La « reprise » du secteur de la construction en France Par Wolf Richter
Beaucoup de choses vont encore très bien en France, mais l’économie n’en fait pas partie. Elle est alourdie par un secteur public qui ne cesse plus d’enfler. En 2013, les dépenses du gouvernement, malgré la volonté de les limiter, sont passées à 57,1% du PIB, un record pour les données Eurosat pour la France. En 2002, elles s’élevaient à 52,9%.
Précédemment, lorsque l’économie ralentissait, le gouvernement dépensait plus au travers de ses services publics et son vaste réseau d’entreprises d’Etat. De la monnaie venait alimenter le PIB, et les choses prenaient des airs plus sereins. Pour financer ces politiques, la Banque de France créait de la monnaie, et le franc se trouvait constamment dévalué et périodiquement « réévalué » – plus récemment en 1960, alors que trois zéros furent supprimés. Tous ceux qui ont possédé trop longtemps de ce papier, ou des actifs financiers en francs, en ont payé les frais.
Mais la France vit aujourd’hui dans un monde différent, celui de la zone euro. Elle ne s’y est pas tout à fait ajustée. Elle ne peut plus imprimer sa propre monnaie (bien que l’envie ne lui manque pas). Et lorsque le gouvernement désire dépenser plus que ce qu’il gagne, il finit par transgresser des limites fixées par les traités de l’Europe.
Le secteur privé se retrouve asphyxié. Au deuxième trimestre de cette année, l’économie a enregistré une croissance de zéro pourcent – comme au premier trimestre. La consommation a augmenté de 0,5%, ce qui est une bonne chose, mais elle n’a servi qu’à faire grimper l’importation (+0,4%). Les exportations ont stagné, la production manufacturière a perdu 0,1%, les investissements des entreprises ont chuté de 0,8%, et les investissements immobiliers ont perdu 2,4%.
Le déclin enregistré par l’immobilier n’a rien d’une baisse passagère. Il s’est produit alors même que les gens commençaient à parler d’une pénurie de logements à Paris et dans d’autres zones urbaines – ou du moins de pénuries de logements abordables –, une plainte à laquelle le gouvernement a répondu en mettant en place toute une série de politiques élégantes, comme l’obligation pour les propriétaires de propriétés vacantes de les mettre en location. La demande en logements est là. Mais où est la construction ?
Ce graphique (source : Natixis) présente les statistiques françaises pour l’immobilier de 1914 à 2014. Il montre comment le secteur de la construction s’est retrouvé coincé, malgré la forte demande et la croissance démographique, dans un courant descendant.
Le taux d’avant-crise, qui s’élève à plus de 450.000 logements par an, est aujourd’hui un rêve lointain. Le stimulus d’après-crise a entraîné une hausse jusqu’à 400.000 logements par an, mais les politiques de François Hollande n’ont pas tardé à faire la une des journaux et, coïncidence ou non, le secteur immobilier a commencé à plonger. Il a perdu 38% depuis son record d’avant-crise, pour passer aujourd’hui à 280.000 logements par an, son taux le plus faible depuis 1998. Et on nous parle de « reprise »…
Aux Etats-Unis, la construction de nouveaux logements a plongé après l’éclatement de la bulle sur l’immobilier, et n’est pas parvenue à regrimper. Mais elle a plongé parce que la bulle avait donné lieu à une sur-construction, qui a mené à un excès de l’offre. Une telle chose ne s’est jamais produite en France, où la chute du taux de construction a des causes toutes autres. Quelques que soient ces causes, la plongée du taux de construction entraîne avec elle toute l’économie du secteur privé.
L’INSEE, dans son sondage mensuel pour l’industrie de la construction, a mentionné la terrible tendance de l’emploi sur le secteur. Le sondage se penche sur les tendances des sociétés, depuis les petites sociétés familiales jusqu’aux gros béhémoths de la construction, en matière d’embauche. Il est un bon outil de mesure de l’état de santé de l’industrie.
Les résultats du sondage montrent que, sur le secteur de la construction, l’emploi a fortement plongé pendant la crise financière. Il a quelque peu rebondi en 2011 pour donner le faux espoir d’une reprise. Mais il s’est depuis détérioré pour passer sous les taux enregistrés pendant la crise.
Observez les années 1990, qui représentent une période difficile en France, avec la fin de l’ère Mitterrand et l’arrivée de Jacques Chirac. A l’époque, le taux de chômage atteignait de nouveaux records, et les manifestations populaires faisaient rage.
Ces records ont récemment été battus, bien que ce ne soit pas visible sur le marché français des actions. Le CAC40 grimpe depuis des années (bien qu’il ait perdu 9% depuis son récent record), et donne un faux lustre à la terrible réalité sous-jacente. Je vous conseille de lire ceci : France’s Relentlessly Deteriorating Unemployment Fiasco
Par Wolf Richter – Testosterone Pit/24hgold.com Publié le 24 septembre 2014