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L’Edito du 10 Avril 2012 : La crédibilité s’use quand on s’en sert Par Bruno Bertez

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L’Edito du 10 Avril 2012 :  La crédibilité s’use quand on s’en sert Par Bruno Bertez

Le présent billet n’est pas à destination boursière. Par conséquent, le pessimisme, ou l’optimisme, qui pourrait s’en dégager n’est en rien indicatif d’une position sur les marchés. Les sentiments boursiers sont ce qu’ils sont, sur le court et moyen terme les marchés ont leur logique propre, laquelle ne coïncide pas avec la logique tout court. 

Depuis leur plus bas au cours des 6 derniers mois, les bourses mondiales ont connu un rally fantastique.
Sauf erreur de notre part, elles ont monté de 30% en moyenne. Deux sont en pointe et ont fait mieux, l’Allemagne et le Brésil, avec des hausses de près de 45%, quatre ont fait moins bien, la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Canada,  la Chine, avec des hausses de 15 à 20%.

   Vous remarquerez, à la fois l’unanimité des hausses, mais aussi la ligne de partage entre les bourses qui ont monté plus que la moyenne et celles qui ont monté moins: l’observation la plus nette est la performance « faible » du bloc Chine/commodities.
La Chine semble « plomber » en quelque sorte les pays qui lui sont arrimés, soit réellement, soit simplement conceptuellement.

L’événement marquant de la période a été le gonflement sans précédent des bilans des banques globales, ce gonflement est général, synchronisé. C’est la première fois que l’on voit pareil phénomène avec une telle ampleur et une telle extension.

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Le système bancaire mondial est inondé de liquidités quasi gratuites, qu’il ne prête pas, qu’il stocke en grande partie. Nous disons en grande partie, car il y a une fraction qui, elle, va chasser le rendement spéculatif sur les marchés. Le non risk ne rapporte rien, donc on stocke les liquidités, le risk élevé à retour rapide est chassé en coup de fusil, en prédateur. Le crédit à l’économie, nous parlons du crédit privé, reste bloqué, la vitesse de circulation de la monnaie continue de chuter. La poursuite de la baisse de la vélocité de la monnaie témoigne à la fois de la non transmission des politiques monétaires à l’économie réelle, de leur échec, et de l’ampleur de « l’impairement», de la dégradation du système financier global.

Les politiques monétaires sont clairement inefficaces sur la production et l’emploi.
Elles ont un effet limité que nous appellerons effet d’ambiance, elles évitent la sinistrose, les titres de médias catastrophistes. Elles jouent par le soi-disant effet de richesse, le wealth effect, elles jouent par le biais du sauvetage, du maintien en vie d’une grande partie de l’appareil bancaire, par le maintien en survie, respiration artificielle, des finances des grands pays industrialisés.

 Contrairement à la propagande qui essaie de faire prendre des vessies pour des lanternes et feint de s’indigner que l’appareil bancaire ne fait pas son travail, les politiques monétaires de gonflement des bilans des banques centrales ne sont que des politiques de sauvetage des gouvernements surendettés et de leurs prêteurs, les banques. Et comme la situation est grave, catastrophique, et que l’on ne peut agir avec discernement sous peine de se tromper, on arrose, on noie indistinctement pour être sûr qu’il y aura assez de liquidités pour masquer la faillite du système. C’est la raison pour laquelle le système bancaire mondial est à la fois en situation de faillite ou d’insolvabilité et, en même temps, assis sur des trillions oisifs ou en dépôt auprès des banques centrales. Le paradoxe, vous le comprenez, n’est qu’apparent ; c’est parce que le système est détérioré, mais que l’on ne peut être sélectif dans les remèdes que l’on en est réduit à suralimenter en liquidités, à overshooter.


C’est l’existence de cet overshooting, de cet excès, de ce débord, qui provoque et explique le rally des marchés. Ce n’est absolument pas l’espoir, l’arlésienne, de la reprise autoentretenue: ce qui est lié à la reprise, les commodities, les facteurs de production sont atones, encéphalogramme plat ou pire.

Malgré quelques statistiques positives biaisées par une météo incroyablement favorable, les autorités américaines ont maintenu le suspense ou l’espoir de prochaines largesses monétaires. Elles ont soutenu les marchés, par la parole. Elles savent bien qu’ajouter encore des liquidités ne servirait à rien au plan réel, cela ne servirait qu’à gonfler la bulle spéculative des bourses, donc à fragiliser, et surtout à enfler les cours du pétrole, laquelle réduit le pouvoir d’achat disponible et accentue la tendance déflationniste. Parler est donc la meilleure solution, cela ne coûte rien… tant que cela marche. Mais il ne faudrait pas que le bluff soit découvert, il serait dramatique que l’on sache que le roi est nu, il serait dramatique que la dernière bouée, fut-elle fictive, soit percée. Le mythe de la toute-puissance doit être entretenu, il doit survivre à tous les échecs

Le principal obstacle à de nouvelles initiatives monétaires non conventionnelles n’est pas technique: absence de treasuries courtes pour faire le twist américain, absence de collatéraux x pour les LTRO de  la BCE, ce n’est pas non plus l’inflation, non, c’est la crédibilité: elle s’use quand on sert trop sans résultat!

Compte tenu du raccourcissement de l’échelle de temps, compte tenu de l’effet d’apprentissage, compte tenu du renforcement des conséquences non voulues, la crédibilité doit maintenant être utilisée avec parcimonie, économisée. Les conséquences négatives, qui entrent dans le bilan, la balance des avantages et inconvénients des politiques monétaires non conventionnelles, sont devenues trop évidentes. Sans compter tout ce que l’on ne voit pas, mais que les autorités, elles,  connaissent. L’allocation délirante du capital, accumulation de capital non productif, le découragement de l’épargne, le détournement des énergies entrepreneuriales etc.

 

Nous sommes au stade, pas encore évident pour le public et ses médias, ou le kick the can, la tentative de booster le court terme, se heurte en profondeur aux structures du long terme, le compromettent.

Faut-il continuer à détruire plus pour des petits bénéfices temporaires de court terme; les oppositions au sein de la FED ou au sein de l’Europe à la poursuite des politiques monétaires en cours tournent autour de cette question.

Avec les « miss » des dernières statistiques économiques, les déceptions sur l’évolution conjoncturelle aux Etats -Unis, les craintes de récession sont, à juste titre, ravivées. L’Europe est à nouveau sur le bord d’une crise financière, la Chine et l’Inde vacillent coincées entre les déséquilibres fondamentaux et l’inflation, le Japon s’enfonce dans le désastre économique, financier, politique et démographique. Le seul recours à nouveau est la BoJ.

Si le suspense de futures initiatives monétaires venait à disparaitre, soit par l’annonce de nouvelles mesures, soit par la généralisation du doute, les marchés risqueraient d’être livrés à eux-mêmes, c’est à dire aux lois naturelles de la gravité. Tout ce qui est soutenu finit toujours par tomber, c’est une loi incontournable. Espérons que le soutien par la parole et les discours fonctionnera encore quelque temps.

Pendant ce temps, le fiscal que l’on a eu tendance à oublier, les feux étant sur le monétaire, le fiscal, comme une taupe, ronge le fondamental.

En fin 2012, c’est à un véritable mur fiscal que vont se heurter les Etas Unis avec un fort relèvement automatique des prélèvements. En Europe, c’est la même chose, soit en raison des mesures de réduction des déficits déjà décidés, soit en raison de celles qui ont été différées.

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France / Exilés fiscaux: le décret sur « l’exit tax » publié au Journal Officiel

Le décret sur « l’exit tax » qui vise à imposer les revenus du patrimoine des contribuables aisés cherchant à s’expatrier pour échapper à l’impôt en France a été publié au Journal officiel.

Le texte « relatif à l’imposition des plus-values et créances en cas de transfert du domicile de France » est entré en vigueur au lendemain de sa publication samedi et s’applique rétroactivement « à compter du 3 mars 2011 ».

Selon le ministère du Budget, toute personne quittant la France « avec un patrimoine mobilier de plus 1,3 million d’euros devra déclarer au fisc la valeur de ce patrimoine au jour du départ et la plus value latente, autrement dit sa valeur au jour du départ diminuée de la valeur d’acquisition ».

« Le paiement n’interviendra que plus tard, si ce patrimoine mobilier est cédé dans les 8 ans qui suivent l’expatriation », précise-t-il.

L' »exit tax » sera du même montant que l’impôt qui aurait frappé le même contribuable resté en France, à savoir 19%, auxquels s’ajoutent 15,5% de prélèvements sociaux. Pour éviter la double imposition, l’impôt éventuellement payé à l’étranger sera cependant déductible de l’impôt dû en France.

Les premières déclarations devront être transmises au fisc en même temps que celles de l’ensemble des revenus, dès mai prochain.

A la mi-mars, la ministre du Budget Valérie Pécresse avait dit en attendre un rendement annuel de 200 millions d’euros pour les caisses publiques. Powered by: AFP

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Nous pensons qu’au-delà des chiffres, des effets mesurables, le fiscal va jouer un rôle très négatif dans les pays développés. Les gens normaux ont perdu de l’argent en 2008/2009, ils n’en ont pas gagné en 2010/2011. Prudents, frigorifiés face à l’escarpolette des marchés, ils ont conscience de l’instabilité fiscale et règlementaire en préparation, laquelle se traduira par de lourdes ponctions, ils savent aussi que la maitrise de la hausse des prix est un mythe, tout ceci plaide en faveur d’une frilosité renforcée.

Les comportements vont s’infléchir dans le sens de la rétention, de la préservation, surtout dans le secteur de petites et moyennes entreprises où la ligne de partage entre la situation personnelle de l’entrepreneur et celle son entreprise est ténue, voire inexistante. Les effets directs du laminage dû à la crise, les effets indirects de l’aggravation des confiscations fiscales, les effets sournois du renchérissement, tout cela va se composer, s’additionner, pour réduire les propensions à investir et consommer et renforcer l’attrait de la thésaurisation.

BRUNO BERTEZ Le 10 Avril 2012

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