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L’Edito du Samedi 18 Juillet 2015: L’Europe ne sera plus jamais comme avant. Wo es war soll es werden ! Par Bruno Bertez

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L’Europe ne sera plus jamais comme avant. Wo es war soll es werden ! Par Bruno Bertez

La bataille qui a été menée ces dernières semaines autour de la Grèce dépasse très largement son sort. Il en va comme de tout évènement, il comporte du positif et du négatif. Aussi bien pour les Grecs d’ailleurs que pour le reste du monde. Et même pour les Allemands. Notre conviction est que plus jamais ce ne sera comme avant.

La bataille a eu une fonction de révélation.

Elle a donné à voir au public le résultat d’une politique fondée sur la négation des problèmes, le mensonge et la propagande. Il a été clair que le « extend and pretend » qui consiste à « taper dans la boite » proverbiale a aggravé la situation au lieu de traiter les problèmes.

Elle a permis, grâce à l’action vigoureuse et didactique de Varoufakis, de clarifier le débat sur l’austérité. Plus aucune personne de bonne volonté ne croit que la chute de la production de richesses permet de restaurer les équilibres et d’assurer la solvabilité d’un pays. Les dévaluations internes, cela ne marche pas. Ceci va enrichir les réflexions au sein des pays du Sud, malgré le comportement scélérat de certains d’entre eux qui ont « tapé » sur la Grèce croyant en tirer bénéfice sur le plan de la politique intérieure, suivez mon regard vers l’infâme Rajoy en Espagne. Il a préféré enfoncer la Grèce et lécher les bottes allemandes.

Elle a enfin autorisé l’émergence d’un débat sur ce qui, depuis 2009, est enfoui, occulté, rejeté, à savoir l’existence d’une autre solution au surendettement: la restructuration des dettes. Là encore, Varoufakis a joué le rôle leader, il a convaincu aussi bien le gouvernement grec que le FMI et les Anglo-Saxons qu’il n’y avait pas d’autre solution, à partir d’un certain stade d’endettement, que l’allégement du poids relatif du stock de dettes. Il a magistralement démontré le lien entre la nécessité de restructurer le stock de dettes pour libérer l’avenir, la possibilité d’en créer de nouvelles, qui soient productives, et la possibilité de retrouver une croissance. C’est grâce à lui un grand progrès dans le débat économique, il ne sera pas oublié.

La bataille a eu une fonction didactique.

Les naïfs qui croient qu’il n’y a qu’à proclamer la sortie de l’euro, faire un pied de nez au carcan européen, en sont pour leur ridicule. On sait maintenant que tenter aussi bien de sortir de l’euro que de prendre ses distances avec une certaine Europe est un combat. Et que ce combat a un prix. Et que ce prix, eh bien il faut oser le dire, les citoyens ne sont pas prêts à le payer. Voilà pour nous l’enseignement majeur. Il y a une contradiction au sein des peuples, ils veulent sortir du carcan, mais ils ne sont pas prêts à en payer le prix. Et les adversaires européistes le savent et ils en jouent et même au-delà. Ils en surjouent malhonnêtement, vicieusement. Par le double nœud coulant monétaire et la peur de l’inconnu. Le mythe de la facilité retrouvée grâce à la sortie de l’euro, le mythe du « n’y a qu’à faire un référendum » a volé en éclats. La souveraineté, les marges de manœuvres, la liberté de choisir les remèdes nécessaires au redressement, tout cela a un prix colossal et il faut, pour engager le combat, être sûr que l’on a envie d’aller jusqu’au bout. Et que l’on va neutraliser ceux qui, derrière, vont vous frapper dans le dos.

La bataille a fracassé le mythe de la solidarité.

Les citoyens ont pu vivre quasi en direct un drame. Celui d’un petit pays qui a commis des erreurs, d’un petit pays léger, inconséquent, qui a voulu affronter un géant, l’Allemagne. Ils ont pu toucher du doigt la violence des réactions du fort face au faible. Son absence de scrupules à défendre férocement ses intérêts et à piétiner l’intérêt général de la construction européenne. Jamais l’Allemagne n’a tendu une main amicale, pas plus pour faire rester la Grèce que pour la faire sortir. Ainsi a été démontré que le « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » en matière de relations internationales est de la poudre aux yeux. Ceux qui y croient sont laminés, il ne faut jamais baisser sa garde, jamais parler d’amitié entre les peuples, les rapports entre les nations sont des rapports de forces, de puissance. Il n’y a pas de solidarité, pas de don gratuit, même pas de compassion. L’autre est toujours un adversaire. Celui qui en doute et tombe dans le « béni-oui-oui », déchoit, il faut toujours se faire respecter. Les Allemands n’ont pas plus hésité à broyer le peuple grec, qu’ils n’ont hésité à humilier Sapin et Hollande, et ce ne sont ni les mensonges, ni les habiletés de la « Com » qui feront oublier que la voix de la France n’a pas été entendue. Ainsi, on n’ose plus parler de cette rumeur qui disait que le dernier plan grec, celui encore proposé par un Tsipras chef d’Etat souverain, avait été préparé avec l’aide de la France, sous-entendu grâce à nous, il va passer! La France n’a même pas été écoutée poliment puisque ce plan grec n’a jamais été sérieusement examiné.

Les rêves socialo-européistes ridiculisés.

Enfin, il était temps, ce mythe imbécile de la solidarité est aux oubliettes, c’est sur ce mythe qu’ont vécu les socialistes, en particulier français depuis… depuis des temps immémoriaux. Mais pas seulement les Français. Celui qui espère de la générosité des vainqueurs n’a jamais fait de politique. Quand on leur disait, mais les règles européennes imposées par les Allemands vont vous empêcher de réaliser vos programmes, de tenir vos promesses, ils répondaient mais non, nous allons faire changer les Allemands, nous allons infléchir les positions européennes. Et bien non, la question a été tranchée, comme elle l’avait été d’ailleurs en 2010 et 2011, l’Allemagne ne veut, et peut-être, ne peut entrer dans un processus de solidarité. C’est chacun pour soi et surtout, chacun… comme le veut l’Allemagne.

Ainsi se pose la question de l’unité et même de l’identité du parti socialiste français. Il a été lâché par le parti socialiste allemand de Gabriel, seul Lafontaine a tendu la main. Le parti socialiste français est obligé de reconnaitre que lui aussi a maintenu son unité sur un mythe, celui de ses prétentions à faire changer l’Allemagne. L’Allemagne a clairement dit « Nein ». Entre la solidarité, le « chacun fait un bout de chemin » et la réalité du « cela passe ou cela casse impérial », c’est l’Empire qui a gagné. Au point qu’un fin commentateur étranger a titré son analyse : « Empire Strikes Back »! Non seulement l’Empire allemand a frappé, il a répondu aux provocations, mais il l’a fait cruellement, avec un désir de vengeance. Il n’a même pas eu la retenue de laisser à ses adversaires la possibilité de sauver la face.

La bataille a été durcie par la trahison du référendum.

L’Empire a été mis au défi, on l’a défié en lui jetant au visage le gant de la légitimité démocratique du référendum, il a répliqué en force et non pas en diplomatie, il a répondu en tout ou rien. Avis aux Français qui voudraient suivre la voie/voix des Grecs! Il doit y avoir une complicité entre les élites. Dans le cadre de cette complicité, il est sous-entendu que le peuple n’a rien à faire là-dedans. Dans les choses sérieuses, il est convenu que l’on doit rester entre soi et malheur à celui qui déroge et invite le peuple à s’exprimer, traitreusement. Sur les sujets des grands. Le référendum en Europe est considéré comme une trahison, voilà ce qu’il faut comprendre. Et maintenant, même pour ceux qui ne l’avaient pas compris, c’est clair. Il est interdit d’invoquer la souveraineté dans un ensemble conçu pour détruire les souverainetés autres que l’Allemande. Et dans le diktat imposé à Tsipras, pour qu’il n’y ait aucune équivoque et qu’il soit bien clair que lorsque l’on est dans l’Union et dans l’Euro, on sacrifie sa souveraineté, on a prévu de ratifier cette perte de souveraineté par la mise sous tutelle. Avant, c’était sans le dire, maintenant c’est explicite, formalisé.

L’Allemagne est un grand pays, peut-être, cela reste à débattre, une grande nation, et on comprend la fascination que le modèle allemand exerce sur certains nostalgiques de la Kollaboration. Après tout, le modèle germanique, cela permet de mettre au pas ces braillards-jouisseurs qui ne sont jamais contents. Mais c’est un pays fragile car son économie repose sur l’exportation et son équilibre interne sur l’existence d’excédents récurrents et structurels. Bref, la force allemande repose sur le symétrique de sa force, la faiblesse des autres, celle de ses partenaires, car il n’y a pas d’excédents sans déficits.

Le dévoilement de l’hégémonie et de l’unilatéralisme du plus fort.

L’hégémonie allemande est le problème sous-jacent à toute la construction européenne. C’est même pour traiter ce problème, ou plutôt le masquer, qu’a été fabriquée l’Europe que nous connaissons. L’Europe, objectivement, nous précisons bien objectivement et non pas subjectivement, a pour fonction dans le Système de masquer le fait que l’Allemagne est le souverain, l’Etat-nation dominant en Europe. L’Europe est une construction dont la fonction historique dans le Système est de faire croire au multilatéralisme, alors que la réalité concrète est l’unilatéralisme allemand. Notre affirmation est audacieuse et, pour la comprendre, il faut être capable de faire la différence entre le subjectif et l’objectif ; l’objectif, c’est ce qui s’impose indépendamment de la volonté consciente des hommes. Jusqu’à présent, le masque du multilatéralisme avait tenu, il avait joué son rôle de masque. Il avait craqué de temps à autre, mais il continuait d’exister. L’Allemagne faisait semblant de consulter ses partenaires, mais elle décidait seule. La fonction du dialogue dans le monde moderne, c’est celle-là, donner à l’autre l’alibi de céder, de se coucher; ceux que l’on appelle encore les partenaires sociaux le savent bien. Maintenant, c’est bas les masques, qui paie commande, on ne consulte plus, on n’écoute même plus, on laisse parler ceux qui croient encore faire illusion comme Sapin et on décide. Ou plutôt, on énonce ce que l’on a décidé longtemps avant. Il n’y a jamais eu de négociation européenne sur la Grèce, il n’y a eu que des décisions germaniques. A  la rigueur il y a eu des échanges entre Schauble et Merkel.

L’Allemagne n’a jamais été une nation comme les autres en Europe, une nation parmi d’autres. Et tout, dans la construction, y compris dans la construction de l’Euro, le prouve. L’intégration européenne était une couverture habile pour les Allemands. Ils ont pu augmenter leur domination économique à la faveur du voile, du cache sexe, qui masquait leur puissance, leur hégémonie concrète. On a habillé, on a dissimulé cette réalité, mais cela ne pouvait durer qu’un temps : le temps que cet autre mythe, celui de la parité, celui l’égalité franco-allemande, lui aussi, se fracasse. Le lien qui unit le couple franco-allemand existe toujours, mais c’est un lien de dépendance. Comme dans ces couples du vieux temps où la femme, n’ayant pas de ressources propres, devenait, au fil du temps, la boniche de son mari.

Il ne fait aucun doute que les Allemands ne voulaient pas cela, surtout pas cela. Il ne voulait pas que les équivoques cessent, que les masques tombent. Ils auraient aimé que les Français puissent continuer à se passer des films de leur grandeur, de leur poids et de leur influence. Les chants du coq sur le tas de fumier/ruines, cela les agace, mais cela les arrange.

Ce qui s’est passé avec la Grèce réveille les mémoires. Ce qui va se passer avec la tutelle va faire remonter à la surface les vieux souvenirs, ceux de la sinistre occupation allemande dans ce pays. Et ailleurs aussi. On n’échappe pas à son destin, à ses gènes, à son histoire.

L’Europe ne sera plus jamais comme avant, elle va devenir ce qu’elle a toujours été, un territoire allemand. WO ES WAR, SOLL ES WERDEN.

 

BRUNO BERTEZ Le 18/7/15

illustrations et mise en page by THE WOLF

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