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L’Edito du Dimanche 14 Octobre 2012 : Au voleur, au voleur! Quand le pillage est organisé Par Bruno Bertez

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L’Edito du Dimanche 14 Octobre 2012 : Au voleur, au voleur! Quand le pillage est organisé Par Bruno Bertez

Comme le dit Aznavour, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre.

Un temps où la morale existait encore, où le cynisme ne régnait pas en maître et où ceux qui dérogeaient étaient punis.

Un temps où la kleptocratie n’imposait pas ses lois et où les manquements à l’éthique étaient sanctionnés, à tous les niveaux.

   En ce temps-là, il était de pratique courante que les émetteurs  obligataires rachètent leurs  titres obligataires avant l’échéance,  ils avaient un programme de rachat, lequel était avantageux pour la société en raison des décotes observées, dans certaines conditions, sur les titres concernés.

Comme il y avait une décote, il y avait un écart, un bénéfice. Il y avait du gras, un petit gras; mais un petit gras prélevé sur des dizaines ou des centaines de milliers de titres, cela fait du beurre dans les épinards ou de la graisse dans le cassoulet. D’autant que certains émetteurs avaient des dettes colossales et multiples.

La pratique était que le donneur d’ordre, le représentant de l’institution émettrice qui souhaitait racheter ses titres, se mette en cheville, en compte à demi avec  l’intermédiaire boursier chargé de l’opération pratique du ramassage. L’intermédiaire pour son compte et celui de son associé, achetait en avance sur le marché, front-runnait l’ordre réel, final, se mettait donc au milieu et empochait un écart. Ecart qu’il rétrocédait en partie à la personne qui lui avait confié l’ordre de ramassage.

C’était en quelque sorte une opération d’initié sur le dos de l’institution finale qui rachetait les titres. Pas seulement d’initié, mais aussi contraire à l’éthique, puisque le client final n’était pas vraiment bien servi, il était traité comme un pigeon. Son prix de revient n’était pas aussi bon qu’il aurait pu être.

Les bonnes choses ont une fin et les autorités boursières ont mis leur nez dans cette pratique, elle a été stigmatisée et punie.

On a beau avoir de la sympathie comme nous, pour les marchés à l’ancienne, on ne peut qu’approuver et encourager la sanction de ces pratiques. Elles sont, vues avec les yeux de maintenant, infâmes.

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Il fut un temps aussi où les Banques Centrales avaient une morale. Elles n’annonçaient pas, pour le bénéfice de quelques happy few, les futures décisions, les futures politiques monétaires. Il n’y avait pas, en ce temps-là, de pre-commiment. C’était la pratique normale, morale, on ne révélait par avance, en langage codé ou non, à la classe des kleptos et des banquiers ce que l’on allait faire. La Bundesbank, dont la politique monétaire était sérieuse et rigoureuse allait plus loin, elle s’efforçait de prendre les marchés à contrepied, de les surprendre. Cela décuplait l’efficacité de ses interventions et de ses changements de politique. Pour parler comme en Bourse, il n’était pas facile de lui jouer sur le poil, de la front runner. 

Trichet s’est tenu à cette politique et il doit en être remercié. Il y avait encore quelque chose de la Buba chez cet homme, malgré quelques entorses.

La Fed, détenue, dirigée par les kleptos et leur clique, mène une politique radicalement opposée. Non seulement, elle annonce en langage codé ses precommitments, elle fait des precommitments, mais elle fait des réunions secrètes privées avec la classe klepto, banquiers et hedge funds, pour passer les sous titres et recueillir leurs réactions.

On comprend que les  « desk » de Morgan, Goldman, ou encore Citi aient du mal à enregistrer un jour de pertes dans leurs spéculations. Pour perdre quand on a toutes les cartes en mains, y compris le jeu des adversaires, il faut vraiment être nul. Mais cela arrive, c’est vrai.

Dans le cadre de cette connivence, qu’en d’autres temps on aurait appelé « association de malfaiteurs », les banquiers anticipent les achats ou ventes du public, en fonction à la fois de la stratégie de la Fed de New York, en fonction  de leur stratégie propre, en fonction de leur manipulation de l’information, soit par les médias, soit par leurs notes privées. Nous vous conseillons de revoir le film, La Banquière, avec Romy Schneider, on n’a pas fait mieux sur les pratiques boursières. Tout est encore valable, aujourd’hui.

Les Banques Centrales honnêtes savent que la communauté spéculative mondiale dispose de moyens considérables, qu’elle a les cerveaux les plus affutés, sinon les moins scrupuleux, et donc annoncer par avance ses futures opérations sur les marchés,  c’est s’exposer à l’inefficacité, aux détournements, aux prélèvements malhonnêtes.

Il est évident qu’une commission d’enquête compétente, faite par un type comme Spitzer, par exemple, ferait ressortir que chez les Banques Centrales,  il y a des comptes à demi avec les banquiers, exactement comme cela se faisait dans les temps anciens entre les émetteurs qui rachetaient leurs obligations et les intermédiaires chargés d’y procéder.

L’argument de la Fed, fallacieux, pour annoncer ses intentions, faire du précommitment, c’est que c’est avantageux!

La question est de savoir pour qui? Pressée dans ses retranchements, elle avoue, cela évite à la place financière d’être surprise, prise à contrepied, de perdre de l’argent, ainsi elle transmet mieux la politique que nous voulons suivre. Diantre ! De là à ne pas perdre de l’argent et à en gagner sur le dos du public et des Trésors Publics, il n’y a qu’un pas qui a été vite franchi.

Notre Draghi n’est pas intelligent, mais il est rusé. Il a été VP chez Goldman Sachs, il connait toutes les ficelles. Il maitrise les arcanes de la spéculation, ses méthodes. Il est lui-même un membre de ce que nous appelons la communauté spéculative mondiale. Il est membre, fournisseur, associé etc.

Dans la grande révolution des principes de la BCE que nous avons épinglé dans nos articles, « Draghi prend le pouvoir » et « Le crime de Draghi », il y a un fil conducteur, c’est l’alignement sur les pratiques de la Fed.

L’alignement consiste à  se mettre cyniquement au service des kleptos et à leur faire gagner de l’argent. Donc Draghi a choisi d’annoncer par avance ce qu’il va faire, de pratiquer le précommitment. Il a annoncé qu’il allait acheter sans limite sur le marché les obligations décotées, comme nos compères ci-dessus, soutenir les prix, faire chuter les taux. Bref, il va faire comme nos complices de l’ancien temps, il va racheter sans limites les émissions en cours. Mais attention, il va faire pire qu’eux, il ne va pas chercher à optimiser l’usage des fonds ; au contraire, il va chercher à en gaspiller le plus possible. Il va chercher non pas à avoir le meilleur prix de revient de ses achats mais le pire, le plus mauvais. Il va chercher à obtenir le prix le plus élevé et le rendement le plus bas! Ah le fameux tiers payant!

Bill Gross, chef klepto de génie, bon joueur de poker formé à Las Vegas déclare : « Nous sommes en train d’acheter ce que la Fed et la BCE vont acheter ». Notre ami Bill, c’est la bagatelle de 1,7  trillions sans compter les leverages directs, les leverages par le biais des dérivés. Quand il bouge, c’est en masse par dizaines et quelquefois centaines de milliards comme il l’a fait récemment sur les MBS en  front-runnant le QE3. Nous vous laissons le soin de calculer le prélèvement ainsi opéré sur la richesse mondiale. Gross achète la dette espagnole et italienne, cela est confirmé par les gens proches des marchés.

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La nouvelle a été annoncée sur Twitter. Pimco, le plus gros gestionnaire obligataire au monde, est de retour sur le marché des emprunts d’Etat espagnols et italiens. Aux mois d’août et septembre, il est passé d’une position «sous-pondérer» à une pondération «neutre» sur les titres de maturités courtes émis par les deux pays.

Comment expliquer ce revirement ? « En annonçant son programme d’achats de dette d’Etat appelé ‘OMT’, la Banque centrale européenne (BCE) a confirmé son rôle de prêteur en dernier ressort. Pour nous et pour beaucoup d’investisseurs, cette annonce change la donne», explique Matthieu Louanges, directeur exécutif chez Pimco, pour qui le risque de dislocation désordonnée de la zone euro a significativement diminué. «Cela permet de faire revenir des investisseurs privés sur les dettes de l’Espagne et de l’Italie. Pimco a pour sa part choisi de se mettre dans le sillage de la BCE en achetant particulièrement les titres qui seront ciblés par l’OMT -c’est à dire les dettes de 1 à 3 ans -qui comportent désormais un risque de crédit minime.»

Dette française plus chère

Si la décision de la banque centrale a servi de déclencheur, d’autres facteurs expliquent le changement de stratégie du célèbre gestionnaire basé à Newport Beach en Californie. «En raison de la ‘fuite vers la qualité’, les dettes des pays du noyau dur de la zone euro, les dettes supranationales ou celles des agences bien notées offrent très peu de rendement, voire des rendements négatifs sur les maturités courtes», rappelle Matthieu Louanges. «La réglementation européenne accentue aussi le phénomène de taux très bas sur les emprunts d’Etat, car elle incite les banques à détenir ces titres, qui n’exigent aucune charge de capital en face. Conséquence : la dette allemande est devenue trop chère et la dette française, qui fait partie du deuxième cercle après l’Allemagne, s’est aussi fortement renchérie [donc ses taux ont baissé, NDLR]». Pimco juge dès lors qu’il est intéressant de reprendre position sur les dettes de pays dont les taux sont plus élevés. «Nous sous-pondérons tous les emprunts d’Etat et titres qui offrent une prime de risque faible qui ne sont pas visés par le programme de la BCE.»

Les dettes des pays fragiles de la zone euro ne sont toutefois pas la seule alternative. «Mais il ne faut pas oublier que le marché obligataire de la zone euro est le plus performant de tous les marchés cette année : il rapporte entre 8% et 10%, alors que le marché américain ne rapporte que 5% et le marché japonais 1,5%», fait valoir le gérant. «Dans la zone euro, tous les écarts de taux se sont resserrés, sauf pour la dette espagnole. Cela signifie que les investisseurs qui avaient par exemple acheté de la dette irlandaise ont engrangé des profits.» Matthieu Louanges insiste aussi sur l’amélioration du climat dans la zone euro.La visite de la chancelière allemande Angela Merkel en Grèce est à cet égard un signal encourageant.

Danger pour l’Espagne

Un danger se profile néanmoins : celui d’un déclassement de la note espagnole en catégorie spéculative. Standard & Poor’s vient d’abaisser sa note et Moody’s doit prochainement rendre son verdict sur l’Espagne. « La notation continue de jouer un rôle très important : beaucoup d’investisseurs, comme les OPCVM, les fonds de pension ou les compagnies d’assurance sont obligés de détenir des titres ayant une certaine note de crédit, » reconnaît Matthieu Louanges, tout en rappelant que la réglementation pousse les banques à détenir des emprunts d’Etat même mal notés. La réglementation des assureurs les rend aussi moins sensibles au critère de la notation en ce qui concerne les dettes des Etats. «On a vu par exemple que beaucoup d’assureurs ont acheté de la dette française en novembre dernier, malgré les tensions dans les marchés. C’est pareil aujourd’hui pour la dette espagnole : les banques ibériques continuent de la considérer comme l’actif de référence.» ISABELLE COUET/Les Echos

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Bloomberg annonce le 3 octobre:  « Pimco et Blackrock sont parmi les investisseurs-sic et resic- qui achètent les dettes des pays les plus endettés en Europe ».

Pimco c’est 1,7 trillons, mais Blackrock c’est… 3,9 trillions.

La semaine dernière, la dette espagnole a fait une belle performance, le rendement du 10 ans a chuté de 22 pbs à 5,65%. On vient de 7,5% au plus haut avant le coup d’état de Draghi.

Calculez, c’est colossal, le prélèvement sur la richesse mondiale est effarant. L’enrichissement des kleptos…

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La prise de risque paie. Les audacieux qui ont acheté des emprunts d’Etat italiens en début d’année et qui voudraient les revendre aujourd’hui ont gagné environ 15 %. Tant mieux pour les banques locales qui ont massivement investi il y a plusieurs mois, dans un mouvement général de renationalisation des dettes publiques en Europe. Depuis que la BCE a promis cet été de « tout faire » pour sauver l’euro, les efforts du gouvernement Monti pour réformer la troisième puissance de la région sont appréciés à une plus juste valeur. Des investisseurs étrangers tentent un prudent retour et le rendement élevé de la dette italienne comparé à celui qu’offrent les OAT françaises ou le Bund allemand fait la différence. La demande est là et le taux des BTP à 10 ans est retombé d’une cime hivernale de 7,13 % début janvier à 5,03 % hier, générant une plus-value potentielle inédite sur les autres dettes européennes.

Les gérants de fonds qui ont massivement souscrit aux emprunts émis par les groupes du Sud de l’Europe, et ceux qui achètent aujourd’hui la dette des banques italiennes et espagnoles, font aussi le pari d’un retour en grâce de ces titres décotés. Pimco a jeté son dévolu sur les emprunts de Banco Santander et Intesa Sanpaolo ; AllianceBernstein a accru sa position en obligations BBVA tandis que Blackrock prise plutôt Santander, énumère l’agence Bloomberg. Comme leurs Etats, auxquels leur sort reste financièrement très lié, les valeurs bancaires respirent mieux depuis quelques semaines et les primes de risque diminuent. La poursuite de la détente dépend encore du sud, le Premier ministre espagnol en a la clef. Sa demande d’aide à l’Europe permettra de tester la promesse de la BCE d’assurer le financement des pays en difficulté. C’est la condition indispensable pour entretenir la confiance des étrangers dans l’avenir de la zone euro et de ses marchés. Par Muriel Motte /Les Echos

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Nous ferons trois observations.

Jamais le système n’avait fait preuve d’une immoralité aussi cynique, aussi publique, aussi effrontée.

La BCE est prisonnière, elle est obligée de concrétiser, de délivrer, de tenir ses promesses.

Sinon, c’est la catastrophe, la spéculation s’est placée du même côté du bateau, si on ne lui paie pas son dû, elle fait chavirer le bateau. Draghi le sait, il va payer, avec nos, avec vos sous, ceux que les socialistes qui soutiennent cette politique vous prélèvent. En cas de non délivrance des promesses ou d’accident de parcours, ils vont se ruer sur la porte et faire s’effondrer les marchés.

D’ores et déjà, le succès de l’opération de rachats de titres obligataires des pestiférés sur les marchés est compromis, entaché. La masse spéculative est telle que les capitaux  à engager vont devenir hors de proportions.

Les non-autorités européennes, les non-responsables sont entièrement dans les mains de Blackrock et Pimco et autres, si ces derniers froncent les sourcils, ils sont obligés d’obtempérer. Si tu n’obéis pas, nous cassons le marché, c’est le message, même pas implicite.

Draghi a voulu jouer au plus fin, nous l’avons dit, il a vendu son âme au diable et celle des citoyens européens avec.  Mais, pour manger avec le diable, Monsieur Draghi, il faut une longue, très longue cuiller.

Axel Weber s’y connait aussi bien en central banking qu’en diables et en Méphistophélès.  Voici  ce qu’il dit: « Beaucoup espèrent que l’action forte de la BCE va apporter la stabilité sur les marchés financiers, le risque est que ce schéma de rally de court terme et d’incertitude long terme soit avec nous pour longtemps. »  Citation extraite de Bloomberg le 2 octobre.

Draghi n’a nullement restauré la confiance; il a lancé la meute des prédateurs sur les marchés; il en est maintenant l’otage, voire l’obligé.

La seule solution, il faut déclencher une enquête. Il faut annoncer que la BCE ne fera pas la contrepartie des prédateurs et qu’elle n’achètera que les vrais titres du vrai marché secondaire et que les positions des prédateurs seront, au besoin, gelées. La BCE doit faire avec les gros, ce que l’on fait régulièrement avec les petits, les priver du produit de leurs malversations.

BRUNO BERTEZ Le Dimanche 14 Octobre 2012

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