Allemagne

Entretien Bruno Bertez/Atlantico sur ces sujets incontournables que l’affaire Cahuzac a pourtant réussi à jeter dans l’ombre

Entretien Bruno Bertez/Atlantico sur ces  sujets incontournables que l’affaire Cahuzac a pourtant réussi à jeter dans l’ombre

1) Le revirement spectaculaire de politique monétaire du Japon entre dans sa phase 2 

Atlantico: Et si la vraie info de la semaine sur Pierre Moscovici était sa rencontre avec le secrétaire d’État américain au Trésor, Jacob Lew ? Les deux hommes ont notamment évoqué la stratégie de la banque centrale du Japon qui consiste en une création monétaire colossale.

Bruno Bertez : La stratégie de la banque centrale du Japon doit être interprétée comme une stratégie conjointe des Etats-Unis et du Japon. Pour des raisons géopolitiques, les États-Unis s’inquiètent de l’affaiblissement japonais alors que les tensions régionales s’avivent et que les nationalismes s’exacerbent. Le renforcement de l’allié japonais passe par un affaiblissement du yen et une création monétaire colossale. C’est ce qui est tenté présentement. Cela va se faire sur le dos de l’Europe, de la Chine, de la Corée du sud, etc. Les risques de  déstabilisation internationale sont très importants.

2) Le creusement du déficit du budget de l’État français

 Le déficit du budget de l’État français continue de se creuser à 27,1 milliards d’euros à fin février. Par comparaison, il s’établissait à 24,2 milliards sur les deux premiers mois de 2012.

Bruno Bertez : Le creusement du déficit de l’État était prévisible même s’il n’a pas été prévu. La politique engagée produit à la fois du chômage et du déficit. Les gouvernants croient aux effets positifs du keynésianisme. Lorsqu’ils augmentent les dépenses et les dettes. Mais ils n’ont pas une intelligence suffisante pour penser que lorsqu’on fait une réduction de la stimulation keynésienne, l’activité ralentit, les recettes faiblissent et les ratios de déficits augmentent. Ce qui est étonnant, c’est que cela puisse étonner qui que ce soit.

 La réalité est qu’il faut faire semblant de l’ignorer afin de poursuivre, comme si de rien n’était, des politiques de Gribouille. Par ailleurs, le choix qui a été fait dans un premier temps d’augmenter les recettes sans toucher aux dépenses est un choix tout à fait inadapté à la situation présente. La baisse des dépenses, si elle avait été pratiquée, aurait eu un effet plus direct sur la réduction du déficit. En même temps, en réduisant les frais généraux de la Nation, elle aurait été porteuse d’avenir par le biais de l’amélioration de la compétitivité. 

Il ne faut cependant pas faire une montagne de l’accroissement du déficit car cela ne se traduit pas par un renchérissement du coût des emprunts français. Les emprunts français restent corrélés aux emprunts des pays du nord, la corrélation n’a pas basculé vers les pays du sud.

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3) Le choix des syndicats représentatifs

 Le gouvernement a annoncé vendredi 29 mars la liste des syndicats représentatifs autorisés à négocier des accords nationaux dans le secteur privé au cours des quatre prochaines années, même si le taux de syndicalisation en France est seulement d’environ 7% de la population active… 

Bruno Bertez : La représentativité des syndicats est une sinistre tarte à la crème. Elle témoigne d’une société bloquée, inefficace et injuste. Globalement les syndicats n’ont aucune représentativité tant le taux de syndicalisation est faible. Il serait encore plus faible si les adhérents devaient verser une vraie cotisation significative. La preuve que les syndicats sont globalement non représentatifs, c’est que la demande d’adhésion syndicale est faible et qu’elle doit être subventionnée par des tiers payants licites ou illicites.  

Comme toutes les institutions françaises, le syndicalisme doit se réformer. Peut-il le faire de lui-même? Non. Il faut laisser les travailleurs produire de nouvelles structures. Par conséquent, il faut casser les monopoles syndicaux actuels pour favoriser l’émergence de nouvelles organisations plus adaptées. 

Il est évident que l’État n’a pas à intervenir dans ce processus. S’il intervient, le syndicalisme se trouve déjà fondamentalement perverti et détourné. La France est tellement étatisée qu’elle trouve normal que l’État projette en quelque sorte son idéologie et ses intérêts sur des structures et des organisations qui ne devraient concerner que le monde du travail.

 4) La réforme des licenciements 

 La réforme des licenciements économiques a été votée par l’Assemblée nationale ce lundi. Une mesure qui s’inscrit dans le cadre du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Les entreprises devraient avoir plus de marges de manœuvre pour décider qui sera effectivement licencié.

 Bruno Bertez : Ce sujet reflète la connivence qui existe entre le gouvernement, l’État et le Medef. Il ne reflète pas les besoins des entreprises. C’est, comme à l’accoutumée, un mouton à cinq pattes, produit par des gens totalement déconnectés des réalités, professionnels de la représentation et de rien d’autre. 

5) Après Chypre, le Portugal et la Slovénie sont-ils les prochains sur la liste ? 

 La Cour constitutionnelle du Portugal vient de rejeter plusieurs mesures d’austérité, notamment la réduction des assurances santé et chômage. Dans le même temps, les banques slovènes font face à un risque important sur un certains nombres d’actifs « toxiques » dans leurs bilans.

 Bruno Bertez : Ce qui menace vraiment l’Europe, ce sont ceux qui imposent la politique actuelle d’asphyxie économique et de sauvetage coûte que coûte des banques. 

La volonté allemande de réduire ses coûts de sauvetage fait évoluer l’action européenne dans un sens de plus en plus injuste et dangereux. Pour réduire ses coûts de sauvetage, réduire sa facture de solidarité, l’Allemagne tente à la fois de sauver son système bancaire et, en même temps, de ruiner les créanciers, les déposants, des systèmes bancaires des pays tiers. C’est précisément le moyen le plus sûr de détruire l’Europe, la vraie Europe, celle des peuples. Les antagonistes s’exacerbent, les ressentiments enflent; la haine même de l’autre, singulièrement l’allemand, est en train de s’installer. Comment maintenir une communauté européenne dans ces conditions? 

Il faut être clair, les eurocrates se trompent totalement lorsqu’ils imaginent que l’on peut faire l’Europe en ruinant les peuples. Le grand rêve d’une Europe qui converge et s’unifie par la monnaie est terminé. Il s’est transformé en cauchemar. Pour l’instant, le cauchemar est cantonné au niveau de quelques pays périphériques particulièrement faibles, mais le bulldozer de la crise ne va pas s’arrêter là. Il va laminer, disloquer, ce qui reste encore du peu d’esprit européen dans les consciences populaires. 

La seule solution pour sauver l’Europe est d’accepter la restructuration conjointe des dettes et des créances du couple banques/gouvernements. Les citoyens n’ont pas à payer deux fois, une fois pour sauver les banques et une fois pour sauver les État.

6) Les difficultés économiques de la Chine

 La Chine a annoncé ce mercredi un déficit de son commerce extérieur pour le mois de mars, une situation inhabituelle pour le premier exportateur mondial. 

Bruno Bertez : Nous analysons l’autorisation donnée aux Japonais de dévaluer comme une mesure de géopolitique. Les tensions régionales vont au-delà des gesticulations nationalistes à usage domestique. 

La Chine, compétiteur stratégique des Etats-Unis, est dans une phase délicate. Il semble que le modèle sur lequel elle s’est développée tout au long de ces dernières années ait touché ses limites. En particulier au plan bancaire et financier. Le système chinois est surendetté, les banques sont gorgées de créances douteuses. Les provinces et les autorités régionales ne maintiennent un semblant de solvabilité que par les opérations sur les terrains et sur l’immobilier. 

Le gouvernement a conscience du fait que cette situation est très malsaine, mais il se trouve pris entre des contradictions majeures. D’un côté, le risque d’inflation produisant de la déstabilisation sociale, de l’autre le risque de déflation produisant une remise en cause des structures. Si l’on en juge par les statistiques économiques et le comportement boursier chinois, on peut dire que le pays patauge. 

La mise en place d’un nouveau modèle de croissance économique beaucoup plus fondé sur la demande intérieure et la demande régionale prendra longtemps et surtout elle ne se fera pas sans douleur car la société chinoise n’est pas organisée, pas plus que l’économie d’ailleurs, pour cette grande transition. La montée du nationalisme et le durcissement des propos s’inscrivent dans ce contexte de transition difficile

 http://www.atlantico.fr/decryptage/eclipse-mediatique-totale-ces-10-sujets-incontournables-que-affaire-cahuzac-pourtant-reussi-jeter-dans-ombre-eric-verhaeghe-brun-695187.html?page=0,0


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2 réponses »

  1. j’aime bien vos entretiens avec atlantico car ils sont plus compréhensibles, plus directs. Un chat est appelé un chat ce qui contribue a rendre plus limpide votre pensée (par rapport a vos billets habituels).

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    • @Bob

      Votre remarque est juste et correspond à un choix.
      Atlantico est plus grand public et moins fondamentaliste que Lupus.
      Lupus vise plus étroit et en profondeur,c’est volontairement que sa lecture impose un effort, presque un travail.
      Le lecteur de Lupus est lecteur régulier, nos textes sont pour lui une sorte d’investissement, il faut suivre le fil.
      Tandis que nos textes Atlantico sont plus de l’ordre de la consommation.
      Merci de votre remarque pertinente.

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