Art de la guerre monétaire et économique

Mondialisme : La cinquième colonne des États-Unis détruira la Russie

By Paul Craig Robertsreseauinternational.net mai 27, 2018

Voici la conférence que j’aurais donnée si j’avais pu accepter l’invitation à la conférence économique de Saint-Pétersbourg en Russie ce week-end.

Synthèse : Du point de vue du dilemme de la Russie, il s’agit d’un éditorial important. L’impuissance partielle de Poutine vis-à-vis de Washington, est due à l’emprise exercée par l’économie néolibérale sur le gouvernement russe. Poutine ne peut pas rompre avec l’Occident parce qu’il estime que le développement économique russe dépend de l’intégration de la Russie dans l’économie occidentale. C’est ce que l’économie néolibérale raconte à l’establishment économique et financier russe.

Tout le monde devrait comprendre que je ne suis pas un pro-russe anti-étasunien. Je suis contre la guerre, en particulier la guerre nucléaire. Ma crainte est que l’incapacité du gouvernement russe à faire preuve de fermeté, est due au fait qu’il est convaincu que le développement russe, malgré tous les discours sur le partenariat eurasien et la Route de la Soie, dépend de son intégration dans l’Occident. Cette croyance totalement erronée empêche le gouvernement russe de rompre définitivement avec l’Occident. De ce fait, Poutine continue d’accepter des provocations afin d’éviter la rupture décisive qui couperait la Russie de l’Occident. À Washington et au Royaume-Uni, cette attitude est prise pour un manque de détermination de la part de Poutine, et encourage l’escalade des provocations qui s’intensifieront jusqu’à ce que la seule option de la Russie soit la reddition ou la guerre.

Si le gouvernement russe ne croyait pas avoir besoin de l’Occident, en répondant plus énergiquement aux provocations, il montrerait clairement qu’il y a des limites à ce que la Russie pourra tolérer. Cela permettrait aussi à l’Europe de prendre conscience que son existence est en jeu. Le fait que l’Europe admette que Trump abuse d’elle et que sa propre existence est menacée par son alignement avec un Washington agressif, romprait l’alliance occidentale et dissoudrait l’OTAN. Mais Poutine ne fait rien pour déclencher cela, car il croit à tort que la Russie a besoin de l’Occident.

Si les néocons avaient de la retenue, ils se détendraient et laisseraient la cinquième colonne – l’économie néolibérale étasunienne – achever la Russie pour eux. La Russie est condamnée parce que les économistes néolibéraux étasuniens ont fait subir un lavage de cerveau aux économistes du pays durant les années Eltsine. Ce fut assez facile de le faire pour eux. L’économie communiste était anéantie, l’économie russe était brisée, les Russes souffraient de privations généralisées, et les États-Unis victorieux étaient là avec une main secourable.

Sauf qu’en réalité, la main secourable était cupide. Par l’intermédiaire des privatisations, elle s’est emparée des ressources russes et les a confiées aux oligarques amis des Étasuniens. Les économistes russes n’avaient aucune idée de la façon dont le capitalisme financier, sous couvert de néolibéralisme, dépouille les économies de leurs patrimoines tout en les endettant.

Mais le pire est arrivé. Les économistes russes ont été soumis à un lavage de cerveau qui leur a inculqué un mode de pensée économique qui sert l’impérialisme occidental.

Par exemple, l’économie néolibérale expose la monnaie russe à la spéculation, à la manipulation et à la déstabilisation. Les entrées de capitaux peuvent servir à augmenter la valeur du rouble, puis au moment opportun, en retirant les capitaux, la valeur du rouble chute, l’inflation monte, le prix des importations est plus élevé. Les répercussions sur niveau de vie sont négatives. Washington a toujours utilisé ce genre de manipulations pour déstabiliser les gouvernements.

L’économie néolibérale a aussi endoctriné la banque centrale russe, en lui faisant croire que le développement économique dépend d’investissements étrangers. Cette croyance erronée menace la souveraineté même de la Russie. La banque centrale russe pourrait facilement financer tout le développement économique interne en créant de l’argent, mais son lavage de cerveau ne lui permet pas de s’en rendre compte. La banque pense que si elle finance le développement interne, le résultat serait l’inflation et la dépréciation du rouble. Ainsi, inspirée par l’économie néolibérale étasunienne, la banque centrale emprunte à l’étranger de l’argent dont elle n’a pas besoin ; elle alourdit ainsi la dette extérieure de la Russie et détourne des ressources russes pour rembourser les intérêts à l’Occident.

Comme Michael Hudson et moi l’avons expliqué aux Russes il y a deux ans, quand la Russie emprunte à l’Ouest, aux États-Unis par exemple, qu’arrive-t-il aux dollars empruntés ? La Russie ne pouvant pas les dépenser au niveau national pour financer des projets de développement, où vont les dollars ? Ils vont dans les avoirs en devises de la Russie et produisent des intérêts pour le prêteur. La banque centrale crée alors l’équivalent en roubles des dollars empruntés et inutilisés, et finance le projet. Dans ces conditions, pourquoi emprunter des dollars ? La seule raison possible est que les États-Unis puissent utiliser la dette en dollar pour exercer un contrôle sur le processus décisionnel russe. En d’autres termes, la Russie se livre entre les mains de ses ennemis. Cette réalité est explicitée dans les articles suivants :

À vrai dire, c’est la croyance erronée du gouvernement russe, que le développement économique russe dépend de l’inclusion de la Russie dans l’Occident, qui pousse Poutine à accepter les provocations et les humiliations que l’Occident accumule contre la Russie. L’absence de réponse à ces provocations finira par faire perdre au gouvernement russe le soutien des éléments nationalistes en Russie.

Poutine se bat pour que la Russie s’intègre au système économique occidental tout en conservant sa souveraineté (objectif irréaliste), parce qu’il a été convaincu par des notables russes qui sont plus occidentaux que russes, que le développement économique de la Russie dépend de son intégration dans l’économie occidentale. Comme le gratin économique néolibéral contrôle la politique économique et financière de la Russie, Poutine estime qu’il doit accepter les provocations occidentales ou renoncer à ses espoirs de développement économique russe.

Les économistes russes sont si endoctrinés par l’économie néolibérale, qu’ils ne sont même pas capables de voir que l’économie jadis florissante des États-Unis, a été complètement anéantie par les pratiques néolibérales.

Les États-Unis ont la plus grosse dette publique de tous les pays. Les États-Unis ont les plus grands déficits commerciaux et budgétaires de tous les pays. Les États-Unis ont 22% de chômage et ils le cachent en ne comptant pas parmi les chômeurs des millions de travailleurs découragés qui incapables de trouver un emploi, ont cessé d’en chercher et sont arbitrairement exclus des statistiques. La classe des retraités a été privée de tout intérêt sur leur épargne pendant dix ans, car il était plus important pour la Réserve fédérale de renflouer les prêts irrécouvrables d’une poignée de banques devenues « trop grosses pour passer à la trappe » à cause de la dérégulation promue par l’économie néolibérale. En trompant sur le « libre-échange » et le « mondialisme, » l’économie néolibérale a délocalisé à l’étranger des emplois manufacturiers et des compétences professionnelles négociables, car là-bas les salaires étaient plus bas ; cela a augmenté le revenu des propriétaires au détriment du revenu des salariés étasuniens et a laissés ceux-ci avec des boulots de services peu payés, dignes de pays du tiers monde. Aux États-Unis, le revenu familial moyen réel stagne depuis des décennies. La Réserve Fédérale a récemment rapporté que les gens sont si pauvres que 41% de la population ne peut pas réunir 400 dollars sans vendre des biens personnels.

Les jeunes, s’ils suivent des études universitaires, sont esclaves de la dette en entamant la vie. À l’heure actuelle, 44 200 000 Étasuniens ont une dette de prêt étudiant, dont le total se monte à 1048 milliards de dollars !

Aux États-Unis, tous les 50 États ont soutenu publiquement des universités où les frais de scolarité sont censés être modiques, afin d’encourager l’éducation. Quand j’étais à Georgia Tech, une école d’ingénieurs de premier ordre, mes frais de scolarité annuels étaient inférieurs à 500 dollars. Les prêts n’étaient pas nécessaires et ils n’existaient pas.

Qu’est-il arrivé ? Le capitalisme financier a trouvé le moyen de transformer les étudiants universitaires en serviteurs sous contrat, et les administrations universitaires ont coopéré. Les frais de scolarité ont grimpé et grimpé, et ont été toujours plus affectés à l’administration, les coûts de celle-ci ayant explosé. Aujourd’hui, de nombreuses administrations universitaires absorbent 75% du budget annuel, ce qui ne laisse pas grand chose pour le salaire des professeurs et l’aide aux étudiants. L’obéissant Congrès a créé un programme de prêt qui piège dans d’énormes dettes les jeunes gens qui veulent se former à l’université. Avec autant d’emplois bien rémunérés délocalisés à l’étranger par l’économie néolibérale, les jobs disponibles ne permettent pas de rembourser les dettes du prêt étudiant. Un grand pourcentage de gens entre 24 et 34 ans vivent chez leurs parents, car leur emploi ne leur permet pas de rembourser la dette de leurs études et de payer le loyer. La dette les empêche de vivre dans l’indépendance.

Aux États-Unis, l’endettement de la population produit par l’économie néolibérale – privatiser, privatiser, déréguler, déréguler, endettement, endettement – empêche toute croissance économique car, après le service de la dette, les gens n’ont plus d’argent pour stimuler l’économie. Les voitures, les camions et les SUV sont vendus sans acompte et sept ans de prêts. Dès la minute où un véhicule est acheté, l’obligation de remboursement du prêt dépasse la valeur du véhicule.

Le Wall Street Journal rapporte que Mike Meru, un dentiste qui gagne 225 000 dollars par an, a 1 060 945,42 dollars de dette d’un prêt étudiant. En remboursant 1 589,97 dollars par mois, cela ne suffit pas à couvrir les intérêts, et encore moins à réduire le capital. Il en résulte que sa dette de sept ans à l’université de Californie du Sud, augmente de 130 dollars par jour. Dans vingt ans, le solde de son prêt atteindra 2 millions de dollars.

Si l’économie néolibérale ne marche pas aux États-Unis, pourquoi marcherait-elle en Russie ? L’économie néolibérale ne marche que pour les oligarques et leurs établissements, comme Goldman Sachs, qui sont financés par la banque centrale pour maintenir l’économie à flot. Washington acceptera que la Russie s’intègre dans le système occidental quand Poutine acceptera de ressusciter la pratique de l’ère Eltsine, qui consiste à permettre aux établissements financiers occidentaux de déposséder la Russie de ses patrimoines tout en la chargeant de dettes.

Je pourrais continuer à parler longuement de l’économie pourrie (junk economics), pour utiliser le terme de Michael Hudson, qu’est l’économie néolibérale. Les États-Unis sombrent à cause d’elle, tout comme la Russie.

John Bolton et les néocons devraient juste se détendre. L’économie néolibérale, qui a des intérêts financiers russes, le gouvernement russe et apparemment Poutine lui-même, viendront à bout de la Russie sans guerre.

https://reseauinternational.net/la-cinquieme-colonne-des-etats-unis-detruira-la-russie/

OK+++++++++++++++++++++

EN BANDE SON : 

5 réponses »

    • Pour faire court il s’agit du capitalisme financier né au début des années 80 aux Etats Unis sous Reagan…L’essor de la financiarisation de l’économie va de pair avec l’essor de la mondialisation, la dérégulation des flux financiers permettant une croissance par la dette et non plus par l’épargne comme auparavant…. Le système néolibéral n’a de libéral que le nom puisque la création de monnaie se fait sous contrôle des banques centrales qui dirigent les marchés par le biais de la fixation des taux…Au final c’est un système qui bénéficie essentiellement aux Etats Unis puisque la plupart des échanges s’effectuant en dollar ils bénéficient ainsi d’un privilège exorbitant…Le capitalisme de connivence ou crony capitalisme n’étant qu’un des aspects des dérives qu’a permis le système néolibéral….

    • Parce que les mots ont un sens et qu’en détourner la signification c’est faire office de propagande, d’amalgame et de raccourcis douteux…Ainsi le Mondialisme n’est pas la mondialisation, l’islamisme n’est pas l’islam, le néoconservatisme n’est pas le conservatisme et le… neoliberalisme n’est pas le liberalisme

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