Site icon Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Les Clefs Pour Comprendre du Mardi 20 Janvier 2015 : L’exemple suisse, un peu de prospective, un peu d’audace Par Bruno Bertez

Publicités

Les Clefs Pour Comprendre du Mardi 20 Janvier 2015 : L’exemple suisse, un peu de prospective, un peu d’audace Par Bruno Bertez

Ceci n’est bien sûr qu’un essai. Nous croyons déceler une sorte d’isomorphisme entre les deux structures des situations suisse et allemande vis à vis de l’euro. Nous développons ici  l’idée que la Suisse est une petite Allemagne. Une sorte de préfiguration.

 Il y aurait des livres à écrire sur les décisions de la Banque Nationale Suisse; des livres pour analyser les erreurs de départ, lors de la constitution du « Peg », des livres sur l’entêtement et les réaffirmations malencontreuses de son maintien et, bien sûr, des livres sur la chute, la claque finale.

On peut se gausser des erreurs et maladresses des hommes qui ont pris ces décisions et réclamer des sanctions; hélas, dans notre nouveau monde du capitalisme financier Crony, il n’y a de sanctions que pour les dominés, les sans-grades. Stigmatiser serait une diversion, ce qui importe, c’est le fond.

L’épisode suisse est une claque retentissante, non seulement à la classe des Banquiers Centraux, mais également au visage de leurs associés du système bancaire et financier : ils étaient « shorts », vendeurs de Francs Suisses ! Vous vous étonnez ? Non, c’est normal, ils utilisent les mêmes théories absurdes, ils croient les mêmes balivernes, ils font tourner les mêmes modèles. Des modèles qui, en « input », injectent de la magie et, en « output », nous sortent de l’illusion.

La claque suisse, c’est la claque de la théorie et de la pratique dominantes du Central Banking à la sauce keynésienne anglo-saxonne. Et c’est le plus grave: ils croient à leurs balivernes au point de jouer plusieurs dizaines de milliards (de pertes) sur un coup de dés. Qu’ils trompent le public cyniquement, finalement ce n’est que moindre mal, si, au moins, ils le font sciemment et que cela correspond à leur stratégie, mais qu’ils le trompent par erreur ou incompétence, cela est inexcusable.

La décision d’arrimer le Franc Suisse à l’Euro n’avait de sens que si ceux qui le décidaient étaient persuadés que les deux situations sous-jacentes allaient converger. En effet, comment tenir un « Peg », un attelage,  si les deux systèmes divergent? C’est le b.a.-ba de tout arrimage, c’est l’enseignement de toutes les expériences historiques. N’importe quel cocher sait qu’il faut que son attelage tire dans le même sens.

La Suisse a voulu s’arrimer, s’ouvrir sur l’Europe dans tous les sens du terme, social, économique, bancaire, fiscal, elle a calé. L’histoire récente de la Suisse, c’est l’histoire d’une ouverture, d’une tentative d’intégration à l’Europe, d’une banalisation trop en avance, qui s’est heurtée aux résistances d’un peuple qui a encore une identité ou qui en a encore quelques restes. Ceci pour l’aspect structurel, fondamental.

Pour qu’un « Peg » tienne et soit défendable, il faut que les deux systèmes auxquels il s’applique convergent. Donc, à supposer que la BNS ne soit pas totalement stupide, il faut imaginer qu’elle a cru, par exemple, que le Système Euro et le Système Suisse allaient converger. Et en particulier, au plan conjoncturel cette fois. La Suisse a certainement parié sur la reprise européenne, sur la solution aux difficultés de la zone Euro et sur  l’efficacité des remèdes à la Draghi.  Bref, elle est tombée dans le même panneau que les élites européennes, lesquelles ne cessent de dire : « le bonheur c’est pour demain, nous sommes sur la bonne voie ». Hélas, comme la situation ne s’améliore jamais, mais que les déséquilibres se creusent de plus en plus, il faut sans arrêt en faire plus, s’enfoncer dans l’insoutenable, tant et si bien qu’il finit par ne plus pouvoir être soutenu!

 L’erreur de base, c’est de croire que les tendances à la déflation peuvent être combattues par plus de dettes. L’erreur de base, c’est de ne pas comprendre que la cause de la déflation, c’est… le poids des dettes!  L’erreur de base, c’est de ne pas comprendre le fonctionnement des faux remèdes et, ainsi, faute de les comprendre, de croire qu’ils marchent.

Les faux remèdes constituent des tentatives de prolonger le cycle du crédit qui, spontanément voudrait se terminer. Ils s’analysent comme des tentatives de faire boire l’âne qui n’a plus soif, comme des tentatives de stimuler l’appétit pour le crédit en le rendant gratuit, léger pour les débiteurs et en stimulant la recherche du risque pour les créanciers. Ce que l’on fait par la ZIRP et les monétisations de titres à long terme.

Pour alléger le poids du crédit, on le fait léviter, défier les lois de la pesanteur. Hélas, si cela donne l’apparence de fonctionner, c’est au niveau des flux, mais au niveau des stocks, c’est autre chose. Le poids réel des dettes continue de s’alourdir. Et il le fera tant que l’on ne se résoudra pas, soit à une restructuration, soit à une « purge », de la pourriture enracinée, « embedded » dans ce stock de dettes. La politique non conventionnelle des Banquiers Centraux produit les mêmes effets qu’un chasse-neige, elle consiste à repousser la masse de neige, le stock de crédit devant soi, tout en en grossissant sans cesse le tas. Certes, ils espèrent que le soleil de la croissance nominale fera fondre le tas, mais c’est un espoir qui ne peut se réaliser car… les mesures non-conventionnelles produisent de la déflation, de la tendance à la baisse des prix! Il suffit de regarder les derniers chiffres du CPI américain de Décembre et ceux de l’Eurozone.

La Suisse a parié sur la reprise économique européenne et sur la convergence et son pari a mal tourné.

De reprise, il n’y a pas et, au contraire, c’est la rechute, laquelle rechute implique un nouveau round de faux remèdes, lesquels sont tellement toxiques, qu’ils effraient les élites suisses et qu’elles disent « pouce »: « nous préférons nous couper un bras maintenant, prendre notre claque, perdre plusieurs dizaines  milliards et faire tanguer notre industrie exportatrice par un choc monétaire, et déstabiliser nos marchés plutôt que de continuer le « double down » et faire quitte ou double. Quittons la table de poker ».

Ce qui n’est pas vu, à ce stade, c’est que c’est, objectivement,  la situation de l’Allemagne et de ses amis du Nord. Ils sont dans un « Peg », avec les pays du Sud.  En fait, il y a deux, voire trois, euros qui coexistent et ceci se donne à voir dans les spreads entre les emprunts souverains à dix ans. Le bas niveau absolu des taux masque les choses, mais le niveau relatif des taux pratiqués sur les emprunts à 10 ans est révélateur pour les spécialistes.  L’autre symptôme, c’est l’état du système Target 2. L’euro, c’est cela un « Peg » à plusieurs, mais essentiellement un arrimage entre l’EuroDM, ou EuropaysduNord et l’EuroPestiférés ou l’EuroSud. Le système européen est un « Peg » entre un EuroNord et un EuroSud.

Les Allemands sont comme les Suisses, embarqués dans le même pari, ils paient, ils accumulent directement et indirectement les créances sur le Sud et le Centre, en espérant qu’ils ne perdront pas tout et que la situation du Sud s’améliorera. La similitude est frappante tant elle est parfaite; et elle le sera encore plus quand Draghi aura forcé la main des politiciens allemands et les aura obligés à ravaler encore plus de créances du Sud et du Centre par BCE interposée. 

Ce qui est fondamental, c’est ce que personne n’évoque, c’est la différence radicale de conception de la monnaie, et donc du Central Banking, entre les Allemands et les autres. Ce qui est fondamental, c’est que les Allemands, comme les Suisses, ont besoin du cercle vertueux pour prospérer, que leur société est ainsi structurée, alors que ses partenaire du Sud et du Centre ne végètent que grâce aux cercles vicieux à répétition.

Les Allemands sont créanciers, comme les Suisses, et ils ravalent, comme les Suisses. Qui croit que les théories qui se sont trouvées fausses pour la Suisse vont se trouver justes pour les pays du Nord? Elles se révèleront bien sûr pour ce qu’elles sont, idiotes. La magie, quelle que soit l’échelle à laquelle on la pratique, ne marche pas. On a beau hurler, crier, mettre les hauts parleurs à fond, les incantations restent des incantations et, au-delà de l’effet de nouvelles, elles ne changent rien. Une illusion, c’est une illusion, même si elle est grosse et collective.

Nous sommes persuadés que les élites allemandes réfléchissent, il n’est pas possible qu’elles n’aient pas perçu la similitude de leur situation avec celle des Suisses. Plus l’Allemagne tardera, plus l’addition, les pertes, les dysfonctionnements, les malinvestissements, vont s’aggraver pour elle et ses amis du Nord. La baisse inopportune de l’euro pour les pays du Nord va multiplier les problèmes.

Attention, nous ne sommes pas dans le temps des marchés, nous sommes dans le temps de l’Histoire, les forces objectives jouent, elles sont à l’œuvre, mais il faut que le temps fasse son œuvre, que les idées traversent l’épaisseur du crâne social.

On vient d’avoir l’exemple d’un petit pays dur, la Suisse, qui sort d’un « Peg » contre nature et contre-culture avec des grands mous;  nous ne serions pas étonnés que cela en fasse réfléchir d’autres. La Finlande par exemple. A titre de répétition?

BRUNO BERTEZ Le Mardi 20 Janvier 2015 

illustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON 

NI PUB, NI SPONSOR, NI SUBVENTION, SEULEMENT VOUS ET NOUS….SOUTENEZ CE BLOG FAITES UN DON

Quitter la version mobile