toujours invoquer la soi disant justice et l’efficacité pour faire passer la pilule de ses ponctions.
  • La seconde remarque s’impose d’elle-même. Si on veut hausser les prélèvements, c’est pour en faire quelque chose, boucher des trous, rembourser des dettes, donner aux uns etc. La question des prélèvements ne peut être dissociée de l’autre côté de la médaille: qui bénéficie de l’argent qui est ponctionné? Donc on ne peut disjoindre ponction et utilisation. C’est globalement que la justice fiscale invoquée doit s’apprécier. Ce n’est pas la même chose d’augmenter les impôts pour sauver les banquiers, les porteurs d’obligations bancaires, les sociétés financières qui ont vendu imprudemment des CDS ou de hausser les impôts pour financer des dépenses keynésiennes, de charité ou d’achat du calme social. Qui dit invocation de la justice fiscale dit obligation morale de préciser sans mensonge quelle va être l’utilisation des ressources confisquées.

    Si, comme dans le cas présent, il s’agit d’un choix fort de société fondé sur des priorités il faut énoncer ces priorités et en montrer la portée. Ici, ce qui est en jeu, c’est l’ordre social kleptocratique fondé sur l’accaparement d’une part de la richesse nationale par la finance, la place de la finance dans la société, sa valeur ajoutée réelle, son influence sur la croissance de l’économie réelle, sur l’emploi.

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Dans une crise de surendettement, crise que j’appelle méchamment crise de l’usure, il n’y a que deux solutions claires, tout le reste est panachage. Les deux solutions claires sont:

 1 – squeezer les débiteurs

2 – squeezer les prêteurs.

 Quand nous parlons de panachage,  nous voulons indiquer que les solutions concrètes sont toujours, même sans le dire, un mélange des deux branches de l’alternative. Un mélange non explicite, mystifiant, souvent présente comme technique.

 Actuellement le choix qui est fait,  sans le dire, est de squeezer les débiteurs, c’est à dire les souverains, c’est à dire les citoyens, c’est à dire les contribuables, les salariés, les retraités, les assurés sociaux etc. C’est cela l’austérité.

 En France, Sarkozy propose de faire un référendum sur l’indemnisation du chômage, bonne idée, mais ne serait-il pas plus adéquat de faire un référendum sur le choix clair, sur l’alternative tracée ci-  dessus? Tout le monde la comprend. Et surtout, de cette réponse dépend tout le reste, tous les autres choix que l’on peut faire. Y compris le choix majeur, fondamental de savoir dans quelle Europe les Français veulent vivre, y compris le compact fiscal, y compris la légitimité des institutions européennes actuelles et futures. Et beaucoup plus encore comme par exemple l’avenir des enfants, la place des personnes âgées dans la société, puisque l’on pénalise l’investissement, l’éducation et l’épargne tout ensemble.

 Dans un autre registre, qui va au fond de la question de la justice fiscale, l’Etat invoque souvent son rôle qui serait de corriger des anomalies, des excès, des inégalités etc. Ceci nous amène à quelques remarques, pistes de réflexion.

 Quelle est la conception de l’Etat, de la société, du système sous-jacente et non dite, posée comme évidence.

 Dans la crise de reproduction du système à l’identique, l’Etat s’arroge le droit de prélever, c’est une évidence, au nom d’un soi disant intérêt général. L’idée serait que tout le monde bénéficie du système, a intérêt à sa reproduction et donc doit contribuer à supporter le coût de son maintien en vie.

Le cas le plus flagrant est celui des riches, des vrais riches ou des faux, on leur dit si vous avez tout cela, patrimoine, richesse et statut, c’est parce que le système vous le donne. Tout ce qu’il vous donne, il peut aussi vous le reprendre, donc estimez-vous heureux que l’on ne vous en prenne qu’une partie: c’est votre contribution, en fait vous payez, mais pour vous.

 Il s’agit bien entendu d’une conception contestable qui consiste, dans l’articulation société/individu a donner le beau rôle à la société et à minorer celui de l’individu. Peut-être que ce n’est pas la société, peut-être que ce n’est pas l’Etat qui est créateur de richesses mais l’individu. Peut-être que l’Etat au contraire est un empêcheur de produire de la prospérité, un gaspilleur, un décourageur.

Happy New Year 1984 - Chemtrails - Cell Phone Towers Radiaction - Security Cams - Orwell World

 Il parait incroyable que ces questions ne soient pas abordées à l’occasion d’une crise majeure, à l’occasion de choix électoraux! La question de la viande hallal, le baiser volé du couple Sarkozy, la grossièreté de la candidate écologiste, les genoux mous de François Hollande sont-ils plus importants que ces questions?

 Dans un autre registre, tout aussi fondamental, celui des questions non résolues que pose la modernité, il y a la question du périmètre national. Elle se pose car il s’agit de savoir jusqu’où dans un monde globalisé l’Etat a le droit d’exercer son pouvoir de prédation sur les individus, les entreprises, jusqu’où doit s’étendre la solidarité nationale des répartitions, allocations et autres. Le jeu ambigu de l’Etat sur le national, son contenu, ses limites n’est il pas contraire à toute idée de justice.

 La modernité modifie le jeu économique, bouleverse l’attribution des richesses et des revenus. Il y a des gens qui deviennent très riches grâce à la modernité de la diffusion de masse. Les stars du spectacle, les sportifs, les entrepreneurs du web, les pdg de classe internationale etc. L’Etat prédateur s’octroie le droit de prélever sur les gains de ces « privilégiés » au nom de la correction des excès, au nom de la justice. De quel droit, en fait, si ce n’est celui du plus fort.

"Stinking" middle-class

 Si injustice il y a dans le monde moderne où « celui qui réussit rafle toute la mise », elle est ailleurs, dans le fait que tous les obscurs qui ont échoué à devenir star, joueur de football vedette, entrepreneur du web, grand pdg, ont travaillé, travaillé très dur souvent et qu’ils n’ont pas été récompensés, pas été rémunérés de leur efforts, de leur travail. La justice serait de prélever peut-être sur ceux qui ont travaillé, réussi et ont été richement rémunérés pour octroyer une rémunération au travail de ceux qui ont fait des efforts mais ne touchent rien. L’Etat dans sa prédation préfère oublier tous ceux sans qui il n’y aurait pas de vedettes, pas de gains scandaleux pour ratisser les mises à son profit.

Stand Up for the Middle Class

 Il ne s’agit ici que de quelques pistes, de bon sens, pas vraiment engagées ou partisanes. Elles méritent d’être explorées. La crise va disloquer les consensus. Le processus ne fait que commencer. Il n’est pas inutile de prendre un peu d’avance et de s’interroger sur les principes, les valeurs qui peuvent être communes ou au contraire diviser. Les questions de justice fiscale, de répartition, de solidarité sont centrales, il serait dangereux de les esquiver.

BRUNO BERTEZ Le 24 Février 2012 

EN LIEN : Les Clefs pour Comprendre : Impôts / l’obscure transparence de la justice fiscale par Bruno Bertez

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6 réponses »

  1. @geoffrey

    Je vous remercie de votre intérêt Je dois vous dire que j’ai pris plaisir à vous lire.

    N’ayant pas encore, à ce stade, résolu les problèmes du communisme réel, et en particulier celui de son Etat, je me contente d’essayer d’apporter un peu d’intelligibilité dans un monde complexe, avec l’espoir que cette intelligibilité concourra à le rendre moins aliénant et plus juste. Le travail de décodage et de dé-lire que je fais permettra peut être, qui sait, de hâter la venue de ce monde communiste que vous semblez souhaiter.

    J’espère aussi par mes textes apporter ma contribution à la réflexion globale des communistes des pays développés , lesquels je n’en doute pas, ont certainement bien conscience du fait qu’actuellement ils sont complices de l’exploitation que l’on peut qualifier de  » minière », pour des salaires de misère, des travailleurs des pays émergents, chinois, indiens , vietnamiens. etc. Je suppose et j’espère que M. Mélenchon ne va pas tarder à nous livrer ses analyses et propositions sur ce point. Pourquoi se contenter d’objectifs médiocres et réducteurs comme le communisme dans un seul pays?

    Par ailleurs je vous invite à réfléchir sur le sens profond de ce que j’écris, car il y a une constante, c’est la démystification de la sociale démocratie. Si je me souviens bien de mes enseignements marxistes, démasquer la sociale demo est une étape essentielle de la marche révolutionnaire vers le communisme. Relisez les travaux marxistes sur l’analyse critique du social demo qu’était Victor Hugo.

    Finalement, je suis peut être plus près que vous ne le pensez de l’objectif que vous me fixez , tant il est vrai que le communisme spontex, émotionnel du type  »ôte toi de la que je m’y mette » est un fourvoiement du vrai communisme. Il conduit et, jusqu’à présent, a toujours conduit à une impasse.

  2. Comment trouver la place de l’individu dans une société qui a perdu ses orientations spirituelles, ou consommation argent est un fin en soi. L’état n’est plus prédateur,que l’individu est créateur de richesse, car dans l’état nous ne voyons qu’un élément unitaire tandis que l’individu est multiple du pire au meilleur.
    Le système est sophistiqué, il repose sur des strates d’histoire, de souffrance,s de combats. Il ne peut pas changer rapidement, trop de forces contraires le compose, mais il se modifie.
    Il n’y a plus de spirituel donc il n’y a plus de combat, tout n’est actuellement que l’affaire de petit boutiquiers.

  3. peut etre que l’état français est encore capable de collecter impots et taxes( sur les classes moyennes uniquement).par contre il est incapable d’en redistribuer les fruits .trop de corruption des gens aux manettes.rétablissons la responsabilité des élus et une justice forte.le seul moyen de reduire l’etat kleptocrate est de réduire son budget,les prélevements qui vont avec.sans contrepouvoirs l’etat est parti pour prélever a l’infini…le bipartisme actuel nous ruinera comme il a ruiné les grecs:choix de l’alternance entre deux partis identiquement corrompus

  4. Bonjour Mr Bertez,

    A la lecture de vos 2 excellents articles une question m’est venue spontanement à l’esprit : que pensez vous du débat politique actuel autour de l’impot, la fortune et les 75% de taux de taxation ?

    vous remerciant par avance de votre réponse….

    • @lanti-these

      J’ai abordé cette question à plusieurs reprises. D’abord sous l’angle systémique, en essayant de montrer que la perversion de la financiarisation produisait structurellement des inégalités critiquables; ensuite sous l’angle de la fiscalité, en indiquant que la justice fiscale n’était pas forcément aussi simple qu’on le disait.

      Dans le cas présent, je resituerais cette question dans l’actualité du débat électoral français.

      Le débat électoral français ne vole malheureusement pas très haut. L’honnêteté oblige à reconnaître qu’à l’étranger ce n’est guère mieux. La perte d’audience de l’écrit qui facilite la réflexion et son remplacement par les mass medias audiovisuels qui excitent les émotions et les passions superficielles ne vont pas dans le sens du sérieux qui sied aux débats de fond.

      On aurait tort cependant d’être totalement négatif, car étant honnête, attentif, on peut, derrière les petites phrases, derrière les affirmations péremptoires, trouver de la matière sérieuse et fondamentale.

      Il suffit de se souvenir du fait que les choses importantes apparaissent souvent, en politique comme ailleurs, sous une forme vulgaire, terre à terre pour ne pas dire mesquines. Et que c’est en tirant sur le fil, patiemment, avec bonne foi, que l’on découvre ce qui se cache derrière l’apparent, le superficiel, le circonstanciel. L’idiotie d’une formule dissimule quelquefois une interrogation qui mérite plus que les rires et les quolibets.

      François Fillon, homme raisonnable s’il en est, vient de qualifier la proposition de Hollande de taxer les revenus de plus de 1 million d’euros à 75% d’idiote. Tout simplement idiote. Réponse du berger à la bergère, Hollande s’est situé sur le terrain de l’imbécillité, Fillon lui a répondu en se plaçant sur le même terrain. A idiot, idiot et demi.

      Hollande s’est enfoncé en balbutiant que l’idée n’était pas de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, mais de moraliser. Comme tous les socialistes constructivistes, Hollande détient les clefs de la vérité, de la morale, les clefs du paradis. Il sait ce qui est moral et ce qui ne l’est pas.

      Pourquoi pas, laissons cela, car là ne se situe pas notre propos. Conscient d’avoir dit une bêtise supplémentaire, Hollande s’est à nouveau corrigé, la taxation à 75% n’est pas censée avoir un effet réel, en fait elle est censée faire réfléchir, dissuader. Réfléchir sur l’état du pays, la situation sociale, se poser la question de savoir s’il est bien opportun de verser pareils revenus ou salaires en ces temps difficiles. C’est déjà moins mal. Encore insuffisant, mais moins mal.

      Pour être cohérent et sortir du ridicule, il faudrait aller jusqu’au bout et oser dire en ces temps difficiles: je pense qu’il faut mettre en place une politique des prix, des salaires et des revenus. Hollande a pointé le bout de son nez de ce côté en proposant le gel de prix sensibles comme les carburants, l’énergie, les loyers. Le tout en vrac, selon les moments et les audiences. Non seulement Hollande connaît ce qui est moral, mais il connaît comme chez But, le juste prix. On peut lui faire remarquer que si on refuse la discipline des prix, alors pour répartir la rareté, il faut réinstaurer le rationnement. A quand la queue aux stations-service.

      Ce n’est pas parce que Hollande dit n’importe quoi que Fillon a symétriquement raison. Il aurait pu se grandir, s’élever en prenant la balle au bond et en dépassant ce qui était une parole de préau de cour d’école laïque pour faire sortir le vrai débat qui se dissimulait et qu’il fallait avoir le courage d’aborder, qu’il faut avoir le courage d’aborder.

      Le débat, c’est celui de la légitimité de la fortune, de la richesse, des hauts revenus et le rôle de la fiscalité dans ce débat. Par le petit bout de la lorgnette, Hollande a lancé un débat fondamental, central, dans la situation de crise ou de transition économique, comme l’on veut, qui est celle de l’Europe. Il fallait, compte tenu des qualités personnelles de Fillon, oser relever le débat, le formuler, le clarifier. Oser clarifier et sortir de la confusion honteuse dans laquelle la droite se réfugie.

      Le secrétaire général de l’UMP, Copé, est excellent, il a certainement un grand avenir politique devant lui s’il est capable de sortir de sa ville de Meaux et de prendre l’air et la dimension du large. S’il amène un peu de réflexion, un peu de vision dans son excellente communication. Il a abordé la question de fond, à savoir comment se justifient les inégalités de richesse et de revenus, pourquoi il faut être prudent et non confiscatoire. En deux mots, il ne faut pas décourager ceux qui étudient, font des efforts, investissent, prennent des risques; si on le fait, ceux-là vont faire la grève, cesser de se fatiguer, in fine ils vont aller ailleurs, là où la règle du jeu est moins confiscatoire.

      De fait, c’est une observation pratique, historique, géographique, les gens cessent de se dépenser si on les prive de la récompense, du produit qu’ils en attendent. Et à l’échelle d’un pays, cela se traduit par une baisse de l’esprit d’entreprise, une chute de l’investissement, moins de croissance, c’est le fondement de la théorie de l’offre.

      Notre sentiment est que ce type d’argument et de raisonnement n’est pas recevable politiquement. De façon simplifiée et cynique, il revient à dire : tolérez tout cela, c’est un mal nécessaire sinon vous vous trouverez au chômage. Cet argument appelle peu à la masse de Français qui sont fonctionnaires, qui sont smicards ou encore au chômage. Son cynisme à peine voilé a quelque chose de révoltant qui le déqualifie. Il passe encore moins auprès de tous ceux qui n’ont rien à perdre et il y en a beaucoup, ne serait-ce que du côté des jeunes.

      Par ailleurs, il est historiquement dépassé depuis l’avènement incontestable du nouveau système économique et social qu’est la financiarisation avec ses sponsors ploutocrates et kleptocrates.

      Le malaise est universel, il suffit de d’observer et de prêter attention au mouvement mondial épinglé sous le nom de révolte des 99% contre les 1%. Occupy-quelque chose est un phénomène mondial.

      Même le parti communiste, pourtant toujours en retard dans ses analyses, l’a compris, lui qui dans la bouche de Mélenchon a abandonné la lutte des classes pour se rallier à la lutte contre la ploutocratie. Voir les différentes interviews du candidat du front de gauche sur ce sujet. Il se présente encore comme candidat anticapitaliste, mais son analyse et sa stratégie politique visent à constituer un front anti ploutocratie.

      La mutation du système capitaliste, libéral, en système kleptocratique, dominé, non pas par les financiers, mais par la logique de la financiarisation, cette mutation a produit ce qui est, ce qui est ressenti comme un scandale, une injustice intolérable.

      D’abord, il y a eu la constitution de fortunes rapides, bâties sur les dettes et le jeu sur les marchés, le tout solvabilisé par les largesses hétérodoxes des banques centrales. Fortunes dont les détenteurs ont eu l’intelligence de partager les miettes avec les managers pour qu’ils les maximalisent. Problème conjoint des enrichissements des riches et de leurs gestionnaires.

      Ensuite, il y a eu le scandale de la crise de 2008. Spectacle insupportable que cette révélation que le capital financier spéculait sur tout et n’importe quoi. Ce « capital, comme disait Leo Ferré, qui joue aux dés notre royaume »! Spectacle déprimant que cette faiblesse des états souverains soumis au chantage et qui acceptent tout, sous la menace du déluge et du chaos. Révélation de la réalité et de la profondeur de la capture, de la collusion du pouvoir politique dépensier avec les banques qui le financent.

      Enfin, il y a le cynisme de l’austérité qui consiste, pour solvabiliser les souverains et leur permettre de rembourser leurs dettes aux banques, à ponctionner les citoyens, augmenter leurs impôts, réduire leurs prestations, fermer leurs entreprises, les mettre au chômage et, en plus, rogner sur les indemnités. Le fameux et très juste slogan des Occupy: privatisation des gains, socialisation des pertes, résume tout cela.

      Pas besoin d’être expert en statistiques pour toucher du doigt le sens profond de ce qui se passe, de ce qui se joue: dans la mondialisation et son avatar, la financiarisation, les profits, ont fait un bond historique; grâce aux largesses monétaires laxistes des banques centrales, ces profits ont été capitalisés sur les marchés, les riches et leurs gestionnaires sont plus riches et les citoyens, la masse des citoyens, n’ont eu que quelques miettes. Et encore bien souvent à crédit. Et ces miettes, on veut, en plus, les leur reprendre.

      C’est tout cela qui se cache derrière les 75% de Hollande. La volonté de confiscation fiscale est le mode d’apparaître simplet, démago, populiste, du vrai problème décortiqué ci-dessus. Un mode d’apparaître dangereux, idiot même, comme le dit Fillon, qui consiste à jeter le bébé avec l’eau du bain, qui consiste à ratisser des voix malhonnêtement. La preuve? Hollande est allé à Canossa à Londres, faire amende honorable auprès de la sociale démocratie fabienne, garante de l’exploitation financière qu’est la City. Hollande sait qu’il n’apporte pas de réponse au vrai et terrible problème qui, maintenant, se pose aux classes politiques.

      Dans une optique révolutionnaire, le problème, cela peut être la richesse en elle-même, la propriété des moyens de production, le pouvoir du capital etc. Mais, nulle part, la situation n’est révolutionnaire, personne n’a envie ou les moyens de faire la révolution. Le problème, c’est la dérive de nos sociétés depuis deux ou trois décennies. C’est cette dérive qui est inacceptable.

      La richesse, les hauts revenus, la plus grande partie de nos sociétés l’accepte ou la tolère, mais encore faut-il qu’elle soit légitime. Légitime. Voilà le grand mot: la richesse actuelle, celle que nous avons devant les yeux, est considérée comme illégitime.

      Elle est illégitime parce qu’elle n’a pas su assurer la progression des niveaux de vie, parce qu’elle n’a pas su assurer l’emploi, parce qu’elle n’a pas procuré la sécurité. Au lieu des promotions, elle a produit les déqualifications en masse. Au lieu de multiplier les ascenseurs sociaux, elle a mis les jeunes, même qualifiés et éduqués, au chômage.

      Dans nos sociétés, qu’on le veuille ou non, être riche, gagner beaucoup d’argent, c’est être porteur d’une responsabilité sociale, celle de conduire la société vers un mieux-être, pas vers la régression et l’austérité. Qu’on le veuille ou non, être riche, c’est faire partie de l’élite, du fer de lance de la société, ce n’est pas être envié, mais respecté et admiré.

      Si François Fillon, qui n’est pas un mauvais, avait saisi l’occasion des 75% pour montrer qu’il avait compris ce qu’il y avait derrière, que l’enjeu était celui de reconstruire un nouveau pacte social, raccommoder le tissu social déchiré, alors il aurait eu une chance de rattraper les classes moyennes qui sont en train, une fois de plus, de se fourvoyer.

      Merci de votre intéret

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