Gestion de Portefeuille/ Inflation : Les solutions pour l’investisseur à la hausse des prix
Depuis l’intervention du Président de la Fed Ben Bernanke de mai dernier, l’inflation anticipée à 5 ans dans 5 ans est passée de zéro à 1,7% aujourd’hui. Le débat sur la sortie du Quantitative Easing est en train de libérer les anticipations d’inflation. C’est le moment pour l’investisseur d’intégrer le risque inflationniste.


Le Cash doit être forte surpondération. La rémunération des liquidités tend à très bien suivre les variations de l’inflation. C’est un actif monétaire sans duration et indexé. En effet, les banques centrales ajustent leurs taux directeurs afin de préserver l’objectif de stabilité des prix (inflation targeting). Le risque de décalage entre taux d’intérêt à court terme et inflation (abandon temporaire de l’objectif de stabilité des prix au profit de la solvabilité budgétaire) est très faible en Suisse en raison de la qualité des équilibres budgétaires et de la forte indépendance de la BNS. L’écart entre le taux à 3 mois et l’inflation observée est d’autant plus élevé que l’inflation est forte. La rémunération du Cash est donc indexée sur l’inflation (actif réel) et sa rémunération réelle tend à augmenter en fonction de l’inflation et de sa volatilité. Ainsi, entre 1990 et 1995, le rendement réel du Libor 3 mois CHF était en moyenne autour de 3,5%.
Par ailleurs, la politique d’investissement doit considérer les liquidités comme une véritable classe d’actifs et avoir la latitude maximale en termes de marges de fluctuations. En effet, en cas de scénario de stagflation (combinaison «inflation forte, récession»), seul le Cash aura un rendement positif (réel et nominal). Les stratégies qui n’intègrent pas le Cash comme classe d’actifs (cas de la risk parity) se retrouvent dans une impasse.
Les Obligations doivent être en forte sous-pondération. Sur le long terme, le risque essentiel pour un portefeuille obligataire est l’inflation. Depuis 1900, la perte maximale des obligations est de seulement 15%, face à un rendement annuel moyen de 4,9% et une volatilité de 4,7%. Sur un plan nominal, les obligations procurent donc un très bon couple rendement / risque. Mais quand on raisonne en rendement corrigé de l’inflation, la perte maximale s’élève à 57%. Le contexte actuel de taux bas est particulièrement inquiétant. Les obligations sont la classe d’actifs la plus chère après 20 ans d’appréciation massive. Les rendements réels négatifs des obligations diminuent leur capacité d’agir comme amortisseur. Les rendements réels des obligations sont restés négatifs pendant 45 ans pour des niveaux de valorisation comparables à ceux d’aujourd’hui. A sous-pondérer également la dette des entreprises de bonne qualité (Investment Grade) et dans une moindre mesure la dette à haut rendement (High Yield: coupons supérieurs, l’inflation solvabilise l’emprunteur). Les leveraged loans sont à privilégier en raison de leurs structures à taux variables. Les stratégies de courbe favorisent la configuration de bear steepening (écartement de la pente via une hausse plus rapide des taux longs). L’allocation régionale est essentielle.
Les obligations indexées sur l’inflation (Linkers, TIPS aux États-Unis) constituent un instrument de couverture très répandu contre les risques inflationnistes. Mais leur rôle de protection dans un portefeuille est efficace uniquement en régime d’inflation soutenue (supérieure à 4%). En l’absence d’inflation, les obligations indexés sont des actifs très pro-cycliques et peuvent même décrocher fortement en cas de dislocation de marchés (août-septembre 2008, mai 2013).
L’allocation aux Actions est Neutre à Surpondérer. La classe d’actifs Actions surperforme les obligations en phase inflationniste. Si l’indexation des profits sur le PIB nominal explique la relation positive entre Actions et inflation à long terme, la relation entre valorisation des actions (P/E) et inflation est non linéaire.
Quand l’inflation dépasse 4%, les multiples de valorisation se contractent: il y a relation négative avec l’inflation. La performance de la classe d’actifs Actions passe en négatif lorsque l’effet contraction des multiples devient plus fort que la croissance bénéficiaire. Il peut paraître alors pertinent d’investir exclusivement sur la composante indexée de l’action, à savoir les dividendes, qui sont investissables en direct. Les secteurs gagnants en phase d’inflation forte sont l’Energie, les Utilities, la Consommation non discrétionnaire et la Santé. Le pricing power (capacité à répercuter la hausse des prix des inputs, importance des barrières à l’entrée) devient un critère déterminant dans la sélection des valeurs. L’allocation régionale est essentielle. La volatilité augmente en lien avec la montée des incertitudes économiques.
En matière de change, le mot d’ordre est diversification. Les devises à hauts rendements sont à privilégier comme source de diversification. Trois statuts de devises apparaissent: le CHF pour la protection du pouvoir d’achat (Europe), le CAD pour la sensibilité aux matières premières énergétiques (Amérique du Nord), le AUD pour l’exposition aux matières premières agricoles et minières (Asie).
Les Hedge Funds jouent un rôle diversifiant. En régime de forte inflation, il convient de réduire les risques directionnels et de tirer profits d’opportunités relatives (arbitrage, relative value) à l’intérieur des classes d’actifs. A noter que les hedge funds ont comme benchmark le Cash (les actifs sont principalement investis en liquidités, l’exposition aux instruments consomme peu de capital), qui affiche une bonne indexation à l’inflation. La combinaison «Cash + alpha» apparaît adaptée, tout comme les stratégies CTA (l’inflation est source de volatilité).
Les actifs réels sont à privilégier. Les Matières Premières étant des actifs sans rendement, leur valorisation est très sensible aux variations du coût réel du capital. Elles vont ainsi fortement s’apprécier lorsque les taux d’intérêt réels diminuent et deviennent négatifs. Il y a par ailleurs une double causalité entre inflation et prix des Matières Premiers. Les chocs inflationnistes ont souvent pour origine un choc sur les prix des Matières Premières (effet fondamental). Et en phase de forte inflation, les allocations d’actifs s’orientent vers les Matières Premières (effet flux). Elles constituent donc une parfaite couverture contre l’inflation. Cette notion d’actif réel peut évidemment s’étendre à d’autres actifs, comme l’immobilier, les terres agricoles, le capital fixe (actifs tangibles des entreprises). A titre d’illustration, un indice composite d’actifs réels combinant Métaux Précieux, Matières Premières, actifs fonciers (immobilier résidentiel, terres agricoles) et capital fixe surperforme très nettement l’inflation lorsque cette dernière est élevée. Le bénéfice de la protection s’accélère avec le rythme d’inflation : le rendement annuel moyen de l’indice est de 7,6% quand l’inflation est comprise entre 5 et 10%, il passe à 21% quand l’inflation dépasse 10%.
Emmanuel Ferry Banque Pâris Bertrand Sturdza SA/ AGEFI SUISSSE Jeudi, 22.08.2013
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