Mercenariat, État profond, privatisation de la guerre : réalités et fantasmes
Erik Prince cristallise tout ce que l’Amérique contemporaine ne veut plus regarder en face.
Il est à la fois l’homme des guerres invisibles, le bouc émissaire commode, et le symptôme d’un basculement plus vaste : la privatisation stratégique de la puissance.
Blackwater n’est ni une milice hors contrôle, ni une légende noire fabriquée de toutes pièces.
C’est l’enfant monstrueux mais logique d’un État impérial qui a voulu faire la guerre sans l’assumer politiquement.

I. BLACKWATER : NAISSANCE D’UNE ARMÉE DE L’OMBRE
Blackwater naît à la fin des années 1990 dans un contexte précis :
- fin de la Guerre froide,
- réduction des effectifs militaires,
- multiplication des opérations extérieures,
- refus croissant de l’opinion publique face aux pertes humaines.
La solution américaine fut pragmatique, presque cynique :
👉 externaliser ce que l’État ne voulait plus montrer.
Blackwater devient :
- force de protection,
- opérateur de sécurité,
- prestataire logistique,
- outil de projection rapide.
Pas une armée parallèle.
Mais un bras prolongé, contractuel, déniable.
II. ERIK PRINCE : NI MERCENAIRE, NI IDÉOLOGUE
Contrairement au mythe, Erik Prince n’est pas un aventurier sans boussole.
- Issu d’une famille industrielle conservatrice,
- proche des cercles sécuritaires,
- obsédé par l’efficacité opérationnelle,
- hostile à la bureaucratie militaire lente.
👉 Prince pense en entrepreneur de la guerre, pas en idéologue.
Son intuition centrale :
L’État moderne est trop lourd pour les conflits fluides.
Il propose donc :
- vitesse,
- flexibilité,
- absence de chaînes de commandement politiques.
C’est précisément ce qui dérange.
III. LA ZONE GRISE : NI ILLÉGALE, NI TRANSPARENTE
Blackwater opère dans une zone grise :
- sous contrat officiel,
- hors des structures militaires classiques,
- avec des règles d’engagement ambiguës,
- et une responsabilité juridique fragmentée.
👉 Ce flou n’est pas une dérive. Il est voulu.
Il permet :
- la dénégation politique,
- la réduction des coûts politiques,
- la continuité opérationnelle malgré les alternances.
L’Empire agit.
La démocratie détourne les yeux.
IV. IRAK : LE POINT DE RUPTURE
Les événements de Bagdad ont figé Blackwater dans l’imaginaire collectif.
Mais ce que l’on oublie souvent :
- les contractants opéraient dans des environnements que l’armée refusait,
- ils protégeaient des convois diplomatiques vulnérables,
- ils remplaçaient une présence étatique insuffisante.
👉 Le scandale n’a pas révélé l’existence du problème.
Il a révélé le malaise face à la réalité de la guerre moderne.
V. FANTASMES : BLACKWATER COMME “ÉTAT PROFOND”
Prince est devenu un écran de projection.
On lui prête :
- des coups d’État,
- des guerres privées,
- des manipulations globales.
La réalité est plus triviale et plus inquiétante :
👉 Blackwater révèle l’incapacité de l’État à assumer la violence qu’il ordonne.
Ce n’est pas un État profond.
C’est une sous-traitance du tragique.
VI. POURQUOI L’AMÉRIQUE A BESOIN DE FIGURES COMME PRINCE
L’Amérique est une puissance paradoxale :
- elle projette la force,
- mais déteste la voir.
Elle veut :
- des résultats,
- sans images,
- sans cercueils,
- sans débats.
👉 Les contractants privés remplissent cette fonction ingrate.
Ils sont :
- efficaces,
- remplaçables,
- sacrifiables symboliquement.
VII. LE RETOUR DE L’ÉTAT STRATÉGIQUE… SANS ILLUSION
Aujourd’hui, le vent tourne.
- L’État revient,
- la guerre redevient assumée,
- la projection impériale se réorganise.
Mais l’héritage Blackwater demeure :
👉 la guerre moderne ne sera plus jamais totalement étatique.
Erik Prince a été :
- un pionnier,
- un révélateur,
- un paratonnerre.
VIII. CE QUE BLACKWATER NOUS DIT DE L’IMPERIUM
Blackwater n’est pas une anomalie.
C’est un moment.
Un moment où l’Empire a voulu :
- agir sans apparaître,
- frapper sans déclarer,
- contrôler sans assumer.
👉 Le problème n’est pas Erik Prince.
Le problème, c’est ce que son succès a rendu possible.
⚖️ FORMULE DE SYNTHÈSE
Blackwater n’a pas privatisé la guerre.
Elle a révélé que l’État ne voulait plus en porter le poids moral.
🕯️ CONCLUSION : LA GUERRE SANS NOM
Erik Prince restera une figure controversée.
Non parce qu’il aurait inventé une monstruosité,
mais parce qu’il a donné un visage à ce que le pouvoir préférait laisser sans nom.
L’Empire agit toujours.
Simplement, il choisit désormais qui porte la responsabilité visible.
Et cela, aucune morale médiatique ne pourra l’effacer.

GUERRE HYBRIDE, PMCs ET IMPERIUM POST-LIBÉRAL
Pourquoi la privatisation de la violence n’est pas une dérive, mais une phase historique
La guerre n’a pas disparu.
Elle a changé de forme.
À mesure que les démocraties libérales ont voulu pacifier leur image, la violence s’est déplacée : hors des parlements, hors des déclarations officielles, hors du champ symbolique. C’est dans cet interstice qu’ont émergé les PMCs (Private Military Companies) — non comme des anomalies, mais comme des solutions fonctionnelles.
Blackwater n’est qu’un nom.
La logique est systémique.
I. DE LA GUERRE D’ÉTAT À LA GUERRE D’INTERFACES
La guerre westphalienne reposait sur :
- des États identifiés,
- des armées régulières,
- des déclarations,
- des responsabilités assumées.
La guerre contemporaine repose sur :
- des interfaces,
- des contrats,
- des zones grises juridiques,
- une responsabilité fragmentée.
👉 Les PMCs sont les interfaces opérationnelles d’un monde qui refuse d’assumer la décision violente tout en la rendant nécessaire.
II. POURQUOI LES PMCs NAISSENT DANS LES DÉMOCRATIES
Contrairement au cliché, ce sont les démocraties avancées qui ont le plus besoin des PMCs.
Parce qu’elles :
- craignent l’opinion publique,
- redoutent les pertes visibles,
- externalisent le risque politique,
- veulent des résultats sans récits tragiques.
👉 La PMC n’est pas anti-démocratique : elle est le produit d’une démocratie qui refuse le tragique.
III. LA ZONE GRISE COMME STRATÉGIE
Les PMCs opèrent là où :
- l’État ne veut pas être vu,
- l’armée ne peut pas être déployée,
- la diplomatie est trop lente,
- le droit international est trop contraignant.
Ce flou n’est pas un bug.
C’est l’outil.
👉 La zone grise est devenue un espace stratégique à part entière.
IV. DE BLACKWATER À WAGNER : DEUX MODÈLES, UN MÊME MONDE
Comparer Blackwater et Wagner est instructif — et trompeur si l’on s’arrête à la morale.
- Blackwater : contractualisation, déni, sous-traitance.
- Wagner : intégration informelle, loyauté politique, projection directe.
Mais les deux répondent à la même exigence :
👉 agir vite, frapper loin, sans engager formellement l’État.
La différence tient au régime politique, pas à la logique.
V. PMCs ET GUERRE ÉCONOMIQUE
Les PMCs ne protègent pas seulement des hommes.
Elles protègent :
- des routes,
- des pipelines,
- des mines,
- des data centers,
- des infrastructures critiques.
👉 La guerre contemporaine est logistique avant d’être idéologique.
Celui qui sécurise les flux contrôle la puissance.
VI. LE MYTHE DU “MERCENAIRE”
Le mot “mercenaire” rassure les consciences.
Il individualise la faute.
La réalité est plus dérangeante :
👉 les PMCs sont intégrées aux chaînes de décision étatiques.
Elles :
- obéissent à des contrats publics,
- opèrent sous mandat,
- servent des objectifs nationaux.
Le scandale consiste à croire qu’on peut bénéficier de la force sans en porter le coût moral.
VII. VERS LE RETOUR DE L’ÉTAT STRATÈGE… AVEC PMCs
Le cycle actuel n’annonce pas la fin des PMCs.
Il annonce leur intégration plus claire.
- doctrines réécrites,
- contrôles renforcés,
- articulation avec les armées régulières,
- usage ciblé et assumé.
👉 L’Imperium post-libéral ne renonce pas à la zone grise.
Il l’ordonne.
VIII. CE QUE LES PMCs DISENT DE NOTRE ÉPOQUE
Elles disent trois vérités que le discours officiel évite :
- La paix universelle est un mythe.
- La puissance exige des outils flexibles.
- La violence ne disparaît jamais — elle se déplace.
👉 Les PMCs ne sont pas la maladie. Elles sont le symptôme.
⚖️ FORMULE DE SYNTHÈSE
Quand les États refusent d’assumer la guerre,
ils inventent des formes pour continuer à la mener.
🕯️ CONCLUSION : L’IMPENSÉ DU POUVOIR
Les PMCs ne sont ni héroïques ni diaboliques.
Elles sont fonctionnelles.
Elles rappellent une vérité que l’époque libérale a voulu oublier :
👉 la souveraineté a un coût, et ce coût est toujours violent.
Erik Prince a donné un visage à cette réalité.
Le monde impérial, lui, a déjà choisi de continuer.

Bande-son : John Cale – Mercenaries.
Quand la guerre sort des parlements et entre dans les contrats.
🎵 John Cale – Mercenaries
Pourquoi c’est éditorialement juste :
- morceau glacial, désenchanté, sans héroïsme,
- vision du monde comme zone grise, contrats, forces sans drapeau,
- exactement l’esthétique de la guerre des ombres qui ne dit jamais son nom,
- ni apologie, ni dénonciation morale : constat brutal.
👉 Mercenaries n’illustre pas la guerre.
👉 Il illustre ceux qui la font quand les États ne veulent pas signer.

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Catégories :Etat Profond, Etats-Unis













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⚔️ ZONE GRISE DU POUVOIR AMÉRICAIN
Erik Prince, Blackwater, PMCs : réalités et fantasmes
Ces deux textes ne cherchent ni à absoudre ni à diaboliser.
Ils mettent à plat une réalité mal comprise du pouvoir américain :
la privatisation partielle de la violence comme réponse fonctionnelle à une époque qui refuse d’assumer le tragique.
👉 Blackwater n’est pas une anomalie.
👉 Les PMCs ne sont pas un complot.
👉 La “zone grise” n’est pas un dérapage : c’est une stratégie.
Dans un monde où les démocraties veulent des résultats sans images,
où l’opinion publique pèse plus que la géographie,
où la guerre continue sans déclaration,
les États ont inventé des interfaces opérationnelles.
Erik Prince est devenu le visage commode de cette contradiction :
agir sans apparaître, frapper sans assumer, protéger sans déclarer.
Le diptyque montre :
📎 À lire ensemble
– Erik Prince, Blackwater et la zone grise du pouvoir américain
– Guerre hybride, PMCs et Imperium post-libéral
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