Marché: De la confusion à la dislocation
Ce fut une semaine terrible sur les marchés financiers. Pas besoin de chute spectaculaire, d’écarts ou même de titres de journaux. Non, ce qui se passe est subreptice, sous-jacent, c’est la généralisation du désordre et de la dislocation.
Par solde, les écarts peuvent être limités par des manipulations de dernière heure, comme cela s’est fait vendredi en fin de journée. Mais peu importe, pour qui sait lire les marchés, le mal est là. Et les faux remèdes comme les interventions de dernières heures révèlent le mal plus qu’ils ne le soignent. La plaque révèle le trou qu’elle cherche à dissimuler.
Le risk-off est réapparu après les mauvais chiffres de l’emploi Américain. Les actions ont chuté, le dollar yen est passé à 118,68 niveau de la panique du mois d’Aout ; les banques ont plongé, les brokers/dealers se sont mis plein sud.. Voilà ce qui est important. C’est l’articulation qui pointe vers la contagion. Qu’importe le rally qui a suivi derrière, ce qui compte, c’est le mouvement initial spontané. Une chute suivie d’un rally, cela inquiète peu, pourtant, cela est significatif de quelque chose de profond. Mais le profond ne se voit qu’ailleurs, sur d’autres segments de marché et sur d’autres classes d’actifs moins grand public. Ce qui souffre, c’est le Crédit.
Vendredi matin, Bloomberg titrait : ce fut une terrible semaine pour le Crédit Market ». L’Agence expliquait l’enchainement : d’abord le High Yield, puis la panique Glencore et le doute sur les contreparties, puis la fin de trimestre en baisse, avec des pertes, puis ce fut le tour de l’Investment Grade de trinquer, pour s’interroger : quoi après ?
Un autre titre de l’après-midi visait juste en expliquant que les investisseurs sur le Crédit Market abandonnaient la Party, « la peur passait avant la séduction des taux bas ». Le spread des junks se dilatait, les taux faisaient un bond de plus de 40 points de base en une semaine. Il faut remonter à 2009 pour voir pareilles pertes. Pour ne rien arranger, les CDS se mettaient à l’unisson avec des déchets, même sur l’Investment Grade.
Les Verneinung, les fameuses dénégations des officiels et des médias produisent l’effet habituel, au lieu de rassurer, elles accréditent le mal et donc le risque. Ainsi le Vice-Président Stanley Fischer déclarait qu’il ne voyait « aucun risque de bulle, les banques sont bien capitalisées, elles ont des liquidités confortables pour servir de tampon et ‘amortisseurs. (Tiens , tiens, vous noterez au passage que l’on évoque les liquidités!). Le marché immobilier n’est pas en surchauffe, et les dettes des ménages et des entreprises ne font que commencer à augmenter après des années de croissance lente ». Fischer oublie l’articulation logique, centrale à savoir que : c’est parce que le Crédit se réveille et monte fortement, parce qu’il s’emballe depuis le début de 2015, qu’il faut monter les taux et que c’est la perspective de la hausse des taux qui fait peur et produit le risque. Puis le même Fischer détourne l’attention, du moins le croit-il en affirmant que le développement des institutions vers des voies moins régulées pourrait créer de nouveaux risques.
Face à cette situation, à part les interventions brutales à la Chinoise, il n’y a qu’un remède, en faire monétairement plus et surtout ne pas en faire moins. Nous sommes dans un engrenage et la Fed est en mauvaise position parce que, par des déclarations maladroites, elle s’est liée les mains. Et ceci va ajouter la confusion à la dislocation.
Ces dernières semaines, nous avons franchi une étape et bien peu le soulignent. La Fed a été ou s’est sentie obligée de surseoir à sa hausse des taux le 17 septembre pour, a-t-elle commis la bêtise d’avouer, pour des raisons extérieures, internationales. Il ne fallait pas l’avouer, il ne fallait pas ouvrir cette nouvelle boite de Pandore. Il aurait mieux valu invoquer n’importe quelle raison domestique. Elle déclenche de nouvelles anticipations et donc de nouvelles attentes, c’est une faute très grave.
Le « coûte que coûte » qui s’est mis en place ces dernières années et encore plus depuis 2012, ce « coûte que coûte » s’est étendu, il s’est généralisé à tout et maintenant au monde extérieur. Au reste du Monde et aux Emergents ! La Fed a manifesté l’intention de soutenir la situation catastrophique extérieure ! Et le pire est qu’après réflexion, elle s’est ravisée, voir le discours de Yellen à Amherst.
Au début de 2009, personne n’avait la moindre idée de ce qui allait se passer ensuite, la moindre idée de tout ce qui allait suivre. C’était pourtant évident, il suffisait d’avoir une culture historique et, au lieu de lire les Friedman et autres, de lire les livres qui racontent le passé. Les ouvrages monétaires qui traitent de l’Expérience de Law, de celle des Assignats, de celle de Weimar. Quand on met le doigt dans le monétaire, on n’en sort pas, le monétaire demande toujours plus, c’est une règle issue de l’expérience.
A la lueur de cette lecture de l’Histoire, nous avons dès le premier jour expliqué que le monde brulait ses vaisseaux : il part dans une voie dont on ne revient pas, il n’ y a pas de retour en arrière dans cette voie, c’est celle du « toujours plus » : il suffisait de lire attentivement le déroulé de l’expérience Allemande des Années 20. A cette époque comme à celle des Assignats, toujours l’argument a été le même : on n’en a pas fait assez, il faut augmenter le volume du printing. Après un coup de fouet initial, l’effet stimulant retombe. Il n’y a jamais amélioration auto-entretenue et la question se pose d’aller plus loin et toujours la réponse est oui, allons-y. Les déséquilibres sont cumulatifs, ils se composent voila la réalité, ils mutent, prennent de nouveaux visages et il faut de plus en plus de ces même faux remèdes pour les masquer ou les reporter. Et toujours on argue de la même chose, cette fois c’est différent, 1790 disait-on n’est pas 1720 !
Nous avons expliqué alors que la voie suivie allait déboucher sur : la dislocation de la finance, le déréglage des mécanismes de l’économie réelle, la lutte pour savoir qui va payer, la rupture des consensus sociaux et politiques et finalement les affrontements géopolitiques, puis militaires. Nous y sommes.
La vie, les individus, la société civile, dans leur grande sagesse auraient pu nous garder de tout cela, par le jeu des oppositions contradictoires et des avis divergents, hélas le dirigisme et la propagande ont empêché les forces de retenue de se manifester.
« ILS » ont forcé les feux à se mettre au vert alors que la société civile les mettait au rouge.


EN BANDE SON:
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Je vous l’avais bien dit:désordre et dislocation dans les esprits puis en politique puis en économie:CQFD.
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J’ai rarement vu marché si versatile qui brule la hausse des taux qu’il a aimé la veille et inversement…le tout accéléré et amplifié par cette automatisation à outrance où seule la vitesse compte pour capter des gains et qui ne laisse aucune place à la réflexion. Il n’y a effectivement pas de quoi être rassuré. Ce n’est pas le plus probable mais si on sortait encore par le haut de ce nouvel épisode ce serait une victoire à la Phyrus.
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