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L’Edito du Samedi 13 Avril 2013: La fraude est-elle un mal français ? Par Bruno Bertez

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 L’Edito du Samedi 13 Avril 2013:  La fraude est-elle un mal français ? Par Bruno Bertez

La fraude est-elle un mal français ? Nous posons la question parce que nous considérons qu’elle est fondamentale en cette période de crise du système. En deux mots, notre réponse est oui et non. Oui, c’est un mal français pour partie, un mal lié à son histoire tumultueuse. Non, ce n’est pas un mal typiquement français car, en cette période de crise, la tentation des politiques est de rechercher des solutions faciles et surtout les boucs émissaires. Et les fraudeurs sont des cibles toutes désignées.

    La crise que nous traversons dépasse très largement le domaine de la finance et de l’économie. C’est une crise de société, une crise de l’ordre social. La perception de cette crise sociale se fait comme d’habitude par le petit bout de la lorgnette. Ainsi, on stigmatise ce qui est visible comme l’accroissement excessif des inégalités depuis trente ans. On stigmatise le train de vie scandaleux de certains chefs d’entreprises, des vedettes du star system et de leurs complices politiques. Car il ne faut jamais oublier que tout ce beau monde constitue les classes dominantes. La classe du business, la classe de la politique, la classe de la haute fonction publique, la classe du star system, tous ces gens se fréquentent et couchent ensemble. Ah ! Nous allions oublier les médias.

Il faut savoir qu’il y a plus de fraudeurs chez les ultra-riches que chez les classes moyennes et, a fortiori, chez les pauvres. La raison en est que les ultra-riches ont beaucoup plus à perdre et à dissimuler. L’incitation à tricher est plus forte  quand on risque de se faire confisquer des dizaines de millions que quand on doit dissimuler quelques petites centaines d’euros sur ses revenus mensuels. C’est la loi du marché en quelque sorte. Plus ne pas tricher coûte cher, plus on est obligé de tricher.

La grande différence entre les ultra-riches et les autres, c’est qu’ils ont des moyens considérables. Des moyens considérables en termes de conseils juridiques et fiscaux, des moyens considérables en termes de montages financiers, domestiques ou offshore. Tout se passe comme si, grâce à la complicité avec la classe politique et les hauts fonctionnaires, il y avait toujours pour eux un moyen d’échapper. Que ce soit aux sanctions fiscales ou autres d’ailleurs. C’est là où l’inégalité se manifeste, à notre avis, le plus, dans cette capacité à être à la marge, utiliser toutes les failles du système, avec la complicité de ceux qui sont sensés, ou bien légiférer ou bien faire appliquer la loi.

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Ainsi, nous donnons un exemple. On nous dit que la succession de Madame Bettencourt qui représente des milliards, des trop gros milliards, même à l’échelle du budget français, est réglée depuis dix ans et que le pays ne va rien toucher lors de son décès. En vertu de quels montages, de  quels conseils, de quelle collusion, cela a-t-il été possible? Voilà une petite piste, pire, une autoroute que nous désignons à ceux qui prétendent laver plus blanc.

Une remarque récente est passée inaperçue. Un spécialiste de très haut niveau des questions fiscales trans-frontières a dit récemment : l’histoire des 600.000 euros de Cahuzac, c’est invraisemblable. Personne ne fait des montages coûteux, risqués, pour des sommes aussi modestes. Cette personne a dit la vérité. Quelqu’un qui n’a que 600.000€ ne peut pas se payer les services nécessaires à une évasion trans-frontière compliquée.

Plus près de nous dans l’actualité, nous avons le cas de Bernard Arnault. Il vient de déclarer qu’il renonçait à a la citoyenneté belge. Peut-être d’ailleurs, dans la réalité, qu’il ne renonce à rien et qu’il ne pouvait pas l’avoir. De toutes façons, il avait déclaré au détour d’une intervention maladroite que sa succession était déjà réglée… dans le souci d’assurer la pérennité de ses affaires. Ben voyons ! Lorsqu’il s’agit de dizaines de milliards, on habille l’héritage du qualificatif pompeux de pérennité, lorsqu’il s’agit de quelques centaines de milliers d’euros, on dénie à celui qui a travaillé toute sa vie de laisser un patrimoine décent à ses enfants.

Bernard Arnault aurait-il été saisi d’un accès de pudeur ? Saisi d’un remords ? Saisi d’un accès de reconnaissance ? Il faut savoir que Bernard Arnault n’a pas construit son empire lui-même. Il l’a reçu de la nomenklatura socialiste, l’entourage proche de Mitterrand et des milliardaires qui le conseillaient. Ne suivez pas mon regard du côté de certaines grandes familles franco-américaines. Bernard Arnault a reçu un cadeau tombé du ciel, l’empire Boussac. Le pouvoir socialiste a tordu le cou par l’intermédiaire des banques à la famille Boussac et singulièrement à Jean-Claude Boussac. Bernard Arnault a bénéficié du produit d’un véritable hold-up perpétré avec le concours de certaines  banques, encore très proches du gouvernement… là encore, ne suivez pas mon regard.

Les lois, les contrôles, les tracasseries, les opprobres, tout cela, en fait, ne vise que les classes de  moyennes ou moyennes-supérieures. Essentiellement ceux qui ont travaillé toute leur vie, qui ont pris des risques, qui ont sacrifié leurs loisirs et qui, bien souvent, n’ont eu pour seul objectif que d’assurer à leurs enfants une place dans la société meilleure que la leur. Ceux-là sont tellement persuadés que la confiscation fiscale est injuste qu’effectivement ils tentent de dissimuler une partie de leur patrimoine et de leurs revenus.  Mais ce sont ceux-là, les forces vives de la Nation qui sont désignés, qui sont victimes et qui vont l’être encore plus.plus.

Ce qui nous amuse, mais aussi nous scandalise, c’est le déni de justice de la classe politique en général et des socialistes en particulier. Vous avez remarqué que, s’agissant de la délinquance, les socialistes sont contre les sanctions, les pauvres délinquants ont toujours des excuses, il faut non seulement ne pas les punir, leur pardonner, mais, en plus, leur donner un peu d’argent pour qu’ils ne recommencent. La mansuétude socialiste s’arrête aux portes d’une autre délinquance, celle des classes moyennes. Pour ceux-là, on n’a jamais de mots assez durs. Les punitions sont toujours trop légères. Diable, ils ont osé essayer de dissimuler le produit de leur travail et de le mettre à l’abri du grand râteau de la répartition. Bizarre que personne ne s’en étonne. C’est dire si les esprits sont pollués puisqu’ils ne voient même plus ces énormités.

La fraude est-elle un mal français. Nous pensons que la réponse doit être en partie positive pour trois raisons.

D’abord, la France a le record des prélèvements et confiscations. Il est donc normal que ce record produise structurellement, systémiquement, des tentatives d’échapper aux confiscations. Il fut un temps par exemple où les prélèvements sur les commerçants et artisans étaient tellement importants et les contrôles tellement nombreux que la réaction poujadiste en a été provoquée. Toute action mène à ses réactions. Toute action excessive mène à des réactions excessives. C’est exactement la même chose s’agissant des prestations sociales et de la répartition. Face à ces cadeaux tombés du ciel dans la plupart des cas injustifiés, sinon immérités, la tentation de profiter du système est grande. Et cela est devenu général et à tous les niveaux de la société.

Ensuite, il faut oser reconnaître que le problème du financement de la politique n’est pas résolu en France. On a fait semblant de le résoudre, il y a quelques dizaines d’années. En réalité, cela a été l’occasion de déposer une lourde chape de plomb sur cette question et de condamner quelques lampistes. Dont certains n’étaient pas si lampistes que cela. La réalité est que le cancer du financement politique continue de ronger la société française. Une élection présidentielle, cela coûte des sommes que vous n’imaginez pas, sommes dont le montant ne sera jamais révélé. C’est l’omerta. Et cela est descendu jusqu’aux élections de députés. Ne vous y trompez pas, toute cette question du financement et des réseaux souterrains touche toute la société française, y compris les syndicats. Elle crée une collusion entre les milieux d’affaires, les familles de riches héritiers, les milieux politiques et les très hauts fonctionnaires qui pourrit littéralement le tissu social à son niveau le plus élevé. La comédie de la vérification des comptes de campagne doit être dénoncée. L’essentiel est occulte, tellement honteux qu’il est indicible. Cela crée tout un monde de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » dont on ne voit qu’à de très rares moments des émergences, tant la loi du silence est forte.

Tant que l’on n’aura pas fait toute la lumière sur le financement politique et social français, le cancer continuera de ronger en profondeur la société française. Nous insistons : le poisson pourrit par la tête. La fraude française vient du haut, pas du bas. Il est tout à fait accessoire de stigmatiser les comportements des citoyens lambda. La fraude au plus haut niveau crée et utilise des réseaux, bien en place, solidement implantés depuis des dizaines d’années et ce n’est qu’accessoirement que ces réseaux bénéficient aux « petits ».

Enfin Il y a, en France, des réseaux d’évasion qui datent de la Seconde Guerre mondiale et ils sont encore actifs et efficaces… au service de la politique. Il y en a qui datent du bon temps de l’époque coloniale et ils sont encore actifs et efficaces au service de la classe politique. Que dire de ceux qui avaient été montés par la gauche au moment du financement occulte du FLN ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a une sorte de marché de gros de la fraude. De l’énorme fraude, celle qui porte sur des milliards dont les contrats de ventes d’armes ne sont que le sommet de l’iceberg. Mais qu’à côté, de ce marché de gros il y a le demi-gros et il y a le détail. La politique de nos blanchisseurs gouvernementaux vise à laisser intacte les réseaux de gros et demi-gros et à détourner l’attention en mettant la loupe ou le microscope sur le marché de détail.

La question des comptes en Suisse, Liechtenstein ou Singapour, des uns et des autres, est de la poudre aux yeux. Ne vous laissez pas prendre.

BRUNO BERTEZ Le Samedi 13 Avril 2013

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