Site icon Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Salaire minimum, chômage maximal Par Pierre-Antoine Delhommais (Avec Commentaire de Bruno bertez)

Publicités

Salaire minimum, chômage maximal Par Pierre-Antoine Delhommais (Avec Commentaire de Bruno bertez)

AVANT PROPOS DE BRUNO BERTEZ

 Le salaire est la composante majeure du prix des marchandises et des services.  Dans un monde ou les prix des marchandises et des services sont  fixés par la concurrence globale, décréter, fixer de façon exogène le niveau du salaire qui sera incorporé dans ces productions c’est introduire du fixe dans du variable. Quand les conditions de production et de concurrence fluctuent, cela signifie que la variable d’ajustement devient la quantité de travail, c’est à dire le chômage. Chaque fois que l’on introduit du fixe sur du variable en économie, on se casse les dents. L’économie, c’est la vie;  le fixe, c’est le mort. La seule garantie de la survie est dans tous les domaines c’est l’adaptation et c’est la capacité à s’adapter qu’il faut préserver  ou retrouver.
Mais comme en même temps on veut décréter la quantité de travail, c’est à dire le niveau d’emploi, la seule solution en cas de fluctuation des prix et des conditions de concurrence c’est l’autarcie, la fermeture de l’espace économique. Ce qui était le choix devant lequel Mitterrand a reculé en 83 et 84. C’est le choix implicite de Hollande.

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

Le smic, une fausse bonne idée qui pénalise les moins qualifiés et les plus précaires.

Il ne faut pas désespérer. La France est encore capable d’exporter vers l’Allemagne. Pas des voitures ou des ordinateurs, malheureusement, mais ses outils économiques défectueux. Par exemple le salaire minimum généralisé, dont Mme Merkel vient de décider, à reculons, la création, contrainte et forcée par le SPD, qui n’acceptait d’entrer dans la coalition gouvernementale qu’à cette condition. Le gouvernement français mais aussi une partie de la droite et de nombreux journaux ont salué cette mesure censée mettre fin à l’esclavage honteux des travailleurs pauvres outre-Rhin, supposée faire passer l’Allemagne de l’ombre à la lumière salariale.

Tous ces applaudissements venus de France ont de quoi surprendre lorsqu’on connaît les dégâts économiques que le smic provoque dans notre pays depuis des décennies. Des dégâts que Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg, trois économistes spécialistes du marché du travail et qui peuvent difficilement être taxés d’ultralibéraux, avaient recensés dans un rapport rédigé pour le Conseil d’analyse économique.

D’abord, le smic, malgré son niveau élevé (l’un des plus élevés au monde, par rapport au salaire médian, avec le Luxembourg et l’Australie), se révèle être un instrument totalement inefficace pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Pour preuve, le taux de pauvreté est resté stable en France depuis le milieu des années 90 malgré la revalorisation importante du smic durant cette période et malgré les multiples coups de pouce accordés par des gouvernements de gauche et de droite aussi généreux qu’irresponsables : depuis 1994, le pouvoir d’achat du smic mensuel net a dépassé celui du salaire médian de près de 20 %.

L’explication de cette inefficacité est quant à elle toute simple. C’est la situation face à l’emploi (le fait d’avoir ou non un job, le fait de travailler à temps plein ou pas) qui détermine la pauvreté et le niveau des inégalités, pas du tout le montant du salaire horaire minimum. Les hausses du smic améliorent certes les revenus des personnes qui ont un emploi, mais pas de celles qui n’en ont pas et qui se trouvent tout en bas de l’échelle sociale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les quatre pays de l’Union européenne les moins inégalitaires, la Finlande, le Danemark, la Suède et l’Italie, n’ont pas de salaire minimum légal. On arrive donc au paradoxe suivant : les inégalités de revenu sont plus grandes là où le salaire minimum est élevé, elles sont moindres dans les pays où il est faible ou n’existe pas.

Autre inconvénient majeur du salaire minimum généralisé : son augmentation présente des effets négatifs sur le marché de l’emploi… sauf quand il est très bas ! Sur 100 cas qu’ils ont étudiés dans toutes les régions du monde, les économistes américains David Neumark et William Wascher n’en ont trouvé que 8 où une hausse du salaire minimum avait un impact positif sur l’emploi. Au-delà de ses conséquences nocives pour la compétitivité globale des économies, ils ont constaté qu’elle avait partout des effets extrêmement négatifs pour l’accès à l’emploi des personnes les moins qualifiées et les plus fragiles, en particulier les jeunes et les mères célibataires. C’est le cas en France, où le smic fonctionne comme une formidable machine à fabriquer du chômage et à exclure les jeunes du marché du travail. Il est l’exemple même de l’idée économique pétrie de bonnes intentions morales qui arrive au résultat inverse du but souhaité et aggrave en réalité les maux qu’elle prétend vaincre.

Pour finir, le smic pourrit littéralement les relations sociales. En décidant de façon autoritaire, contraignante et uniforme, sans aucune distinction liée à l’âge ou à la profession, le niveau de rémunération de plus d’un tiers des salariés français (35 % des salaires sont référencés directement ou indirectement sur le smic), l’État se substitue aux partenaires sociaux dans l’une de leurs missions essentielles. Le rôle des syndicats se trouve réduit à celui de simple chambre d’enregistrement. De façon amusante et sans doute pas fortuite, on constate d’ailleurs en Europe que depuis le début des années 70 c’est dans les pays où le salaire minimum a le plus augmenté que le taux de syndicalisation a le plus diminué. Comme en France. Au contraire, il a augmenté en Suède, en Finlande, en Norvège et au Danemark, où les syndicats sont farouchement hostiles à l’introduction d’un salaire minimum. Cette opposition des pays scandinaves devrait faire réfléchir tous ceux qui en France restent persuadés que l’instauration d’un smic représente un pas en avant décisif vers la modernité sociale, une passerelle magique vers une société plus juste, plus protectrice et plus prospère. Quand on sait que le Maroc ou la Turquie disposent d’un salaire minimum généralisé, mais pas la Norvège, on comprend mieux ce que cette vision a d’erroné.

Les socialistes français peuvent en tout cas remercier leurs camarades sociaux-démocrates allemands. Grâce à eux, grâce à l’instauration d’un salaire minimum généralisé, l’Allemagne risque de devenir rapidement moins compétitive, de connaître une remontée du chômage (1 million d’emplois pourraient être détruits, selon certaines estimations) et elle devrait voir son dialogue social, considéré comme exemplaire, progressivement se dégrader. Grâce à cet affaiblissement programmé de l’économie allemande, les performances de la France apparaîtront, en comparaison, un peu moins mauvaises.

Source Le Point 5/12/2013

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delhommais/salaire-minimum-chomage-maximal-05-12-2013-1764986_493.php

Quitter la version mobile