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Les Clefs pour Comprendre du Jeudi 25 Décembre 2014: Avoir une vision juste, mais qui ne se révèlera correcte que dans très longtemps est aussi dangereux que d’avoir des intuitions fausses! Par Bruno Bertez

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Les Clefs pour Comprendre du Jeudi 25 Décembre 2014:  Avoir une vision juste, mais qui ne se révèlera correcte que dans très longtemps est aussi dangereux que d’avoir des intuitions fausses! Par Bruno Bertez

La Grande Réconciliation qui peut être se profile à l’horizon, ce n’est pas équivalent à la chute du dollar, au contraire. Le nouveau visage de la crise, c’est la hausse du dollar. Je vais essayer d’être schématique, donc réducteur.

 

Depuis que l’on a découvert les délices de la dérégulation, on a réussi à libérer la création de dettes de la possibilité de les rembourser. Il n’y a plus de limites à la production de dollars et à l’accumulation de dettes ou de promesses. 

La dérégulation est sœur de la globalisation/mondialisation en ce sens que si on a pu créer des dettes, des dollars c’est parce que certains les acceptaient, certains acceptent de les détenir sans les remettre sur les marchés, ou les renvoyer à leur émetteur. C’est ce que Greenspan appelait à juste titre le « savings glut ». Il y avait des agents économiques dans le monde qui gardaient, envers et contre tout, ce que les producteurs de dettes et de dollars fabriquaient. Ces gens accumulaient ce que l’on appelle des balances-dollars. Comme il y avait une demande pour les actifs financiers américains, ces derniers en ont profité, ce qui est logique. On retrouve l’argument des conseillers de Reagan, qui disaient que si les USA étaient en déficit c’est parce en symétrie, il y avait une demande d’actifs financiers US. Cette demande équivaut en effet à une baisse des taux d’intérêt et à une baisse du taux de rentabilité des actifs financiers. Le monde est un tout et si certains achètent des actifs financiers, alors cela veut dire qu’ils encouragent les déficits et les dettes des autres. C’est incontournable.

La crise de révulsion du crédit en 2007/ 2008 constitue un avertissement qui peut s’interpréter comme suit: le système produit trop de dettes, trop de crédit et une partie de ce crédit ne sera jamais remboursé ou honoré. Le déclencheur a été le secteur des subprimes du logement, mais cela aurait pu être un autre secteur comme le secteur du Private Equity. Le subprime a été le maillon faible, mais ce n’était qu’un symptôme, du mal plus profond qui était l’excès de crédit dans le système. 

On n’a pas voulu ou pas pu laisser se produire ce qui se produit lors des excès de dettes et lors des crises de surendettement, et au lieu de laisser faire les faillites, les moratoires et restructurations de dettes, on a choisi la fuite en avant. La fuite en avant c’est la création monétaire pour sauver les créanciers, c’est à dire les banques, le shadow banking et les marchés et les trésors publics. Car les quatre sont solidaires je vous le rappelle depuis la dérégulation. On empaquette les crédits pour les vendre sur les marchés aux institutions, caisses de retraites, assurances etc et les trésors publics sont serfs du système bancaire pour la couverture de leurs besoins financiers. 

Donc on a choisi de « printer », « printer » c’est le nom moderne de la planche à billets, c’est à dire le nom pudique que l’on donne au gonflement du bilan de la Banque Centrale. La banque centrale achète, monétise des actifs financiers et pour payer ces achats, elle crée, à partir de rien de la monnaie.

 

La justification de ce printing est simple, très simple: il permet de créer de la monnaie pour acheter des actifs financiers, soit des mortgages, soit des emprunts d’état. Ce faisant le printing fait chuter les taux de rendement des mortgages et ceux des fonds d’Etat. Donc plus on printe et plus on achète, et moins ces actifs financiers dits « surs » rapportent. Ceci déclenche chez les investisseurs une pénurie de rendement, ils se font concurrence entre eux pour obtenir le moindre rendement. C’est le « search for yield » généralisé. Le search for yield est devenu équivalent au search for risk; partant de l’idée imbécile que plus un actif est risqué et plus il rapporte, c’est la théorie financière dominante. Donc les rendements chutent partout et de plus en plus, au fur et à mesure que le bilan des banques centrales grossit. Les obligations montent, les actions s‘envolent, on cherche le risque, la spéculation. Les commodities sont recherchées. Elles sont recherchées pour une idée, elle aussi fausse, qui est qu’elles constituent une protection contre une éventuelle dépréciation du dollar! 

Les commodities sont recherchées, mais, c’est là où le bât blesse, elles ne peuvent, à la différence des actions et obligations monter jusqu’au ciel car elles sont physiques, elles sont utiles. Voilà le drame; il y a une limite à la lévitation des commodites et c’est pour cela que lors du QE 3 elles ont très peu monté. Tout au plus, elles ont plafonné à des niveaux qui n’avaient pas de rapport avec la vraie demande physique. Par ailleurs, peu à peu, il est apparu que les mesures non conventionnelles étaient un échec, elles ne provoquaient pas la reprise économique et la croissance espérées. 

A la faveur de la search for yield, les banques ont offert ce qui était demandé, des produits de plus en plus risqués, voire des produits pourris, des Corporate High Yield, des leverages bonds et autres cochonneries souveraines. N’importe qui, Corporate ou pays souverains est venu solliciter le marché international des capitaux et a bien sur emprunté en dollars surabondant, à des taux défiants toute concurrence. Ces émetteurs à risque se sont endettés en dollars, donc ils ont des dettes en dollars, ils doivent des dollars.

 En juin 2013 Bernanke évoque la fin du Taper. Cela signifie la fin de la production illimitée de dollars par le système, car les dollars de la Fed sont leveragés, multipliés par les bilans des banques commerciales et banques d’investissement du monde entier. Toute banque qui gonfle son bilan en dollars pour financer soit des crédits, soit des spéculations se comporte comme un multiplicateur de dollars. La liquidité mondiale en dollars repose sur ce multiplicateur, pas simplement sur le printing de la Fed. 

Donc avec le Taper, on s’achemine vers une réduction de la liquidité globale en dollars, vers des liquidations de portefeuilles qui détiennent des actifs à risque, c’est à dire des emprunts Corporate High Yield, des Junks, des emprunts souverains de deuxième qualité et bien sur des matières premières et du pétrole-papier. 

Le dollar commence une tendance haussière et le dollar index casse ses plus hauts, il grimpe de 10%. Les emprunteurs en dollars voient leur dette augmenter en valeur, ils cherchent à se couvrir et ils renchérissent sur la hausse du dollar; ce qui a un effet déflationniste sur les commodities puisque leurs prix sont exprimés en dollars.

 La mécanique qui est mise en branle au niveau mondial est terrible, elle est inéluctable et n’épargne rien car de proche en proche on remonte l’échelle du risque, des commos aux emprunts pourris, puis aux emprunts Corporate et aux souverains de mauvaise qualité. Et le bilan des banques commence à se détériorer, elles ont des inventaires surévalués, des stocks invendables etc; donc elles liquident, fuient le risque et réduisent leurs prêts. Cela se voit clairement aux USA en ce moment et pas seulement dans le secteur du Shale. 

C’est la contagion. 

 

La contagion est d’autant plus redoutable que la Chine est en difficulté et donc ralentit, ce qui pèse sur les commos et l’énergie, tandis que la guerre contre la Russie, l’Iran, le Venezuela force ces pays à vendre à n’importe quel prix leurs ressources. Si vous ajoutez la volonté des Saoudiens de reprendre le contrôle du marché du pétrole, vous avez une caricature de la situation actuelle. 

Et plus cette situation va se développer, plus la fuite devant le risque va prendre de l’ampleur et plus le système va avoir besoin de dollars pour déleverager; car déleverager c’est réduire son risque, c’est rembourser les dollars que l’on a empruntés. 

Donc ce qu’il faut à tout prix comprendre, c’est que la crise actuelle se traduit par l’inverse de ce qui s’est passé les années précédentes, à savoir un besoin un appétit pour le dollar. Le dollar se renforce voilà le fond de la situation. 

Pour l’instant les USA tergiversent. Ils ont fait le taper, mais ils n’arrêtent pas de répéter que la hausse des taux n’est pas pour demain. Yellen vient de dire qu’elle serait patiente avant de monter les taux. 

De fait si elle montait les taux maintenant, elle accélèrerait le deleveraging, amplifierait la fuite devant le risque, ferait galoper le dollar, effondrer les commos et ceci risquerait de déstabiliser le système bancaire. Par ailleurs, cela ferait chuter les périphériques européens, ce dont les USA ne veulent pas.

J’ai tendance à considérer que la demande de monnaie, cash et dépôts (et par extension de Treasuries et Bunds), l’attrait de la détention de monnaie est centrale. Elle est centrale dans le dispositif actuel mis en place depuis la crise de 2008/2009.

Les actions des  banques centrales s’analysent comme des actions qui ont visé à rendre la détention de monnaie bancaire, dépôts et cash non désirables, bref à en faire des actifs inférieurs dont on a envie de se débarrasser.

Faire monter les prix des actifs à risque, actions, obligations, mortgage, emprunts High Yield c’est faire en sorte que leur détention soit plus attrayante que celle du cash ou des dépôts à vue en banque.

Autrement dit, on essaie de déprécier la monnaie, cash et dépôts en regard des autres assets.

Il faut donner aux gens l’impression qu’en gardant le cash, ils perdent quelque chose. Le paramètre central de ce processus, c’est la manipulation du risque perçu; il faut en effet que le risque de conserver son cash soit perçu comme supérieur à celui que l’on court en l’employant.

Attention les deux risques ne sont pas de même nature. Le risque de celui qui conserve son cash n’est pas du même ordre que le risque de celui qui achète des actifs risqués, mais psychologiquement, les deux sont perçus comme des risques, car le risque de ne pas participer à la hausse est difficilement supportable par les gens. Ils n’aiment pas le manque à gagner, ils supportent mal l’envie et l’impression frustrante de tout rater.

Si la perception du risque se modifie, comme c’est le cas en ce moment, ce qui est attesté par la volatilité qui enfle, si la perception du risque se fait plus aigüe, alors on vend l’échelle du risque de proche en proche. En commençant par les emprunts distressed, le High Yield, les actions des émergents, les commodities, les producteurs de commodities, les devises commodities et celles des émergents et on est en quelque sort acheteur de cash.

Redonner la priorité au cash c’est revenir sur le cash le moins risqué du système, les Treasuries US. et les Bunds Surtout depuis les menaces de bail-in et de NIRP. A mon avis c’est ce qui se passe en ce moment et les achats sur les fonds d’état US et les Bunds sont le signe d’une révulsion en cours sur les actifs à risque, c’est à dire d’un regain de préférence pour le cash.

Les choses ne sont pas nettes car on fait tout pour qu’elles ne le soient pas. Ainsi quand le FOMC a annoncé qu’il se montrerait « patient », il a voulu ralentir le mouvement d’attrait pour le cash en suggérant qu’il  saurait se montrer généreux et patient dans ses arrosages de cash encore longtemps. Grosso modo c’est comme si il avait dit: « je vais entretenir le surplus, n’ayez pas peur d’en manquer ». Mais ceci, a contrario indique que l’on est bien dans un marché baissier sur les actifs à risque, marché baissier subreptice auquel on tente de s’opposer.

Cette tentative d’analyse me confirme dans l’hypothèse que l’on est bien dans une ébauche de Grande Réconciliation, et que les responsables de la conduite des affaires essaient de s’y opposer. Le comportement erratique des marchés, l’irrégularité interne de la cote, montre me semble t-il que l’appétit pour le risque faiblit, il devient insuffisant pour tout soutenir, il se concentre. Un jour il est là, un jour il fait défaut, il n’y a plus de tendance de fond, comme si les carnets d’ordres étaient creux , sans profondeur.

 BRUNO BERTEZ Le Jeudi 25 Décembre 2014 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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