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L’autre redoutable déclencheur

L’autre redoutable déclencheur 

Accidents de trading. L’érosion de la confiance dans le fonctionnement des plateformes de négoce pourrait provoquer une nouvelle grande crise.

 Le manque de confiance des investisseurs pourrait devenir le prochain déclencheur d’une crise sur les marchés. Les facteurs provoquant une chute seraient ainsi encore plus que jamais intrinsèquement liés au fonctionnement de ces derniers. Ce qui avait déjà débuté avec la crise des subprimes, qui a aussi été le résultat d’une méfiance vis-à-vis de la capacité des acteurs d’évaluer correctement les risques et, par conséquent, de déterminer des conditions adéquates. Mais la méfiance face aux jugements humains risque de faire place cette fois à celle de la fiabilité de tous les algorithmes et autres instruments électroniques, souvent sans aucune intervention humaine, qui se sont développés depuis le début du siècle. 

Ces derniers jours, les incidents se sont multipliés. Le 10 août, Hong Kong Exchanges & Clearing s’est vu contraint d’arrêter le négoce pour plusieurs titres importants, dont HSBC, après avoir découvert que son site web avait été attaqué. Le marché new-yorkais (NYSE) a annulé mardi 17 minutes de négoce d’options, en raison, selon l’interprétation actuellement la plus courante, d’une erreur de programmation chez Goldman Sachs ayant déclenché des transactions mettant l’établissement en position de perdre 100 millions de dollars. Ce qui incite  à s’interroger sur ce qui se serait passé si un autre acteur avait commis la même erreur (une mésaventure similaire avait provoqué la faillite de Knight Capital). Finalement, après une entrée particulièrement mal négociée de Facebook sur le marché, le Nasdaq a de nouveau été au centre de l’attention jeudi, en raison d’un volume de transactions provenant d’algorithmes de haute fréquence si élevé que les systèmes n’étaient plus en mesure de les traiter correctement. 

Suspension jamais vue des cotations du Nasdaq

Le Nasdaq, indice à dominante technologique qui rassemble les valeurs phares du marché de New York, a dû interrompre ses cotations pendant trois heures jeudi soir. Vendredi, le directeur général du groupe Nasdaq OMX Group n’a pas pu garantir que ce problème ne surviendrait plus

La bourse Nasdaq de New York a suspendu jeudi toute son activité pendant plus de trois heures en raison d’un problème informatique, un incident sans précédent qui met de nouveau en question la fiabilité des échanges électroniques.

Le courtage des actions a cessé sur la plateforme électronique d’environ 16h15 GMT à 19h25 GMT, paralysant l’indice composite Nasdaq, à dominante technologique, et des valeurs phares de la place new-yorkaise comme Apple ou Microsoft.

Malgré la panne, l’indice a clôturé en hausse de 1,08% à 3 638,71 points. L’action du groupe Nasdaq a en revanche perdu 3,42%, à 30,46 dollars.

Vendredi, le directeur général du groupe, Robert Greifeld, a déclaré que les problèmes techniques qui ont abouti à cette panne avaient été résolus. Dans une interview à la chaîne de télévision américaine CNBC, ce dernier a souligné qu’il ne pouvait toutefois pas garantir qu’il n’y aurait plus de problèmes à l’avenir.

«C’est la première fois que je vois une plateforme d’échanges fermer complètement pendant autant de temps en raison d’un problème technique en plein milieu de la journée», s’est étonné Art Hogan, responsable de la stratégie d’investissements à Lazard Capital Markets.

Les sources précises de la panne restaient à éclaircir, mais elles sont liées au système de communication du Nasdaq avec les autres bourses d’échanges.

Incident «sérieux»

A la mi-séance, «le Nasdaq s’est rendu compte que les offres de prix (d’actions) n’étaient pas répercutées par le (logiciel) qui les consolide et les dissémine dans tout le secteur financier» et a donc décidé de suspendre les cotations, a-t-il expliqué dans un communiqué.

Les autres places boursières, à l’instar du New York Stock Exchange (NYSE), ont aussi dû suspendre le courtage des valeurs échangées sur le Nasdaq.

Le problème lui-même n’a duré que 30 minutes et pendant les deux heures et demie qui ont suivi, «le Nasdaq, les autres plateformes boursières, les régulateurs et les opérateurs de marché se sont coordonnées pour assurer une réouverture ordonnée de la cotation», poursuit le communiqué.

La directrice de la SEC a qualifié, dans un communiqué, l’incident de «sérieux» et s’engage à «faire adopter les nouvelles règles» pour renforcer les plateformes boursières et à tenir à cet effet «une réunion avec les dirigeants des places boursières et autres opérateurs de marché».

Confiance «sapée»

L’incident «n’a pas provoqué de panique sur le marché», observe Art Hogan.

Il «est apparu en plein été, à l’heure du déjeuner, alors que la plus grande confusion règne sur l’avenir de la politique monétaire américaine et qu’aucune grande compagnie du Nasdaq ne publiait ses résultats. Les volumes d’échanges étaient très faibles», renchérit Steven Rosen, spécialiste des marchés à la Société Générale.

Pour Peter Cardillo, de Rockwell Global Capital, les investisseurs «n’étaient pas complètement dépourvus, ils pouvaient recourir aux autres plateformes d’échanges», mais «chaque nouvel incident de ce genre depuis Facebook a bien sûr tendance à saper notre confiance», ajoute-t-il toutefois.

Le jour du lancement en grande pompe sur le Nasdaq de l’action du réseau communautaire en mai 2012, des problèmes techniques avaient coûté des centaines de millions de dollars de pertes aux investisseurs.

Plus tôt la même année, la plateforme électronique d’échanges boursiers BATS avait été forcée d’annuler sa propre introduction boursière après un autre «bug» informatique.

L’installation ratée d’un nouveau logiciel de courtage chez Knight Capital en août 2012 s’était traduite pour la société par une perte de 461 millions de dollars et avait conduit à son rachat par un concurrent.

«Chaque fois qu’un problème technique se produit, se pose la question de l’intégrité du marché. Cela n’encourage pas les gens à confier leur argent» aux systèmes électroniques, dans des marchés de plus en plus soumis au courtage automatisé à haute fréquence, estime pour sa part Michael Gayed, responsable des investissements à Pension Partners.

Mais, ajoute-t-il, «ces incidents sont relativement rares et, dans un monde où tout dépend des fibres optiques et d’Internet, il est impossible de ne pas parfois se retrouver face à des situations anormales».

Il faudra peut-être d’autres gouttes pour faire déborder le vase.  

En attendant, les interrogations sur des collusions d’intérêts au sein d’institutions dont l’indépendance et le respect de l’égalité de traitement avaient auparavant été au-dessus de tout soupçon reflète clairement une montée considérable de la méfiance. Ces incidents sont évidemment surveillés de près. Et des alternatives aux plateformes établies sont en train de se préparer. 

L’offre en plateformes alternatives

La plupart de ces alternatives cherchent à offrir des avantages techniques aux investisseurs, par exemple en termes d’heures d’ouverture du négoce ou encore l’affichage de plusieurs prix, voire de plusieurs produits provenant d’offrants différents. Sur certaines plateformes, le conflit d’intérêt entre la promotion de ses propres produits et l’ouverture de la structure aux concurrents est clairement affiché et assumé, d’autres n’offrent pas de produits maison. Quelle que soit la couverture des marchés qu’offrent les titres présents sur une plateforme,cette dernière a intérêt à ce qu’une transaction finisse par se faire, génératrice de courtages et autres commissions. C’est le conflit d’intérêt de base. Un autre est la collecte de grands volumes de données de transactions et de recherches provenant notamment d’acteurs de référence sur les marchés afin de mieux connaître leurs stratégies et leur comportement, comme l’a révélé l’affaire autour de l’agence Bloomberg.

 «L’industrie lance des produits, et l’acheteur assume les risques. Mais sans avoir les outils pour les évaluer correctement, ce n’est finalement guère plus qu’une question de confiance aveugle», estime la présentation d’un nouveau concept qui cherche à casser ce système que même la crise de 2008 a laissé en place. Il vise à objectiver la mise à disposition de données financières, notamment en offrant des outils d’analyse basés sur des calculs mathématiques, et en y fournissant un accès gratuit à tous les utilisateurs du web.

 Pour concrétiser cette dissociation, le fondateur et président exécutif de Cfinancials Michael Heijmeijer a choisi la forme juridique d’une fondation. La «PeoplesFinancials Foundation», dont la création est prévue pour l’année prochaine, devrait ainsi donner accès à des bases de données sur des produits financiers, des moteurs de recherche, des outils d’évaluation et des analyses complétés par des supports de formation comme des newsletter, des vidéos ou des conférences. Avec la conviction que seule la confiance dans la transparence et l’objectivité des données fournies peut permettre aux marchés financiers de maintenir, voire de regagner leur activité.

Christian Affolter/AGEFI SUISSE 26/6/2013

http://agefi.com/une/detail/artikel/accidents-de-trading-lerosion-de-la-confiance-dans-le-fonctionnement-des-plateformes-de-negoce-pourrait-provoquer-une-nouvelle-grande-crise.html


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