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L’Edito du Dimanche 11 Aout 2013: Le partage du travail à l’échelle de l’Europe Par Bruno Bertez

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L’Edito du Dimanche 11 Aout 2013: Le partage du travail à l’échelle de l’Europe Par Bruno Bertez

Atlantico nous a demandé, il y a quelques jours, un article sur le thème, formulé vulgairement: quelle est la plus grosse connerie de l’actuel gouvernement français en matière économique?
Nous avons décliné l’offre car nous considérons qu’un article ne suffirait pas. Il faudrait, soit en faire un feuilleton pour l’été, soit publier un livre de quelques centaines de pages.

Par ailleurs, aucun article ne peut exposer « la plus grosse connerie du gouvernement », car c’est l’ensemble de la politique suivie qui est incohérent, contradictoire, gribouillesque. Gribouille, nous vous le rappelons, c’est ce personnage célèbre qui se jetait à l’eau pour ne pas être mouillé.

  L’objectif annoncé, mieux même, claironné par ce gouvernement, est la lutte contre le chômage. La lutte pour l’emploi. Nous n’avons aucune raison de croire que ce gouvernement, pour reprendre Platon, est méchant, fait le mal volontairement. Nous lui faisons ce crédit des bonnes intentions.
S’il n’est pas méchant volontairement, il n’y a qu’une hypothèse pour expliquer sa politique, c’est qu’il est ignorant. Nous retenons cette hypothèse car c’est notre jour de bonté, nous sommes inclinés sinon à l’indulgence, du moins à la compréhension.

Ce sont de pauvres gens, totalement dénués, à la fois de connaissances théoriques et, encore plus, d’expérience de la pratique entrepreneuriale. Et comme nous le répétons sans cesse, ce sont les Français et leurs corps intermédiaires qui sont responsables, ils les ont choisis, ils les ont eus. Maintenant, il faut boire la coupe jusqu’à la lie.

  

Nous avons expliqué que le problème n’est pas la gestion de Hollande ou Ayrault, mais leur choix. Comme le dit Cioran, la seule solution au problème de la vie, ce n’est pas le suicide, non, la seule solution, c’est de ne pas être nés. Il en va de même des socialistes, ce qu’il aurait fallu, c’est ne pas les choisir. Laissons de côté la question de savoir si la fausse droite et Sarkozy aurait fait mieux, vous savez ce que nous en pensons…

Nous acceptons, facialement, la revendication gouvernementale selon laquelle la priorité est la lutte pour l’emploi, la lutte contre le chômage. Ajoutons que l’objectif, revu et remanié, par cette classe politique, n’est guère ambitieux puisque la nouvelle formulation de ce volontarisme, c’est: infléchir, ralentir. Auparavant, il s’agissait de faire régresser .

  

L’objectif mérite d’être précisé et analysé en terme de contenu. Les chiffres du chômage sont des attrapes nigauds et seule compte la réalité qui se cache derrière ces chiffres. Pourquoi? Parce que la perte ou l’absence de possibilité d’emploi ne sont pas des abstractions, derrière il y a un vécu, une souffrance, voire un ressentiment. Derrière les signes, mauvais reflet « soft », il y a toujours du « hard » et c’est lui qui compte. On va donc créer des parkings à chômeurs, plus ou moins jeunes, pour dégonfler les statistiques et on va le claironner.

Cela fait longtemps que la France s’enfonce dans cette cosmétique et, bien sûr, la pratique n’est pas propre à la gauche, elle est régulièrement aussi celle de la fausse droite. Face à l’inflation des chiffres, on déflate.

Mais la question n’est pas là. La question est que l’on marche sur la tête car, au plan réel, ce qui compte, ce sont les vrais emplois. Ceux qui sont productifs, ceux qui créent des richesses, ceux qui sont productifs de biens et services internationalement négociables. La France est endettée, elle consomme , ou plutôt gaspille plus qu’elle ne produit et ceci la conduit à la perte de souveraineté, à la dépendance vis à vis des marchés, c’est à dire des banques et bien sûr, vis à vis de l’Allemagne.

Ce qu’il faut, ce sont des emplois productifs. Tout le reste correspond à de la répartition, à du partage, lesquels, au lieu de traiter le mal français, ne font que l’aggraver. Tant que l’on se fixera de façon incantatoire des objectifs abstraits, poudre aux yeux, on aggravera le mal, on creusera la tombe économique et sociale.

Le changement de politique internationale et européen , qui modère jusqu’à le supprimer, l’objectif de rééquilibrage des comptes et la restructuration des budgets produit, mécaniquement, sinon une embellie passagère, du moins une apparence de stabilisation. Il n’y a là rien d’anormal, on sait qu’il y a un lien, une petite corrélation, entre l’activité et l’emploi. La pause, et peut-être même l’abandon des politiques de restructuration fiscale, devrait être mis à profit pour prendre les mesures qui s’imposent afin d’ améliorer le potentiel du pays et sa capacité a créer des emplois. Hélas, il n’en est rien, la pause est mise à profit… pour faire de la petite politique politicienne, c’est à dire tenter de remonter dans les sondages. Comme le dit le père fouettard allemand de la Bundesbank, « On gaspille la fenêtre qui a été ouverte » .

Elle ne durera pas longtemps, cette ouverture de fenêtre, car elle est artificielle. L’ouverture ne résulte pas d’une appréciation de la situation, mais d’une manipulation. La manipulation de Draghi. Ce qui s’est passé en 2012 se réduit à ceci: les banques ont pesé sur les marchés et menacé de couper les vivres aux Etats, afin de faire pression sur la Banque Centrale et obtenir que celle-ci accepte de fournir tout refinancement en toute quantité. Les banques ont gagné. En apparence. Car, comme les pays et les gouvernements, elles ont gâché, gaspillé le temps, le sursis obtenu par le chantage. Aucune opération de reconnaissance des pertes, aucune véritable mesure de réorientation stratégique. On traîne et on va continuer de traîner des comptes faux et des risques disproportionnés en regard des bilans et des ressources stables. L’Anglo-saxon et le FMI ne s’y trompent pas, qui réclament une restructuration d’envergure de l’appareil bancaire européen.

La pause dans l’austérité ne sera pas éternelle. Elle ne durera que le temps de la surabondance des liquidités globales. On l’a vu récemment, lorsque la mer des liquidités spéculatives a menacé de se retirer, les pays à risque, les émergents, ont trinqué. Encore faut-il tenir compte du fait que tout le monde injecte, il n’y a pas que l’Américain, les injections des pays tiers limitent en quelque sorte le reflux.

Il reste que l’Américain est central, roi ; c’est lui qui donne le « la » et l’échéance du mandat de Bernanke fait planer une lourde incertitude sur la poursuite de la politique monétaire de la Fed. On sait que Summers n’est pas tendre à l’égard de la politique monétaire actuelle et qu’il modifiera, dans un sens purement favorable aux Américains, le dosage entre politique monétaire et politique fiscale. Summers a compris et peut-être fera comprendre à Obama que l’idéalisme monétaire de Bernanke est une imbécillité en l’absence de processus, de dispositif de transmission.


Summers a compris que le seul mode de transmission de la politique monétaire, dite stimulante, passe par le déficit budgétaire. Le déficit budgétaire injecte de la demande, produit de la création de crédit d’Etat, des revenus et ces revenus, fabriqués par le crédit, font tourner la machine économique. La transmission, c’est cela, c’est là qu’elle se fait, pas dans les incantatoires effets de richesse. Une telle politique, si Summers était choisi et s’il la mettait en œuvre, bouleverserait la donne sur les marchés. Notre pari est que l’on ne peut compter sur le maintien des dispositions favorables des marchés et que les facilités -gaspillées- dont bénéficient les Européens ne sont pas garanties.

Elles sont temporaires.

Non seulement on se laisse bercer par les facilités renouvelées, mais précaires, du crédit, non seulement on gaspille le répit accordé, mais fondamentalement, on s’enferre. C’est secret de polichinelle que les banques des pestiférés, les Italiennes et les Espagnoles, font le tourniquet. Elles continuent d’aggraver leurs risques en faisant la contrepartie des emprunts d’Etat de leurs souverains. Lorsque le petit nuage crèvera, les bonds vigilantes, les vrais, pas les faux nez des banques, risquent d’imposer un peu plus de discipline.

Tout ceci pour dire que les éventuelles embellies sur l’emploi, les cosmétiques et les autres, ne représentent rien de solide, elles ne constituent pas une tendance qui pourra se développer, spontanément, dans la bonne direction.

En revanche, il y a des éléments récurrents, durables, qui vont dans la mauvaise direction. Et cela tient à la politique générale qui est suivie: la politique de solidarité à l’égard des pestiférés. On s’endette et détruit un peu plus son bilan pour leur venir en aide, on ferme les yeux sur les perversions, tricheries, et on subit leur concurrence destructrice d’emplois français. On accepte que leurs économies baissent leurs coûts salariaux par le travail au noir, on finance leurs exportations, on ferme les yeux sur les dumpings.

L’Espagne et, à un degré moindre l’Italie, utilisent les facilités qui leur sont ainsi offertes sur un plateau. La solidarité, façon socialiste français, consiste à alourdir la situation de la France et de l’économie française afin d’alléger celles des plus pestiférés. Elle consiste à aider les concurrents à détruire les emplois français. La politique de solidarité européenne du gouvernement Hollande transfère l’emploi français, le productif, à la périphérie. Nous disons bien le vrai emploi, c’est à dire celui qui rééquilibre les comptes extérieurs, paie les dettes, celui qui fait des travailleurs, non pas des assistés, mais des bread-earners. A force de penser faux, de nier la réalité des marchés et donc celle de la compétition, on fait le contraire de ce qu’il conviendrait de faire pour satisfaire ses objectifs.

L’Espagne, concurrente directe de la France dans de nombreux domaines, fait un tabac sur les marchés extérieurs. Le montant des contrats qu’elle engrange est ahurissant . Rien que dans la construction, là où elle est en concurrence directe avec la France, l’Espagne vient d’ engranger un carnet de près de 80 milliards. Le redéploiement des grands firmes espagnoles à l’exportation prend des proportions qui étonnent les Espagnols eux mêmes: de Riyad à la Mecque, on saute à Sao Polo, on passe par Londres, Liverpool, le Texas, Montréal, Panama, Ouarzazate, Macao, Nadym en Russie, Istanbul.

La liste des succès espagnols, obtenus à la faveur de la politique de solidarité prônée par le gouvernement Hollande, s’égraine comme un catalogue des échecs français. Comme le précise le gouvernement espagnol qui se glorifie, bien sûr: dans tous ces grands contrats, la part du travail proprement domestique ressort en moyenne à 84%.

Singulier gouvernement français qui, chez lui, pratique une politique d’emplois bidons et qui partage le vrai travail, le productif, avec ses concurrents stratégiques. Autre version du partage du travail?

BRUNO BERTEZ Le Dimanche 11 Aout 2013

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