Art de la guerre monétaire et économique

L’Etat français se porte bien et les Français très mal

L’Etat français se porte bien et les Français très mal

La campagne présidentielle française a déjà commencé. Les médias s’en donnent à cœur joie. Mais le nom, le style et le parti des probables candidats importent moins que leurs priorités.

Il n’existe qu’un objectif à suivre, une seule voie pour sortir la France de son malaise, avance Cécile Philippe, économiste et directrice de l’Institut Molinari. Dans son nouveau livre*, elle évite les questions partisanes pour désigner la cause d’une croissance atone: «la croissance de la sphère publique». L’augmentation massive des dépenses publiques au cours des décennies, financées par les prélèvements sur la sphère privée, réduit l’incitation à déployer des efforts supplémentaires et favorise les loisirs et le travail au noir. «Elle anesthésie toute initiative individuelle et fait fuir les talents», écrit l’essayiste. Les dégâts sont considérables: la France a «assez de dettes pour briser l’élan de douze générations», ajoute Alexandre Jardin, dans Mes Trois Zèbres (Ed. Grasset).

La question consiste non pas à opposer austérité et relance keynésienne mais à «se demander s’il n’y aurait pas un lien entre dépenses publiques et croissance économique», propose Cécile Philippe. Sur 60 études académiques, François Facchini et Mickaël Melki montrent que seules 8,3% aboutissent à un lien positif entre les deux. D’autres travaux montrent qu’une hausse d’un point de fiscalité réduit le niveau de production de richesses de 0,6 à 0,7%. Cela pourrait paraître modeste, mais un point supplémentaire de croissance signifie une hausse du PIB de 22% après 20 ans.

Comment oser parler d’austérité face à un Etat tentaculaire et une courbe des dépenses dont seuls les keynésiens refusent de voir la pente? Les dépenses budgétaires ont franchi la barre des 10% du PIB il y a un siècle, celle des 50% durant les années Mitterrand, et en 2013 leur niveau atteint 57,1% du PIB. Cécile Philippe demande logiquement s’il est légitime de parler de libéralisme ou de capitalisme triomphant en France. 60% des Français sont pourtant d’avis que leur pays est «plutôt libéral», selon un récent sondage, alors que la France «a cessé d’être un pays de liberté et de propriété», juge l’économiste. Au long de dix chapitres et d’une analyse historique et économique des systèmes de retraites, de la santé, du marché du travail, de la monnaie et de la technologie, elle décrit comment l’Etat français a pu devenir «trop gras, trop grand, trop puissant», tandis que la dette s’est accrue de 50% par décennie. «Le modèle des 40 dernières années a été de prendre d’une main et redonner d’une autre, mais l’état des finances publiques ne permet pas de poursuivre ce jeu de passe-passe», constate-t-elle.

L’espoir n’a pas disparu. 77% des Français pensent que l’Etat ne réduit pas assez les dépenses publiques (Ipsos 2013). Mais des bonnes intentions aux réformes, le chemin peut être long dans un pays qui enregistre son 40e déficit budgétaire consécutif.

D’autres pays menacés de faillite, à l’image du Canada, ont réussi à mettre un terme au cercle vicieux. En 1997-1998, le gouvernement canadien présentait son premier excédent budgétaire depuis 28 ans. «Il sera suivi de onze autres et d’une croissance économique qui fera envie aux autres pays de l’OCDE», écrit Cécile Philippe. L’emploi s’est accru de 2,3% par an entre 1997 et 2003, le taux le plus élevé du G7.

Le changement de cap a pris de longues années. Après l’échec des politiques de relance entre 1977 et 1983 et une deuxième récession en trois ans, en 1982, la majorité de la population continuait à privilégier une politique keynésienne. Il a fallu attendre le milieu des années 1980 pour que les Canadiens soient prêts au changement, puis attendre encore dix ans avant que ne se crée un consensus sur les moyens de réduire un déficit budgétaire qui représentait 8,3% du PIB. En 1992-1993, le déficit budgétaire atteignait 5,6% du PIB. Le climat politique n’a changé qu’en 1993. Un sondage Gallup a alors révélé que les Canadiens préféraient à 73% une baisse des dépenses à une hausse des recettes pour rétablir l’équilibre. Le gouvernement en a fait son objectif absolu. Il a évité des coupes indifférenciées dans les dépenses, agi rapidement et ne s’est arrêté qu’une fois l’objectif atteint. La réforme de 1994-1995 s’est traduite par une baisse des dépenses publiques de 10% en 1994-1995 et à nouveau en 1996-1997. Par la suppression de 55 000 postes, l’emploi public a été réduit de 19,5%.

Un Etat moins obèse et dépensier ne s’accompagne pas d’une perte de popularité, explique Cécile Philippe. Selon le sondage Gallup au sein de 160 pays, le Canada s’est placé au deuxième rang de la satisfaction de ses habitants derrière le Danemark. Le redimensionnement de l’Etat s’est inscrit dans «un véritable projet de société», selon l’auteure.

La pauvreté n’évolue pas en parallèle avec les dépenses publiques. Au Canada, la proportion des bas revenus est passée de 15,3% en 1997 à 9,2% en 2007.

En France, le moteur du système, c’est le marché du travail. Malheureusement l’Etat ne le laisse pas fonctionner comme un marché. Le salaire minimum, par exemple, est trop élevé et génère du chômage chez les jeunes et les personnes sans formation. L’auteure proposerait sa suppression si le sujet n’était pas tabou. Des pays plus égalitaires y sont parvenus (Danemark, Finlande, Suède, Autriche). Plus généralement, Cécile Philippe veut redonner plus de responsabilité aux acteurs eux-mêmes. Le code du travail ne devrait s’appliquerait qu’en l’absence de négociations.

La France souffre d’un sentiment de perte d’avenir. «Embrigadés dans un canevas serré de «il faut», nous ne connaissons plus l’insouciance qui permet de respirer, l’envie qui incite à créer, le désir qui pousse à se dépasser, l’empathie qui aide les autres», observe pour sa part Alexandre Jardin.

* «Trop tard pour la France? Osons remettre l’Etat à sa place», Cécile Philippe, Manitoba/Les Belles Lettres, 2014.

PAR EMMANUEL GARESSUS/ Le Temps 26/11/2014

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/cb16eb04-74b0-11e4-af18-ffe6f30f043d/LEtat_fran%C3%A7ais_se_porte_bien_et_les_Fran%C3%A7ais_tr%C3%A8s_mal

La France toujours championne du monde des dépenses sociales

La France dépense 10 points de PIB en plus que la moyenne des pays de l’OCDE.

Les dépenses sociales sont en baisse en Grèce ou au Canada, mais restent toutefois élevées dans la plupart des pays de l’OCDE avec en moyenne 22% du PIB, la France étant la plus généreuse (près de 32%), selon de nouvelles données rendues publiques lundi 24 novembre.

Ces dernières années, les dépenses allouées aux allocations chômage, maladie ou autres aides sociales ont connu des baisses importantes au Canada, en Allemagne, en Islande, en Irlande ou encore au Royaume-Uni. La Grèce enregistre la baisse la plus rapide (-2 points), indique l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Toutefois, dans la majorité des pays, les niveaux restent historiquement élevés. Quatre pays consacrent plus de 30% de leur PIB aux dépenses sociales: la France, la Finlande, la Belgique et le Danemark. En Italie, en Autriche, en Suède, en Espagne et en Allemagne, elles représentent plus d’un quart du PIB.

A l’opposé, Turquie, Corée, Chili et Mexique dépensent moins de 15% de leur PIB pour les prestations sociales. Les trois derniers pays sont actuellement à un niveau similaire à celui des pays européens dans les années 1960.

Prestations en espèces en tête

Comparé au niveau de 2007, avant la crise, le ratio dépenses sociales/ PIB a augmenté de 4 points en Belgique, au Danemark, en Irlande et au Japon. Il est en baisse au Luxembourg, en Espagne et en Finlande.

Dans le détail, les pays consacrent en moyenne davantage de dépenses aux prestations en espèces (12,3% du PIB) qu’aux services sociaux et de santé (8,6% du PIB). Mais dans les pays scandinaves, au Canada, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, un meilleur équilibre entre les prestations en espèces et les prestations en nature est fait, remarque l’OCDE.

Les prestations en espèces ciblées sur les actifs représentent 4,4% du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE: 1% du PIB pour les indemnités chômage, 1,8% pour les prestations invalidité/maladie, 1,3% pour les prestations familiales et 0,4% au titre des autres transferts sociaux.

La santé est un poste important pour les dépenses publiques, passé de 4% du PIB en 1980 à 6% en 2012. Cette augmentation s’explique entre autres par le coût de la technologie et une proportion de personnes âgées plus importante.

Les retraites pèsent aussi plus lourd pour les comptes publics. Depuis 1980, les dépenses pour les pensions par rapport au PIB ont augmenté de 2 points en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Source AFP 25/11/2014

3 réponses »

  1. La France ne baissera jamais ses dépenses publiques…
    Mettez 2000 Mdrs de dette (déficits cumulés).. face à 2035 Mdrs de PIB…. vous êtes endetté à 95% (grosso merdo)…

    Puis vous réduisez les dépenses de 100 Mdrs… dans le meilleur des cas, vous équilibrez les comptes annuels, mais en aucun cas, vous ne réduisez la dette…

    Mais pire encore, si vous réduisez de 100 Mdrs les dépenses publiques, vous faites chuter le PIB d’autant et là, vous aurez donc 2000 Mdrs de dette face à 1900 Mdrs de PIB…

    Et on dit bonjour à qui dans ce cas là ????? on dira bonjour aux vautours à 8% d’intérêts et comme par magie nos 100 Mdrs d’économie, vont vite redevenir une « dépense » supplémentaire qu’on appelle « charge de la dette »… résultat des courses, on l’a dans le « baba » quoi qu’on fasse….

  2. En d’autre terme, la dette est immuable, et la seule variable d’ajustement pour le respect des ratios, c’est l’évolution du PIB… dans la mesure où le PIB n’est plus, pour l’essentiel, constitué de la « production industrielle », nos ploucs de l’Ena, n’ont rien trouvé de mieux que d’intégrer dans le PIB, les dépenses publiques…
    Résultat, les politiques qui se succèdent, continuent à nous trouver de nouvelles dépenses et le peuple continue de gueuler sans vraiment comprendre pourquoi on en est arrivé là et surtout comment…

    En Italie, Renzi qui s’est attaqué aux dépenses publiques (suppression du sénat, privilèges etc… ) a intégrer la prostitution et le trafic de drogue dans le PIB pour éviter qu’il ne s’effondre.. il a en quelque sorte compensé une baisse d’activité « fictive » par de l’économie « réelle »… tant pis pour l’éthique, c’est un autre débat.. 🙂

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