Art de la guerre monétaire et économique

De Wall Street à Madison Avenue Par François Gilliéron

De Wall Street à Madison Avenue Par François Gilliéron  

Le dernier néologisme inventé par Wall Street est renversant. En effet, si l’on en croit un récent article paru sur Bloomberg, «l’exceptionnalisme» américain permet aux Etats-Unis de demeurer une oasis de prospérité dans un monde en crise qui ne cesse de créer des emplois. Mais, selon des sources crédibles, plus de dix millions d’Américains, le plus souvent sans papiers, sont sortis ces dernières années du marché du travail, et vivent désormais de petits boulots.

Toutefois, Wall Street n’a pas envie de s’arrêter à ce genre de réalité et confond plus que jamais son activité avec celle de Madison Avenue, lieu privilégié à New York des grandes firmes publicitaires. D’où cette question qu’il est devenu nécessaire de poser: comment lire l’actualité financière sachant que l’information y est souvent manipulée?

Ne soyons toutefois pas naïfs. On connaît la légende de Roth­schild en 1815, vendant à tout va à la bourse de Londres au lendemain de Waterloo pour provoquer un effondrement des cours… puis tout racheter à vil prix juste avant la clôture. Ses pigeons voyageurs lui avaient en effet annoncé la défaite de l’Empereur avant tout le monde. Mais l’interconnexion et l’immédiateté du monde ne permettent plus de raisonner ainsi pour s’assurer un avantage déterminant face à la concurrence; d’où la tentation des grands établissements de Wall Street de se muer en vendeurs de poudre à lessive pour maintenir leurs gains au grand casino financier.

Chaussée de ces nouvelles lunettes «publicitaires», la lecture de l’actualité récente s’en trouve le plus souvent facilitée. A cette fin, prenons quelques exemples aussi récents que différents; d’abord Hongkong. Perçue comme un adversaire – un concurrent en termes économiques – l’ancienne colonie britannique est forcément dévalorisée et les sit-in non violents décrits comme les premiers signes d’un changement de régime. Grave erreur pour ceux qui ne connaissent pas l’habitude chinoise de négocier en sous-main. En ce qui concerne la Russie, vieil ennemi de la Guerre froide, c’est encore plus évident: les nouvelles présentées sont le plus souvent inexactes, pour ne pas dire trompeuses.

Enfin la fièvre Ebola. Dans ce cas, c’est plus compliqué. Le vendeur de poudre à lessive, littéralement, veut laver plus blanc. Donc il a tendance à sous-estimer les épidémies dont la propagation exponentielle et surtout non contrôlée toucherait sans délai un acquis fondamental de la finance, à savoir la globalisation. En bonne logique, il botte en touche.

En résumé, la grille de lecture Madison Avenue est la moins mauvaise pour lire les marchés. Car les publicitaires, grands baratineurs et souvent fins psychologues, savent au moins que l’on ne peut pas tout vendre à n’importe qui. Certains financiers ont oublié cette évidence.

François Gilliéron  Consultant indépendant/Le Temps 13/10/14

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b3be6b54-5240-11e4-a701-a0e5a8a72efd|1


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