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Edito spécial du Mercredi 9 Juillet 2014: La victoire à la Pyrrhus des Etats-Unis sur BNP-Paribas Par Bruno Bertez

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 Edito spécial du Mercredi 9 Juillet 2014: La victoire à la Pyrrhus des Etats-Unis sur BNP-Paribas Par Bruno Bertez

L’Eurogroupe envisage « de réfléchir sur les moyens d’accroître la place de la monnaie européenne dans le commerce international ». C’est une des conséquences de l’affaire dite BNP-Paribas. D’autres banques sont concernées, on parle du Crédit Agricole et de Deutsche Bank entre autres. Nous dirons, il était temps, et nous ajouterons, il est trop tard. Il aura fallu quinze ans pour que les incapables qui gouvernent l’Europe se rendent compte qu’il est nécessaire de promouvoir la devise européenne dans les échanges internationaux ! Et dire qu’il a été crée avec la propagande mensongère : « Nous allons faire concurrence au dollar » !

Nous nous permettons de revenir sur l’éditorial de Nicolette de Joncaire parue dans l’Agefi Suisse du 1er juillet. Il a prolongé nos réflexions et les a orientées vers un aspect qui ne semble pas avoir été traité par la presse internationale. Le titre de cet éditorial était « Ces Américains qui détruisent le dollar ». Nous l’avons traduit, pour nous-mêmes, dans nos commentaires, par : « Les Américains se tirent une balle dans le pied ». L’idée centrale de Nicolette de Joncaire  est qu’en mettant en application des textes qui existent depuis longtemps mais qui étaient jusqu’à présent inappliqués, les Américains prenaient le risque de nuire au rôle international du dollar. C’est une idée importante, mais elle est très synthétique. Qu’est-ce que cela veut dire : nuire au rôle international du dollar ?

Nous nous sommes posés cette question et nous nous sommes aperçus qu’elle était très complexe et qu’elle comportait de multiples facettes. La plus importante est celle du statut du dollar comme monnaie de réserve et comme monnaie privilégiée dans les échanges internationaux.

Ceci nous a conduit à regarder de plus près le lien qu’il y avait entre le rôle international du dollar, le seigneuriage et surtout la globalisation financière.

La globalisation financière est le système par lequel les déficits américains peuvent durer et même enfler, à condition que les excédents symétriques  des pays créditeurs soient recyclés. En quelque sorte, les Etats-Unis peuvent enregistrer des déficits à perpétuité à condition que les dollars qui sortent des Etats-Unis ne partent pas à la recherche de leur contre-valeur.

Ainsi, les excédents des Chinois, des Russes, des Emergents, et des Pays Producteurs de Pétrole sont utilisés pour acheter des actifs financiers américains, -des promesses-, ce qui en quelque sorte stabilise le système.  Grâce à ce recyclage, les Etats-Unis bénéficient d’un pouvoir d’achat supérieur à celui dont ils disposeraient s’ils devaient régler leurs déficits par des exportations, ou par de l’or, ou par toute autre marchandise ou service réels. Les Américains bénéficient de ce que l’on appelle l’excès d’épargne mondiale, le fameux « saving glut » théorisé par Greenspan, puis Bernanke. Ceci a été désigné par des nombreux économistes sous le nom de BWII, Bretton Woods II. C’est le fameux paradoxe de Jacques Rueff qui, en son temps, énonçait : les Etats-Unis sont un joueur de billes qui perd ses  billes, mais ceux qui gagnent leur rendent afin que le jeu puisse continuer.

 

On comprend tout de suite que la globalisation, qui se développe depuis les années 70 et   s’est accélérée depuis les années 80, repose sur ce système BWII. À la fois parce que les Etats-Unis alimentent le monde en liquidités, en réserves qui soutiennent le crédit domestique, et bien sûr en demande de biens et services.

Au plan bancaire, le recyclage des déficits américains est rendu possible par l’intervention des banques étrangères lesquelles, de cette façon, s’insèrent dans le dispositif américain. Et elles y réalisent beaucoup de profits. Et c’est pour cela que toutes ont été tentées de bénéficier de cette manne et ont ainsi orienté leurs activités principales vers ce recyclage. A un point tel que, pour les grandes banques, qu’elles soient suisses, allemandes, françaises ou même britanniques, leur équilibre d’abord, et leur avenir ensuite, dépendent de cette possibilité d’avoir accès au marché américain et même d’y jouir de certains privilèges tels que ceux dont disposent les Primary Dealers.  Les Etats-Unis ont fait sentir leur pouvoir en 2009,  2010, et même 2011, en sauvant les banques étrangères au plus fort de la crise et en accordant des swaps en dollars à leurs pays d’origine. Sans ces swaps en dollars et sans l’aide américaine, ces grandes banques auraient été en difficulté, elles auraient eu des problèmes de liquidité et de refinancement et elles auraient été soumises à des runs qui auraient mis en danger, non seulement ces établissements, mais aussi leurs pays d’origine.

La taille tout à fait démesurée du bilan de ces banques en regard des GDP de leur pays d’origine, l’insuffisance de leur base de dépôts, leur leverage, leur insuffisance de fonds propres, leurs mismatchs de durée et de risque, leur interconnexion en matières dérivés, tout cela fait, qu’en pratique,  elles sont dépendantes de leur accès au marché américain et, au-delà, dépendante  de la Réserve Fédérale. La Fed est dans la pratique la vraie Banque de dernier ressort pour tous ces établissements. On comprend mieux pourquoi les Suisses ont cédé aux chantages américains, pourquoi l’Allemagne, otage de la Deutsche Bank, cède, elle aussi,  sur beaucoup de choses et bien entendu on ne s’étonne plus du fait que BNP-Paribas ait plaidé coupable aux Etats-Unis .

On remarquera que, dans un premier temps, les autorités françaises ont adopté une attitude de rébellion face au diktat américain. Ce fut le cas du gouverneur de la Banque de France, Noyer, et des pouvoirs politiques, mais dans un second temps, après briefing, ils ont mis genou à terre et simplement discuté le montant de pénalités infligées  à BNP-Paribas.

Ceci interprète de la façon suivante, ils ont accepté de reconnaître la culpabilité, c’est à dire de reconnaître la faute, c’est à dire de reconnaître la soumission au droit américain. Ainsi, ils se sont alignés, ils font maintenant, et cela fera jurisprudence, partie du territoire juridique américain. Avant, cela était flou, maintenant cela est clair, ratifié, admis.

Il y a au niveau global un espace bancaire et même plus que bancaire, un espace de marchés qui est inclus dans le territoire souverain américain. Cela existait de facto, mais après les derniers événements, cela existe de droit.

La question reste ouverte de savoir pourquoi les Américains ont tiré le tapis et choisi d’exercer leur pouvoir maintenant, en 2014, alors que l’usage du dollar et des eurodollars se développe depuis plus de 60 ans. Plusieurs hypothèses sont possibles, on peut avancer :

Sur ce dernier point, on sait que la CIA est vigilante et procède à des écoutes et à des simulations pour ne pas être prise au dépourvu. On en a un indice dans l’affaire de Facebook où l’armée a cofinancé une étude sur les comportements émotionnels et leur manipulation. On sait aussi que Google fournit des informations suivies sur le sentiment à l’égard des marchés, ce n’est pas par simple curiosité. Les marchés sont maintenant considérés comme des lieux de stratégie, de possibles champs de bataille, et il faut pouvoir déceler tout ordre ou mouvement nuisible organisé ou non, hostile ou non.

Des utilisateurs de Facebook «manipulés» pour une expérience

afFacebook a manipulé en secret les émotions de 700 000 utilisateurs pour étudier «la contagion émotionnelle» dans le cadre d’une étude qui a provoqué la colère des internautes et soulevé des interrogations d’ordre éthique.

Pendant une semaine, du 11 au 18 janvier 2012, Facebook et des scientifiques des universités Cornell et de Californie à San Francisco, ont utilisé le système d’algorithmes du réseau pour modifier le contenu des informations reçues par un groupe d’utilisateurs anglophones afin d’étudier l’impact sur leurs émotions.

La recherche a été publiée dans la revue scientifique américaine Comptes rendus de l’Académie nationale des sciences (PNAS), datée du 17 juin.

Les auteurs cherchaient à savoir si le nombre de messages positifs ou négatifs lus par les utilisateurs influençait la teneur de ce qu’ils postaient eux-mêmes sur le site. Ils ont constaté que les utilisateurs ciblés commençaient à utiliser davantage de mots négatifs ou positifs selon l’ampleur des contenus auxquels ils avaient été «exposés».

«Les états émotionnels sont communicatifs et peuvent se transmettre par un phénomène de contagion, conduisant les autres personnes à ressentir les mêmes émotions sans en être conscientes», écrivent les auteurs de cette recherche.

Selon eux, «ces résultats montrent la réalité d’une contagion émotionnelle de masse via les réseaux sociaux».

D’autres recherches se sont déjà penchées sur ce phénomène, mais cette étude est unique au sens où ses auteurs «ont manipulé», selon leurs propres mots, les données.

Ils ont d’ailleurs pris soin de souligner que la recherche était «compatible avec la politique d’utilisation des données à laquelle tous les utilisateurs doivent souscrire en créant un compte Facebook».

En tous cas, quelles que soient les motivations, le plus probable est qu’elles sont multiples et qu’elles doivent être prises comme un tournant dans le fonctionnement du système global. Le Pouvoir se manifeste, il révèle son étendue. 

Ce Pouvoir, il faut le noter, vient de se manifester en Russie. Les dirigeants russes viennent de prendre un texte qui autorise les banques russes à se soumettre au diktat de FATCA. La législation russe le leur interdisait et elles allaient être lourdement pénalisées, donc pour éviter leur étranglement, on les a autorisées à satisfaire aux exigences américaines. Cela ne veut pas dire qu’on le fait de bon cœur, mais on le fait parce que, à ce stade, on ne peut faire autrement. On ne peut faire autrement parce que l’on n’est pas prêt à faire autrement, les dispositions n’ont pas encore été prises pour échapper à l’emprise américaine. Poutine et ses amis ont encore beaucoup d’argent dehors!

Les banques russes vont pouvoir se plier à la loi américaine sur l’évasion fiscale Fatca et échapper ainsi à d’importantes pénalités financières malgré l’absence d’accord entre Moscou et Washington, en vertu d’une loi promulguée in extremis par le président russe.

Le texte, signé par Vladimir Poutine samedi et publié dans le journal officiel en ligne, autorise les établissements financiers russes à transmettre des informations sur leurs clients étrangers au fisc de leur pays. Il impose également aux banques étrangères d’appliquer les mêmes règles avec les services fiscaux russes.

Dans le cadre de la loi Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) votée en 2010 pour lutter contre l’évasion fiscale et entrant en vigueur le 1er juillet, les Etats-Unis demandent aux banques étrangères de les informer de la présence parmi leurs clients de personnes imposables aux Etats-Unis.

Selon cette loi, contestée au début de sa mise en oeuvre mais que de nombreux pays ont finalement acceptée, les banques étrangères sont sanctionnées financièrement si elles n’adoptent pas cette transparence vis-à-vis des Etats-Unis.

Moscou et Washington menaient des négociations pour trouver un accord sur le sujet mais les autorités américaines ont décidé de les interrompre en avril en raison de la crise ukrainienne.

En l’absence d’accord, la loi Fatca donne la possibilité aux banques de coopérer directement avec le fisc américain. Mais la législation russe, jusqu’à présent, ne leur permettait pas et elle risquait donc de lourdes pénalités à partir du 1er juillet.

La nouvelle loi pose cependant des conditions. Les informations ne peuvent être transmises au fisc qu’avec l’accord du client et faute de cet accord, la banque peut fermer son compte.

Les autorités russes, via le régulateur du système financier, peuvent en outre s’opposer à la transmission de certaines informations.

En vertu du texte par ailleurs, les banques étrangères doivent chaque année avant le 30 septembre informer les autorités russes de l’ouverture de comptes par les ressortissants russes, au risque de sanctions non précisées.

« La loi russe supprime un obstacle essentiel au respect de Fatca par la Russie », estimaient récemment les analystes d’Eurasia Group. Mais « faute d’accord ferme (entre les deux pays, ndlr), dans la mesure où les relations entre Washington et Moscou sont de plus en plus volatiles, il y a un risque d’une interprétation politique des critères de respect des deux côtés ».

Ce n’est pas un hasard si le ministre russe des Affaires Étrangères a évoqué cette question récemment, disant que les agressions et les prétentions américaines allaient dans le sens d’une perte du statut privilégié du dollar, c’est le signe que le problème est bien perçu et que l’on travaille à échapper à cette forme de tutelle.

La volonté des Chinois de se libérer de l’emprise du dollar sous toutes ses formes est maintenant bien connue. Elle est évidente par la multiplication des accords bilatéraux de clearing, par la multiplication des contrats à long terme qui sont libellés en Yuans ou autre devise non-dollar. Pour l’instant, les Etats-Unis ont réussi à torpiller les accords régionaux de zone monétaire  plus vastes et plus ambitieux, mais plus l’overreach américain deviendra évident et plus ces accords deviendront possibles. Le récent accord pour l’ouverture d’une Chambre de Compensation à Paris pour le Yuan chinois prend sous cet aspect une valeur symbolique. Au fur et à mesure que les dirigeants chinois avanceront dans la réorientation de leur modèle de croissance -et on ne peut plus douter de leur volonté d’aller dans cette direction- leurs ambitions dans le domaine monétaire et le contrôle de leurs flux financiers et celui de leur épargne/excédents vont s’affirmer.

La globalisation, affirmons nous, est sur la phase descendante et non montante. La mondialisation repose sur :

Si on ajoute que la grande vague d’innovation et de progrès technologique semble tirer à sa fin et que l’on est plutôt dans la phase négative où ses coûts sociaux divers deviennent supérieurs à ses avantages, on a un ensemble de paramètres qui vont dans le sens de la coupure, voire de la dislocation du monde global. On est dans redomestication, on est dans le retour des clivages, dans les « great divide ». La position prise par la Fed, lorsqu’elle a déclaré cyniquement que le retrait des QE  et des liquidités ne se ferait qu’en fonction des besoins américains, a choqué le monde, les émergents en particulier. Ils ont compris que nous abandonnions la gestion concertée et la recherche de l’optimum pour tous et que seuls comptaient les intérêts américains, le niveau de vie américain, la Puissance Américaine. Aux autres de  s’adapter. Même chose quand Yellen a affirmé ces derniers jours devant le FMI que la Fed n’avait pas à se préoccuper de la stabilité financière et que c’était la seule affaire des réglementations et contrôles, c’est à dire affaire de chacun. Celui qui inonde le monde de liquidités spéculatives s’en lave les mains.

L’égoïsme américain, à notre sens, joue de façon dialectique. En tirant le tapis, en révélant ses visées et ses atouts impériaux, l’Amérique joue à la fois pour et contre elle-même. Il est évident que, pendant un certain temps, les dirigeants Américains vont avoir l’impression d’être à même d’imposer leurs volontés dans le monde.  Ils vont montrer leurs muscles. Ils vont négliger les réaction de défense, les parades  qui vont se mettre en place.

La fin prévisible, à l’échelle de l’histoire de BWII,  va provoquer des modifications considérables : les tensions sur les ressources vont réapparaître, c’est une évidence programmée et, avec elle, la fin de la désinflation. De même, la création de crédit qui compense la faiblesse de l’épargne va être moins facile, plus dangereuse et plus coûteuse.

Tout comme le transfert du risque sur le monde extérieur. Il est possible que les chocs deviennent plus fréquents et plus délicats à gérer, surtout dans la situation présente où le risque n’est plus seulement bancaire, mais surtout sur les marchés. Il est plus difficile de contrôler les marchés , opaques, soumis aux phénomènes de foule, que des institutions conniventes.

Le marché de Paris sent mauvais 

D’une façon générale, les Bourses mondiales font la pause. Si on excepte le marché chinois qui tente un redressement, les places mondiales ont perdu leur allant. Les indices plafonnent, les volumes rétrécissent, les données techniques se détériorent. Sur des secteurs comme le secteur bancaire, les déchets sont quelquefois importants. 

Depuis les rumeurs de « taper » en Avril/Mai 2013 les Bourses donnent l’impression de jouer les prolongations, de continuer leur tendance, certes, mais tout en paraissant fatiguées. Les marchés des périphériques subissent maintenant des sorties appuyées. 

L’Europe surtout est déplaisante. Le secteur bancaire qui avait longtemps joué les locomotives, construit une configuration qui ressemble à un « top » ; les spreads des emprunts souverains des périphériques redeviennent plus volatiles avec une tendance à décompresser. 

Le graphique de l’Eurostoxx 50 n’est pas très beau, on est à 3184 ; si il devait passer sous les 3150, il deviendrait franchement déplaisant. 

Vous remarquerez que nous ne donnons aucune raison, nous ne recherchons aucune cause considérant que cela est « irrelevant ». Nous nous bornons à vous transmettre une impression personnelle négative afin de vous inciter à la vigilance si vous avez des positions.

BRUNO BERTEZ Le Mercredi 9 Juillet 2014

illustrations et mise en page by THE WOLF

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