Art de la guerre monétaire et économique

Mister Market and Doctor Conjoncture : Les élites rationalisent la régression Par Bruno Bertez

Les élites rationalisent la régression

Par Bruno Bertez Le 21 Aout 2016

On peut considérer que la semaine écoulée a été une semaine de pause sur les marchés. Semaine de pause et peut -être semaine de réflexion, qui sait ?

Le débat sur la normalisation de la politique de taux de la Fed a repris et ceci a certainement contribué à calmer les ardeurs spéculatives.

Sur ce débat des taux, le FOMC fournit des indications contradictoires qui mettent les paris à 50/50.  Mais là n’est pas le plus important, non. Le plus important c’est ce que l’on pressent : il n’y a pas unanimité chez les docteurs, les PHD qui nous gouvernent, ils ne savent pas. Ils ne savent pas et cherchent à se convaincre à la fois eux même et entre eux ! Et à nous convaincre nous, …que nous ne devons rien espérer.

28689308162_8a8cc7ded6_k

On a vu jeudi un article passionnant de Laurence Summers dans le Washington Post intitulé  » what we need to do to get out of this economic malaise » et une étude de John Williams le patron de la Fed de San Francisco, « Monetary Policy in a low R-Star world. »

Ces articles nous apprennent deux choses :

D’abord la situation est mauvaise nous sommes en plein marasme, ensuite il n’y pas unanimité sur les solutions à ce problème de morosité économique.

Nous retiendrons l’affirmation la plus ferme et à notre avis la plus compétente, celle de John Williams lequel déclare :

« Le temps est venu de remettre en question de façon critique les idées qui forment notre cadre de pensée en matière de politique et d’envisager des ajustements pour faire face aux nouveaux challenges que nous devons affronter ».

Et Williams refait un plaidoyer en faveur d’une action fiscale :

« Les politiques fiscales et autres doivent supporter une partie du fardeau pour aider à soutenir la croissance économique ».

Summers s’étonne

 » je ne vois pas ce qui pourrait être faux si on fixait un objectif de croissance nominale de 4 à 5%, il n’y aurait que des bénéfices substantiels ». Ben voyons, nous aussi.

Ce qui frappe dans ce débat, ce sont les œillères ! Les gens les plus « intelligents » ne regardent pas autour d’eux, ils ne voient pas le réel, ce qui existe, non, ils glosent, ils se commentent les uns les autres, ils restent dans la bulle, dans la bouteille comme la célèbre mouche. Ils ne veulent pas prendre l’air, ils veulent rester entre eux, entre « academics », entre professeurs ou chercheurs. Ce sont des gens pour qui le monde se réduit à leurs références livresques, doctorales. Ils s’enfoncent depuis des années, depuis des mois à l’intérieur d’une voie sans issue, mais ils continuent.

La grande mode, cette année, c’est Wicksell, Knut Wicksell, l’économiste suédois qui a théorisé l’idée d’un taux d’intérêt qui serait naturel. Le taux naturel ou neutre serait celui ou l’économie serait sur une croissance saine auto-entretenue, ou il n’y aurait ni boom, ni bust. Bref ce serait le taux idéal, celui qui ne nuirait à rien, qui ne ferait pas de tort. Nos zozos ont gobé tout cela, ils ont cru qu’un outil analytique, un outil conceptuel existait vraiment et comme le Saint Graal ou la pierre philosophale de nos alchimistes, ils passent leur temps à le chercher.

Le taux neutre est une construction de l’esprit, comme l’homme rationnel, un opérateur de raisonnement et comme beaucoup de choses, le chercher dans la réalité c’est tomber dans le piège du spiritualisme de l’évêque Berkeley ou des modélisateurs à la mode. Ils croient, ils adorent les produits de leur esprit.  Un peu comme Marx croyait à cet opérateur conceptuel qu’était sa découverte des classes sociales ! On a vu ou cela a mené.

Le taux neutre est une construction pour raisonner, rien de plus, c’est d’ailleurs une évidence vide, c’est le taux auquel le crédit devrait être disponible pour que l’offre et la demande se rencontrent en un point d’équilibre stable et satisfaisant ; point à la ligne.

Hélas, il y a belle lurette que l’offre et la demande de crédit n’ont plus de signification dans nos systèmes pervers, car l’offre de crédit n’a plus de limites depuis la fin de l’étalon or, plus de limite depuis que l’on triche avec le capital des banques, plus de limite depuis que le crédit n’est plus réservé à l’investissement , plus de limite depuis que le crédit est originé par les banquiers sans limites, depuis que le crédit est produit par les gouvernements, depuis que les marchés ont supplanté le système bancaire traditionnel etc.

Bref dans nos systèmes on ne met plus en relation l’offre et la demande d’épargne. Dans la finance contemporaine il n’y a plus de lien entre d’un côté l’expansion du crédit et de l’autre le rendement économique. La finance contemporaine est fondée d’abord et surtout sur la finance de gouvernement, laquelle n’a aucun rapport avec la rentabilité économique et ensuite elle est fondée non pas sur les cash flows , mais sur les assets, les collatéraux, comme au temps de John Law de sinistre mémoire.

14080077_158767994559009_155162104629862324_n

Dans la finance contemporaine, le prix du crédit est exogène, il échappe au jeu de l’offre et de la demande, c’est le couple maudit gouvernement/banque centrale qui dicte le prix du crédit mais aussi celui de tous les assets qui composent le champ financier ! Il suffit de sortir de la bulle, de la bouteille et de s’interroger sur le rôle directeur du taux des Treasuries à 10 ans, dicté par les déficits du gouvernement d’une part et les QE, achats de titres monétisés, d’autre part.

On ressort des théories , on se perd dedans et on en tire des conclusions alors qu’elles ne s’appliquent plus à ce que l’on appelle la finance contemporaine.

Depuis 20 ans tous les efforts intellectuels de ces PHD se résument à ceci :

« Trouver des arguments pour justifier plus de  stimulus monétaires, afin d’accélérer la croissance nominale »

Cela 20 ans et plus que l’on invente, que l’on justifie, que l’on coupe les cheveux en quatre et vingt ans que l’on échoue. Que disons nous, non pas 20 ans, mais près de 30 puisque déjà Greenspan en 1996 justifiait son laxisme monétaire par l’idée que la croissance potentielle était durablement supérieure aux normes historiques grâce à la productivité exceptionnelle des nouvelles technologies ! C’était le temps du New Paradigm. Greenspan se croyait autorisé à augmenter la vitesse de l’économie grâce … aux gains de productivité. Aujourd’hui, alors que nous sommes dans la situation contraire, marquée par la disparition des gains de productivité, on prône les mêmes politiques; les stimulus monétaires!

Le monétaire, c’est bon pour tout, à toutes les sauces, pour tout et son contraire. Les « bides » de 2001, puis ceux de 2008, puis ceux de 2013 et ceux de 2014 n’ont rien changé, plus on échoue plus on persévère. Et en 2016 on refait le même circuit, le même débat, les mêmes erreurs. Depuis près de 30 ans on passe son temps à justifier le laxisme monétaire, à lui trouver des raisons d’être et des excuses d’échouer ! Depuis près de 30 ans on fragilise, on instabilise, on alloue les ressources de façon délirante, on triche, on masque, et à chaque alerte, à chaque menace de rechute on bétonne, on injecte.

Qui sait la masse de pourriture, d’insolvabilité, de fausses valeurs qui est maintenant stockée, dissimulée dans le système, maintenant que toutes les comptabilités sont fausses, que tous les problèmes sont reportés sur les fausses assurances que constituent les dérivés et que ces dérivés sont opaques ?

A chaque alerte on répond par les mêmes remèdes et à chaque fois le rendement de ces remèdes se réduit, tandis que la masse de conséquences non voulues progresse inexorablement.

Nous le répétons, tout le travail de ces PHD a consisté depuis près de 30 ans à rationaliser, à trouver des justifications intellectuelles à la dérive névrotique et lâche de nos systèmes.

Le résultat, il est là, il crève tellement les yeux que personne n’ose le dénoncer; ils sont obligés de rationaliser leur échec, ils sont obligés de rationaliser la thèse scandaleuse de la stagnation séculaire.

Les élites rationalisent la régression.

Cpr7LPHWgAAC_gR

EN BANDE SON

   NI PUB, NI SPONSOR, NI SUBVENTION, SEULEMENT VOUS ET NOUS….SOUTENEZ CE BLOG FAITES UN DON

Image d’aperçu

11 réponses »

  1. je ne sais pas si cela serait arrivé avec un concurrent. l urss était le concurrent.

    d ailleurs , et c’est un theme qui m est cher, tout pourrait s effondrer comme l urss,
    (alors que la russie est aujourd hui mieux positionnée (sa monnaie est plus saine qu elle ne l etait, le rub était une extraordinaire opportunité d achat lorsque la maison blanche a tire dessus).

  2. LES DESIRS N’ECHAPPENT PAS A L’ATTRACTION DES LOIS NATURELLES:

    « La finance contemporaine est fondée d’abord et surtout sur la finance de gouvernement, laquelle n’a aucun rapport avec la rentabilité économique et ensuite elle est fondée non pas sur les cash flows , mais sur les assets, les collatéraux, comme au temps de John Law de sinistre mémoire. »
    Si je comprends bien, la finance et in extenso l’économie ne sont plus arbitrés par les rapports flucuant du marché auquel s’ajustent les théoriciens de l’économics épaulés des politiques, mais plutot comme un dirigisme qui s’affranchie des forces de marché ou le 1er critère sélectif qui définit la valeur est faussé par le principe du « mark to fantasy » (mark to model) à défaut de celui classique du « mark to market »… Les valeurs et les prix sont donc détachées des rapports de force pour une virtualisation des forces naturelles qui régissaient les liens de causalité, les mentalités, les perceptions et conceptions qui font les décisions humaines?.
    C’est donc à une métamorphose alchimique qui aboutit à transférer dans quelques mains divines… ou tentacules les choix du monde, en totale lévitation, de la finance puis de l’économie, du social…

    « Aujourd’hui, alors que nous sommes dans la situation contraire, marquée par la disparition des gains de productivité, on prône les mêmes politiques; les stimulus monétaires! »
    C’est frappant de voir que là aussi le principe clé et naturel du « rendement marginal décroissant » les lamine car il échappe et contredit toutes les décisions soutenues par leur dirigisme conceptuel et qui s’appuie sur le DESIR ,car lui meme ce désir est-il soutenu par des forces résultantes instinctuelles comme la frustration et à l’opposé l’extase et cela les fait donc baigner collectivement dans un monde onirique totalement faisandé par leur Hybris
    Ils trouvent une recette miraculeuse, elle produit un temps des effets positifs, puis perd de sa force, se retourne enfin… et c’est parce qu’ils ont toujours refusé le poids du reel, celui des cycles, et que la gourmandise en plus du narcissisme sont les jambes avec lesquels ils déplacent
    leurs pensées et leurs actes dans cet univers paralelle qui est le leur, ils l’inflatent à mesure qu’enfle leur folie directrice et que pour échapper aux effets gravitationnels du reel attractif ils déploient de plus en plus d’énergie « noire » qui alimenteront aussi bien leur propre .univers que le notre de ses effets les plus destructeurs.Car quand l’un inflate, l’autre se contracte, jusquà qu’un seuil de rupture se produise et génère une « conflafration » magistrale.
    Ils pensent tenir et durer… mais durer finira par couter très cher aux 2 univers!

  3. Ce qu’évoque très bien l’article c’est cette oligarchie amoureuse de ses propres idées et qui ne regarde plus le monde réel, persuadé, à tort, que le monde réel c’est elle qui en fixe les normes.
    La consanguinité intellectuelle n’a jamais rien donné de bon, ni à Rome, ni chez la noblesse européenne qu’elle s’appelle Bourbon, Habsbourg ou Romanov. Cela fait longtemps qu’ils ressassent les mêmes idées alors que le système qu’ils ont bâtis s’écroule.
    L’illusion qui consiste à vendre un projet utopique en lui prêtant de grandes vertus pour le bienfait supposé du peuple et dont le vrai but est de conserver le pouvoir et la richesse tout en faisant croire aux citoyens qu’ils auront leur part aussi est en train de se dissiper.
    L’UE qui n’est qu’un des avatars de la mondialisation restera une escroquerie intellectuelle, comme le communisme. Aujourd’hui les rois et leurs serviteurs sont nus. Quand l’UE va s’effondrer, que vont-ils pouvoir avoir à nous promettre encore une fois ?
    Ils ne diront pas  » je n’ai pas eu de bol », personne ne peux dire une idiotie pareille, sauf notre bouffon président qui n’a visiblement même pas compris le rôle de la fonction pour laquelle il a été élu.

  4. Il y a eu les rois et il y a aujourd’hui des fonctionnaires
    Les rois ont été éduqués pour gouverner (je pense à l’enfance de Louis XIV)
    Je ne pense pas qu’il faille mettre dans le même panier les Habsbourg Romanov et Bourbon
    Ce ne sont pas les mêmes

    Depuis les révolutions
    La pyramides du pouvoir est inversée ….
    Ce ne sont pas des rois qui sont au pouvoir,ce sont des petits fonctionnaires issus de l’enarchie ils ne gouvernent pas, ils éxécutent les ordres donnés par une caste de marchands
    Les rois avaient le courage d’aller sur le champ de bataille
    Les rois surent monter à la guillotine avec courage et dignité, .je n’imagine pas les petits monsieurs qui se pavanent dans les palais de la république capables d’un tel courage
    La grandeur de la France et son souvenir se contemple à à Versailles pas à l’ena!!

    Illustration
    https://www.youtube.com/watch?v=UshM3klsuBw

    L’avant dernier directeur de sciences po défoncé avant qu’on le retrouve mort dans un hotel de new york (circonstances de la mort sordides)
    .https://www.youtube.com/watch?v=5DVoBjcmQNY
    Raconté par une journaliste du systéme c’est encore plus savoureux !! Un cas d’école un exemple du mélange « du mélange des genres ..décidément NY est dangereux pour nos « elites ».

    • @ Anders

      Le seul plan sur lequel je compare les grands royaumes d’Europe et les idées mondialistes actuelles sont sur le plan du renfermement intellectuel. Que ce soit les Bourbon, les Habsbourg ou les Romanov, ils vivaient ensemble, discutaient entre eux et se mariaient entre eux, ce qui fait qu’ils n’ont pas vu les changements de société qui les remettaient en cause arriver ( d’autres royaumes ont survécu en étant plus lucide comme l’Angleterre.)
      Concernant le système actuel, on y retrouve une noblesse bureaucratique comme il y avait une noblesse au temps des rois.
      Le courage est une valeur qui a été déprécié avec le pacifisme socialisme et que le pseudo-féminisme a achevé en le faisant passer pour machiste.
      Comme le socialisme européen s’écroule, je pense que bons nombre de vertus enterrés vont faire leur retour.

  5. Extrait : »Ces sursauts proviennent de la nature très particulière de la France. Ce n’est pas un état comme les autres. Le pouvoir ne s’y confond pas avec la force. La France a toujours reposé sur ses familles, sur des communautés d’intérêt, sur un état de droit mis en place alors que l’Europe connaissait encore régime féodal et droit du plus fort. Si la France présente cette spécificité cela lui vient de ses origines. Clovis, ne fut pas seulement le premier des rois, mais ce fut surtout le premier des rois chrétiens. Ainsi dès l’aube de la civilisation française il y avait, venant couronner au sens propre comme figuré le pouvoir, une transcendance. Politique et mystique allaient de pair. Jamais le roi ne fut un monarque tout puissant. La royauté française a toujours été vécue comme un service, imposant des devoirs garantis par Dieu. Au-dessus du roi il y avait toujours la nécessité de conserver les préceptes de l’évangile qui sont aussi ceux du droit naturel : respect de la personne humaine, respect de la famille. La France a mérité le titre de « Fille aînée de l’Eglise », parce que plus que toute autre nation, elle a su mettre ses devoirs avant ses droits. Elle a puisé dans la religion une éthique qui donnait à la politique une autre dimension. Ainsi, elle devint un modèle…. »
    …….

Répondre à AndersAnnuler la réponse.