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Les dérivés financiers, moteurs invisibles de la crise

On a trouvé une foule de causes à la crise financière : bulle immobilière et implosion des prêts à risque, endettement démesuré des consommateurs et retranchement de ceux-ci, cupidité des institutions financières, salaires et bonis excessifs de leurs dirigeants, etc. Peut-on dire que les produits financiers dérivés sont la cause de la crise ? en partie oui !!!!! car sans eux pas de liquidation de Bear Steam ni de Lehman Brothers (principal intervenant sur ce marché)  , pas de Banques ou de Collectivités Publiques  Européennes embourbées jusqu’au cou sous des tonnes d’actifs toxiques….Dernier point : ne jamais oublier que toutes ces transactions se sont déroulées dans l’opacité la plus totale et dans le cadre de marchés négociés  de gré à gré donc sans aucune surveillance et en absence de toute règles déontologiques et prudentielles ….Le tout utilisé non pas à titre de protection et d’assurances de portefeuilles mais pour de juteux (du moins le pensait-on à l’époque )  paris unidirectionnels avec effet de levier…

EXPLICATIONS EN SUIVANT :

La majorité des experts refusent d’y croire. « Les dérivés sont des outils, un point c’est tout, tranche John Hull, professeur de finance à la Rotman School of Management, à Toronto, et spécialiste des dérivés. La plupart du temps, ils sont utilisés de façon sensée, mais comme tous les outils, ils peuvent être mal utilisés. »

D’accord, les dérivés ne sont pas la cause de la crise. Mais bon nombre se doutent qu’ils sont le moteur qui l’aggrave. Car s’il n’y avait pas eu les dérivés pour relayer et amplifier la crise, on peut croire que la crise se serait résorbée rapidement, comme le reconnaît Mo Chaudhury, professeur de finance à l’Université McGill, précédemment directeur de la modélisation des risques de marché chez State Street, au New Jersey. « Si les banques n’avaient eu que des hypothèques classiques, sans titrisation et sans dérivés, les choses auraient été beaucoup moins graves, » admet-il.

Mais par dessus leurs hypothèques de base et leurs autres prêts, les banques ont construit deux autres étages de structures dérivées.

Au premier, on trouve ces mêmes hypothèques et autres actifs, mais sous forme titrisée, et vendus à divers acheteurs institutionnels, notamment d’autres banques.

Au deuxième, on retrouve ces actifs titrisés dans des filiales de banques où ils sont transformés en dérivés scindés en multiples tranches de risque, auxquelles les agences de crédit assignent des cotes hautement favorables. C’est ici que se trouvent tous ces produits exotiques dont les acronymes épuisent toutes les ressources de notre l’alphabet : CDO, MBS, CBO, CMO, etc.

À chaque étage correspond un degré accru de levier, explique Mo Chaudhury. Au sous-sol, celui des prêts d’origine. À ce niveau, une banque aura, par exemple, avancé à un emprunteur un prêt qui couvre 90 % de la valeur d’une maison. Au rez-de-chaussée, l’acheteur d’une hypothèque titrisée aura à son tour acheté ce titre grâce à un emprunt qui couvre 90 % de son achat. Enfin, à l’étage suivant, la structure même des dérivés crée un effet de levier inhérent.

 C’est ainsi, note Mo Chaudhury, qu’à partir d’un marché hypothécaire d’une valeur d’environ 10 billions de dollars, on se retrouve avec une superstructure dont la valeur notionnelle est de 10 à 20 fois celle du marché de base dont ils sont « dérivés ».

Or, à cause de l’effet de levier, toute perte à la base sur la valeur d’une maison ou d’un prêt est multipliée par deux, cinq et même dix fois au dernier étage.

Assurances tous risques

Cependant, les CDO (credit default swaps) et autres « actifs » du genre, bien que très importants, ne sont qu’une partie de l’affaire. L’autre partie, aussi grave, tient aux CDS (ou swaps sur défaillance), souligne Nicolas Papageorgiou, professeur agrégé de finance à HEC Montréal et directeur de la recherche chez Desjardins gestion d’actifs.

« Le fait que les gens aient pu s’assurer à des prix dérisoires sur ces produits, leur a permis de prendre de plus en plus de risques. Cela a fait baisser la pression sur les écarts de rendement entre les taux d’entreprise et les taux des bons du Trésor. » Par contre, à cause de cette baisse de pression sur les taux, « les banques, pour rentabiliser leurs prêts, se devaient de prêter davantage ».

Or, tous ces produits financiers exotiques sont hors bilan. Qu’est-ce que cela signifie ? Quand la valeur initiale d’un dérivé est zéro, on ne peut inscrire dans les livres d’une entreprise une valeur qui lui corresponde. Par contre, au gré des mois qui passent, si les règlements d’argent entre les parties d’un contrat s’avèrent positifs ou négatifs, ce sont ces pertes ou ces gains qui seront inscrits dans les résultats trimestriels.

Or, les chutes de valeur dans le marché immobilier touchent les portefeuilles traditionnels d’hypothèques des banques. Et ces pertes se répercutent ensuite dans la superstructure des actifs titrisés et des dérivés où elles sont multipliées. Et ce sont ces pertes, toujours inattendues et imprévisibles, qui sont transmises ensuite dans les résultats des banques.

Ces pertes ne se limitent pas aux dérivés liés aux marchés hypothécaires. Parce qu’une foule d’actifs chutent ou connaissent des fluctuations considérables (actions, taux d’intérêt, devises, prix du pétrole), nombre de dérivés dans une multitude de secteurs sont sans doute dévalorisés. Tout cela fait de l’univers des dérivés un moteur qui génère systématiquement des pertes. C’est pourquoi Warren Buffett les avait qualifiés il y a quelques années, « d’armes financières de destruction massive ».

Y a-t-il moyen de connaître l’ampleur des pertes potentielles que le monde des dérivés abrite ? Peut-on savoir quelle est l’ampleur des risques entretenus par les banques dans leurs portefeuilles de dérivés ? La réponse est non, dit Nicolas Papageorgiou. « Nous sommes à la merci des dévoilements des banques, dit-il. Même si Citibank ou Bank of America nous disent qu’elles ont été profitables durant quelques mois, nous pouvons encore nous attendre à ce que d’autres radiations surviennent à la dernière minute. »

Pas de dérivés, pas de crise

Finalement, ajoute Nicolas Papageorgiou, le rôle des dérivés financiers est si central dans la crise actuelle qu’on peut même dire qu’ils ont été la cause de la bulle immobilière, et partant, de son explosion. Comment ? Pour alimenter leur machinerie de titrisation, avec tous les frais de transactions, tous les bonis et tous les profits que cette machinerie entraîne, les banques avaient besoin de nouveaux actifs vierges. Elles ont attiré une foule de nouveaux emprunteurs hypothécaires au moyen d’offres dénuées de tout sens, alimentant ainsi la surenchère des prix.

Cette situation a permis des profits formidables pour le secteur financier, qui représentaient 30 % de tous les profits des entreprises aux États-Unis. Mais quand cette source s’est tarie, les profits colossaux se sont transformés en pertes… colossales.

– Yan Barcelo F and I SEP09 

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Le contrôle des dérivés de gré à gré se heurte à des obstacles (cliquez sur le lien)

DERNIERE MINUTE : 

lundi5 octobre 2009

Les bourses, agents de régulation

Par Yves Genier le temps
Les marchés tentent de récupérer le négoce de gré à gré

Des hauteurs stratosphériques du G20 et du Conseil de la stabilité financière, la grande réforme de la réglementation financière descend d’un étage, celui des marchés boursiers. L’enjeu, c’est la redistribution des transactions de dérivés qui se négocient de gré à gré, et dont l’opacité a manqué de porter un coup fatal au système financier il y a un an.

Les bourses se frottent les mains à l’idée de se faire livrer ce pan du négoce. Les 51 membres de la Fédération internationale des bourses de valeurs (FIBV), qui tiennent leur réunion annuelle jusqu’à mercredi à Vancouver, ne manqueront pas de souligner la transparence de leurs plates-formes et les règles strictes qu’elles imposent à leurs utilisateurs. Il s’agit, pour elles, d’éviter une intrusion trop forte des banques centrales, qui se profilent déjà comme contreparties forcées des dérivés de gré à gré.

Ce que les bourses diront sera écouté avec la plus grande attention par leurs autorités de surveillance, dont l’organisme faîtier, l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), tiendra sa conférence annuelle jeudi et vendredi à Bâle. Les gendarmes des marchés jaugeront notamment le degré de surveillance qu’ils devront – et pourront – imposer aux marchés.

Leurs questions les plus brûlantes concerneront les «dark pools». Ces plates-formes de négoce en gros mises en place par les bourses depuis la mi-2008 connaissent une croissance fulgurante. Contrairement aux bourses traditionnelles, leurs transactions se font sans affichage des prix ni noms des donneurs d’ordre. Une semi-obscurité gênante à l’heure de la transparence proclamée comme une vertu.

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