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L’Edito du Dimanche 4 Aout 2013: Les marchés créent de la valeur, pas à Detroit! par Bruno Bertez

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L’Edito du Dimanche 4 Aout 2013: Les marchés créent de la valeur, pas à Detroit! par Bruno Bertez

 

   Nous ne sommes évidemment pas les seuls à prétendre que les marchés financiers sont des pièges destinés à vous faire vous séparer de votre argent au profit des banques, des kleptos et des gouvernements. Beaucoup d’autres gestionnaires, économistes ou commentateurs pensent comme nous. Il faut cependant reconnaître que leurs rangs sont de plus en plus clairsemés. Il est difficile de tenir une position opposée au consensus car, comme disait un de nos vieux amis, financier, « il est difficile de pisser contre le vent, cela mouille les chaussures ».

La logique, pourtant, voudrait que plus on se rapproche de la fin, plus le camp des détracteurs de la politique actuelle devrait s’étoffer, puisque les vices qui ont conduit à la catastrophe sont magnifiés.

Le camp des Cassandre se réduit comme peau de chagrin.Comme le dit Bernanke à propos de la chute de l’or, « c’est parce qu’il y a de moins en moins de gens qui craignent une issue extrême ». Extrême au sens de fatale.

Tout en considérant que les marchés sont des pièges dont le public sortira, une fois de plus, grugé, nous ne nous rangeons pas dans le camp des Cassandre qui prédisent l’apocalypse pour demain.

Vousavez pu le remarquer. Pourquoi? 

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT:

– Nous défendons l’idée que les Pouvoirs sont incapables de résoudre les problèmes que pose la situation présente ; mais, en même temps, nous affirmons qu’ils ont le pouvoir de reculer sans cesse l’inéluctable au prix d’une aggravation des souffrances futures. Les souffrances étant les vôtres, bien entendu, pas les leurs. Comme le disait Feldstein le 1er Juillet, il n’y a aucun moyen de sortir de la situation présente, il faudra que les investisseurs prennent des pertes, « plus le mouvement en cours durera et plus les pertes devront être importantes ». 

– Nous défendons l’idée que les fondamentalistes se trompent, ils utilisent une conception de la valeur des assets, actifs financiers, qui n’est plus valable depuis 30 ans et qui ne redeviendra valable qu’après la grande purge, la grande réconciliation entre la Sphère Financière  et la Sphère de l’économie réelle. 

On a séparé durablement l’ombre, c’est à dire le prix des actifs financiers, du corps, lequel corps est constitué de la production de richesses destinées à les honorer. Le prix des assets n’est pas le reflet, la manifestation de la valeur des choses, le prix est dirigé, volontariste, dans le but de déclencher un mouvement, une spirale, des comportements qui, espèrent les apprentissorciers, relancera la bicyclette de la croissance. Le prix des assets est, ce que l’on pourrait appeler, une incantation. 

On a séparé l’ombre du corps, disons-nous, on a rompu le lien entre les signes et le réel, entre la valeur dite fondamentale et le prix et on s’est accaparé le pouvoir de faire dire aux marchés ce que l’on veut qu’ils disent. 

A ce stade, les marchés n’expriment rien d’autre que les volontés, les souhaits, les plans des Maîtres du Monde. Tant qu’ils n’auront pas perdu le contrôle de leur funeste expérience, cela sera ainsi. Et toute personne qui se mettra en travers, qui osera défier la Fed, « fight the Fed » et ses vassaux sera balayée, ruinée, déclassée. 

Nous soutenons, en plus, que la valeur fondamentale n’existe pas. C’est un mythe, une survivance du passé. Ou plus exactement, c’est un horizon, une sorte de statue du commandeur, une sorte de régulateur caché, secret, inconscient. 

La valeur existe, mais à  titre de  logique enfouie du système. On ne peut promettre indéfiniment plus que l’on ne produit, donc il y a bien un régulateur final, une limite. Et cette limite, c’est la production de richesses réelles, c’est le travail direct et indirect emmagasiné dans les productions. Les plans d’austérité en cours constituent le meilleur exemple de l’existence de cette limite, de cette statue du commandeur. La vraie valeur des biens et services ne se donne pas à voir, mais elle agit, elle fait retour comme une vengeance, sous la dure forme de l’impasse, de la rareté. De la perte de confiance. 

Elle saute au visage des démiurges qui feignent de s’en moquer. Chassez le naturel, il revient au galop. Le naturel, ce sont les lois, les lois de la gravitation économique.  Le marginalisme, les théories des Autrichiens, celles de la relativité généralisée, sont à l’origine de cette séparation de l’ombre et du corps. L’esprit a fait chuter Dieu, les référents, et cet esprit est tellement aliéné qu’il croit à ses propres productions.Les fous croient à leurs délires, n’est-ce pas. Surtout quand ils les enrichissent. 

Depuis Say, on dit que la valeur des choses, ce n’est pas la valeur travail, ce n’est pas la valeur du travail, de l’investissement et de l’industrie qu’elles contiennent. Non, la valeur des choses, c’est le désir qu’elles suscitent. La valeur des biens et services est dans la tête, dans l’œil de celui qui les apprécie. On a séparé  l’ombre du corps, coupé l’arrimage, supprimé l’ancrage. La valeur, ce sont les gens comme l’Oréal et comparses, qui ont compris ce que c’était, suscitez le désir et vous augmenterez la valeur. La modernité, c’est cela. Si on crée une demande infinie, alors, on peut créer de la valeur à l’infini, même pour des biens et services totalement inutiles ou nuisibles.

C’est comme en Bourse, quand « ils » font monter les cours, ils croient qu’ils créent de la valeur, de la richesse! Dérive spiritualiste qui croit, névrose suprême aux produits de l’esprit, cet esprit magique qui habite les Bernanke, Draghi et autres usurpateurs. 

 

Il est fini, le bon vieux temps des besoins qui, eux, étaient ringards, vulgaires, bornés, limités. Bien entendu, toutes ces théories modernes ne marchent qu’un temps, on crée de la valeur à  l’infini… tant que l’on ne bute pas… sur la statue du commandeur, du surendettement, de l’inflation, du déficit extérieur… c’est à dire sur la rareté. 

Et nous soutenons que l’on n’a pas encore touché les limites, on peut aller plus loin, on peut déconnecter plus, tricher plus, tromper plus. La divergence entre la Sphère Financière et la Sphère Réelle peut encore béer, s’agrandir, beaucoup. Elle peut béer jusqu’au vertige. 

Après, d’accord, on verra. Mais ce n’est pas encore le moment. Il y a tellement de trucs, de subterfuges, qui n’ont pas été utilisés et qui sont là, en attente dans la panoplie de nos enfumeurs Maîtres du Monde. 

Il n’y a pas de contre-pouvoir aux Maîtres du Monde, ils contrôlent tout. La Chine est un tigre de papier, conformiste et peureux; la Russie,c’est pire encore, gesticulations et rodomontades qui masquent l’acceptation de l’ordre américain,les émirs ne tiennent que par la puissance militaire américaine, l’Europe a choisi de devenir une bourgeoise bancaire ploutocrate comprador plutôt que d’affronter le Maître. Il n’y a plus de social, il n’ y a que des masses de consommateurs terrorisés à l’idée de perdre le peu qu’ils ont. 

Il n’y a pas de contre-pouvoir sauf… le seul… le vrai, le réel. Le réel avec son poids, sa finitude, son épaisseur, ses limites, empêcheurs de buller en rond, sanction suprême. Le réel est incontournable car on peut créer autant de valeur que l’on veut, faire monter le prix du blé jusqu’au ciel, cela ne produira pas un gramme de pain. Il faut du travail pour semer le blé et faire le pain. Cette valeur ectoplasme  ne vaut que tant que l’on y croit car elle n’a pas de contrepartie, pas de répondant, pas de consistance. 

La valeur, le système actuel, la hiérarchie présente des valeurs, tout cela est un bluff et l’histoire, tôt ou tard, exige que l’on montre les cartes. « Show me the money », disait le philosophe dans le dialogue rapporté par Kant; et « the money », ce n’est pas le dollar, c’est le métal, les espèces sonnantes, lesquelles n’équivalent pas à du vent,  mais à des biens, services concrets. 

Le cycle dans lequel nous nous trouvons n’est pas un cycle économique et c’est pour cela que ceux qui disent que, dorénavant, ce n’est et ce ne sera plus comme avant, ont raison.

Non, le cycle, c’est un cycle culturel, sociétal, philosophique. Il y a toute une culture de la modernité qui repose sur la disjonction des signes et du réel, qui évacue le réel et qui s’incarne dans un ordre, dans une pratique sociale. Dans une échelle de vraies, d’authentiques inégalités, pas celles dont parlent les socialistes bien sûr, pas celle, la fausse, dont ils font leurs choux gras et l’ascenseur de leur volonté de domination. 

Les Maîtres, les démiurges, les grands prêtres de la religion du signe, détiennent le grand secret qui permet de faire passer les vessies pour les lanternes. Ils détiennent ce secret et celui de la propagande qui leur permettent d’exploiter les classe moyennes. Grâce à la  détention de ce secret,  d’une part,  et au goût incroyable des foules pour les billevesées. Grâce à la peur qu’ils entretiennent,à la culpabilité qu’ils instillent. Les foules jouissent d’être bernées. Elles échangent la médiocrité du présent contre l’Espoir. Elles jouissent d’être tondues, tondues mais contentes, elles sont protégées. 

Le réel sera le sauveur, cela ne fait aucun doute. Pourquoi? Parce que ce qui se perd,  dans la disjonction religieuse entre les signes et le réel, c’est l’efficacité, c’est l’adaptation, la capacité à traiter les vrais problèmes. Prisonnier de théories fausses, on fait tout à l’envers. 

Nos zozos, les Maîtres, ont perdu tout contact avec la réalité. Si vous croyez encore à leurs compétences, à leurs capacités d’anticipation, allez faire un tour du côté de Detroit. Dans les rues. Vous verrez, à l’œuvre, la Sanction. 

Nous parlons de Sanction. Nous prétendons qu’elle existe. 

Détroit fait une faillite à 20 milliards de dollars. 

En 1960,  la cité était la ville la plus prospère des Etats-Unis avec le revenu par tête le plus élevé. Il y avait 1,8 millions d’habitants; aujourd’hui, on en compte moins de 700.000. La dette représente 25.000 dollars par habitants. 

En 1950, la ville s’enorgueillissait de 295.000 emplois manufacturiers ; aujourd’hui, il en reste un peu plus de 25.000. 

Plus rien n’est entretenu, plus de service public, la sécurité des biens et des personnes n’est plus assurée. Tout le patrimoine immobilier part à l’abandon, on peut acheter des maisons pour moins de 500 dollars. Quelquefois, on vous les donne purement et simplement. On dénombre 90.000 maisons abandonnées. 

Les terrains vagues envahissent la ville. Plus de la moitié des réverbères restent éteints la nuit. La police n’a plus de matériel, ses effectifs ont été amputés de 40%. Le taux de criminalité est cinq fois supérieur à celui de la moyenne américaine. 

En incidente, signalons que le même phénomène, la même situation, se retrouve à Atlantic City, autrefois paradis des casinos. 

La catastrophe sociale est manifeste. La moitié de la population est illettrée. Plus de la moitié des jeunes sont au chômage. Le taux de pauvreté est de 60%. 

Détroit montre:

– Que la Sanction existe, que le pire peut arriver.

– Que derrière les signes, le réel est là, douloureux.

– Que les gouvernements n’ont rien prévu, rien compris.

– Que la dette ne résout rien, mais aggrave tout.

– Que l’histoire, cela existe, elle ne s’est pas arrêtée.

 BRUNO BERTEZ Le Dimanche 4 Aout 2013

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