L’erreur fondamentale d’une époque à la dérive par Pierre Leconte
Avec «Le Guide de l’investissement en or» (Jean-Cyrille Godefroy Editions), Pierre Leconte explique comment la manipulation de la monnaie par les Etats et les banques centrales conduit inévitablement à un endettement démesuré. Pour lui, la crise ne pourra que s’étendre et conduira à une vague hyper inflationniste ruineuse. La parade à un tel désastre qu’il propose: l’investissement de nos économies en métaux précieux. A condition bien sûr d’en connaître les grandes caractéristiques et de savoir comment les utiliser.
De nombreux économistes, y compris ceux qui sont drogués aux thèses étatistes, estiment que les liquidités internationales actuelles sont excessives en quantité, de mauvaise qualité comme trop mobiles.
Excessives en quantité, parce que les réserves de change ont vu leurs montants croître ces dix dernières années dans des proportions exponentielles (déficits américain et européens obligent) bien supérieures à la croissance économique réelle, d’où leur caractère structurellement inflationniste: la liquidité offerte par les banques centrales a crû pour la seule année 2009 de 140% aux Etats-Unis et de 40% dans la zone euro!
De mauvaise qualité, parce qu’elles sont constituées de monnaies de papier créées ex nihilo gagées sur le néant n’étant finalement que des instruments de crédit au bénéfice des Etats, ainsi que l’avait remarqué Raymond Aron qui écrivait: «Lorsque la monnaie cesse d’être un bien réel ou de se référer à un bien réel, elle devient un bon d’achat peu discernable du crédit».
Trop mobiles, parce que n’ayant plus aucun ancrage réel, elles varient constamment les unes par rapport aux autres dans de très fortes proportions et se déplacent dans le temps et dans l’espace à grande vitesse pour des montants considérables. Ce qui entraine toutes sortes d’effets secondaires la plupart du temps négatifs, comme les bulles d’actifs qui finissent toutes par exploser avec les effets de paupérisation que cela entraîne pour la plupart des agents économiques (des millions d’Américains ne seraient pas aujourd’hui à la rue si la Federal Reserve n’avait pas laissé la bulle immobilière se produire à une aussi grande échelle et ses effets secondaires -comme la titrisation du subprime s’installer avec son approbation).
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Patrick Artus et Olivier Pastré dans leur livre Sorties de crise (Perrin), très «pensée unique», écrivent: «La liquidité mondiale devrait être considérée comme un bien collectif mondial et sa croissance faire l’objet d’une intense coopération internationale. C’est pourtant l’inverse qui se produit: cette sur-liquidité résulte de l’incapacité des pays à coordonner leurs politiques monétaires, budgétaires et de crédit». Là encore, comme dans les analyses de Jacques Attali, le problème est correctement posé, mais la préconisation pour tenter de le résoudre est la pire qui puisse être. Puisque ces auteurs proposent en réalité, les politiques monétaires discrétionnaires des banques centrales nationales ayant déjà échoué (en particulier dans la zone euro), d’instaurer une centralisation mondiale monétaire, budgétaire et du crédit de type collectiviste confiée à un monstre bureaucratique monopolistique international qui serait chargé de gérer tout cela, sans avoir à en rendre compte aux peuples ni tenir compte de leurs besoins différenciés. Avec les effets hyper-inflationnistes qui résulteraient de la création d’une sorte de super FMI concentrant dans ses mains tous les pouvoirs dans ces domaines. Alors même qu’il importe de laisser le marché, c’est-à-dire les agents économiques, décider -de façon décentralisée eux-mêmes librement de la quantité de monnaie et de crédit dont ils sont les seuls à savoir celle dont ils ont vraiment besoin, mais aussi de rétablir un étalon monétaire stable et identique sur lequel toutes les monnaies seraient gagées au lieu de continuer avec les monnaies de papier dirigées.
Friedrich von Hayek écrivait à ce propos: «L’illusion que le monopole gouvernemental assurerait aux divers pays une monnaie meilleure que le marché a dominé le développement des institutions monétaires. Mais le fait certain est que, partout où l’exercice de ce pouvoir ne fut pas limité par quelque mécanisme automatique comme l’étalon-or, il a été frauduleusement utilisé au détriment des peuples». Ce qui conduisait le même Hayek à proposer la création d’instruments monétaires concurrentiels – donc librement choisis par leurs utilisateurs – pour se substituer à ceux exclusivement fiduciaires et étatiques à cours forcé, donc imposés et manipulés, existants actuellement au juste motif que: «Nous n’aurons pas de monnaie honnête tant que d’autres que les gouvernements en fonction n’auront pas le droit d’en proposer de meilleure que celle de leur fabrication». Ce serait assurément la meilleure solution pour discipliner, stabiliser et réduire l’émission monétaire comme pour contraindre États et banques centrales à cesser leurs pratiques destructrices, puisque les utilisateurs de monnaie (que nous sommes tous) pourraient ainsi exercer leur libre choix entre les monnaies fiduciaires étatiques actuelles (qu’ils rejetteraient probablement en masse) et celles qui pourraient être créées par des institutions privées, dont certaines seraient évidemment gagées sur l’or ou d’autres actifs réels (qui seraient évidemment plébiscitées).
Compte tenu de l’évolution vers la généralisation de la monnaie électronique pour les transferts bancaires et de l’utilisation des cartes de crédit pour les paiements courants, il est peu probable que les pouvoirs publics puissent encore longtemps conserver leur monopole monétaire qu’aucun argument sérieux, ni scientifique ni historique, ne justifie. Pas même l’idée d’un «prêteur en dernier ressort», supposé éviter le risque d’écroulement systémique d’un Système bancaire ou monétaire qui, dans le cas du mécanisme de l’étalon-or n’est pas nécessaire, puisque -par définition les réserves d’or garantissent ce risque de façon beaucoup plus crédible que l’utilisation actuelle de la planche à billets. D’autant que l’implosion des monnaies étatiques de papier, les unes après les autres, a toutes les chances de se produire lorsque les US Treasury Bonds ou Bills -dans lesquels est conservé l’essentiel des réserves de change de la plupart des banques centrales et de l’épargne de plus en plus de ménages ou institutions finiront par s’écrouler quand prendra in leur actuelle sur-évaluation à l’occasion du krach obligataire final, provoqué par l’échec des pratiques de Quantitative Easing ou bien par la probabilité d’un défaut de paiement limité, voire global, sur la dette des Etats-Unis ou celle d’un État européen, petit ou grand.
Pour revenir à la situation actuelle, c’est évidemment la croissance ininterrompue des liquidités internationales qui a permis au marché des dérivés, en particulier de crédit, d’atteindre le chiffre faramineux de 60.000 à 70.000 milliards de dollars (selon les évaluations nécessairement imprécises), une multiplication par plus de 100 en dix ans! Dont on ne parle pas, et que l’on se refuse évidemment à activer dans le cas du défaut grec, de peur qu’une vague de faillites des firmes (dites «rehausseurs» de crédits) très sous-capitalisées qui théoriquement le garantissent emporte toutes les banques et compagnies d’assurance qui y ont recours (quid dans ce cas des capitaux placés en assurance-vie?). Sans compter que les mouvements massifs de hot money -propres à l’économie de spéculation provoquée par l’instabilité des monnaies de papier déstabilisent les pays émergents, dans lesquels ils affluent puis refluent, provoquant ainsi d’inutiles crises venant de la surévaluation puis de la sous-évaluation de leurs monnaies et actifs boursiers ou obligataires sans rapport avec la réalité, mais seulement avec les différentiels temporaires de taux d’intérêt entre pays.
Récemment, le Brésil et même la Russie ont été contraints de mettre en place des mécanismes visant à restreindre l’arrivée massive de capitaux chez eux pour stopper la surévaluation de leurs monnaies et actifs précités. Quant à la Chine, elle tente de ralentir chez elle le plus possible la hausse des prix de l’immobilier, dont elle sait que leur écroulement inéluctable -si rien n’est entrepris pour calmer l’exubérance actuelle provoquera in fine la ruine de ses classes riche et moyenne qui commencent à se constituer. C’est l’une des raisons qui la pousse à refuser la réévaluation massive et la libre convertibilité du yuan, parce qu’elles feraient vraisemblablement monter -à court terme tout au moins à des niveaux stratosphériques le taux de change externe de sa monnaie comme les prix de ses actions et de son marché immobilier. Le paradoxe étant qu’il faut que ce soit un pays se revendiquant du communisme qui nous apporte la démonstration des vertus des taux de change ixes, sur lesquels s’est appuyé le libéralisme authentique d’avant 1914!
La Grande Crise du XXIe siècle n’est pas une crise d’insuffisance de liquidités mais une crise de solvabilité. Il ne faut donc pas émettre toujours plus de fausse monnaie via l’utilisation maximale de la planche à billets, mais il faut au contraire rendre leur crédibilité aux monnaies actuelles.
En l’absence de réforme du SMI par le retour à l’étalon-or (soit imposée de force par le marché en faisant monter le prix de ce métal au ciel, soit décidée par les pouvoirs publics) qui, en l’état actuel des connaissances et de la confiance que suscite le métal précieux, est le seul mécanisme simple et politiquement neutre susceptible de régler la plupart des problèmes précités -en particulier parce qu’il est urgent de casser tout lien entre l’État et la monnaie qui doit être régulée par des mécanismes automatiques à la place des politiques discrétionnaires des banques centrales-, l’accroissement et la volatilité des mauvaises liquidités mondiales actuelles entraineront tôt ou tard l’explosion systémique de tout le Système bancaire et monétaire. Nous prenons cette inéluctable explosion toujours en compte dans notre stratégie d’investissement, parce qu’il s’agit-là d’une certitude (peut-être la seule que l’on peut avoir en matière financière) et que personne ne peut prévoir le timing de son avènement, même si de plus en plus de craquements annoncent qu’on n’en est plus très loin! La question du passage de la déflation rampante actuelle à l’inflation (et/ou à la stagflation, ce qui revient au même), puis à la dépression hyper-inflationniste.
Nous ne reviendrons pas sur la démonstration de l’existence d’une déflation rampante certaine dans l’économie occidentale actuelle qui tient à cinq facteurs principaux:
1. libre-échange faussé par les manipulations monétaires aux fins de dévaluations compétitives,
2. endettement généralisé très excessif, constamment encouragé par les banques centrales,
3. chômage massif pesant à la baisse sur les salaires,
4. chute du commerce international (que reflète l’effondrement du Baltic Dry Index), 5. chute de la vitesse de circulation de la monnaie (les détenteurs de cash augmentant leurs encaisses de précaution) et
6. trappe à liquidités, dans laquelle se perd pour le moment la création artificielle de liquidités ex nihilo aussi massive soit-elle par les banques centrales, qui n’atteint pas l’économie réelle mais seulement la sphère des marchés financiers les plus spéculatifs.
Pour ce qui concerne le passage de la déflation rampante à l’inflation (et/ou à la stagflation), donnons encore la parole à Ludwig von Mises: «Ce que l’État dépense ne peut être pris que de deux sources: des revenus ou du capital des citoyens. Un troisième moyen n’existe pas. Dans le cas où les gouvernements ou parlements sont, d’une part, trop faibles pour limiter leurs dépenses, et que, d’autre part, ils reculent devant l’impopularité de nouveaux impôts, et si, enfin, ils ne peuvent contracter d’emprunt, alors ils recourent à la dernière solution qui est l’inflation».
Pierre Leconte / Agefi mai12
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